Par Rodrigue Tremblay, professeur émérite de sciences économique et ancien ministre de l’industrie et du commerce québécois, et auteur du livre géopolitique « Le Nouvel empire américain », l’Harmattan, 2004, et auteur du livre « La régression tranquille du Québec, 1980-2018 », Fides, 2018.
« Lorsque chaque pays mit l’accent sur la protection de ses propres intérêts privés, l’intérêt public mondial s’est effondré, et avec lui les intérêts privés de tous.»
– Charles Kindleberger (1910-2003). Historien économique américain, dans son livre « The World Depression 1929-1939 », 1973.
« Le monde est un endroit plein de dangers. — Non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire.»
– Albert Einstein (1879-1955 ). Rapporté dans le livre de Josep Maria Corredor, « Conversations avec Pablo Casals », 1955.
« Je pense que c’est le début d’une nouvelle guerre froide… Je pense que les Russes vont progressivement réagir assez négativement et cela affectera leur politique. Je pense que c’est une erreur tragique. Il n’y avait aucune raison à cela. Personne ne menaçait personne d’autre.»
– George F. Kennan (1904-2005). Diplomate et historien américain, dans le New York Times, le 2 mai 1998.
« Tout en défendant leurs propres intérêts vitaux, les puissances nucléaires doivent éviter les confrontations qui amènent un adversaire à choisir entre une retraite humiliante ou une guerre nucléaire. Adopter ce genre de ligne de conduite à l’ère nucléaire ne serait qu’une preuve de la faillite de notre politique— ou le souhait d’une mort collective pour le monde entier.»
– John F. Kennedy (1917-1963), (dans un important discours, le lundi 10 juin, 1963.).
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En 2004, la plupart des économies sont sur le point de traverser une année difficile, au plan économique. Dans plusieurs pays, notamment en Europe et en Amérique du Nord, les enquêtes indiquent que les principales préoccupations et attentes des entreprises et des consommateurs, au cours de l’année, sont des questions économiques, telles que celles reliées à l’inflation persistante, l’endettement public et privé élevé et une récession économique potentielle, plus ou moins sévère.
La question économico-sociale de l’afflux de hordes d’immigrés illégaux prendra de l’importance, principalement en Europe et en Amérique du Nord, surtout si les taux de chômage sont à la hausse.
Il en va de même des deux guerres de bombardement en Ukraine et en Palestine, ainsi que les tensions croissantes entre les États-Unis et la Chine et entre les États-Unis et l’Iran. Ces questions géopolitiques de politique étrangère devraient aussi soulever des inquiétudes.
Les grandes économies en fonction du produit intérieur brut (PIB) vs. les petites économies riches par habitant
Selon les données de la Banque mondiale, le produit intérieur brut (PIB) des États-Unis, à la mi-année 2023, soit $25 463 millards, place cette économie au premier rang mondial et représente 24,3 pourcent de l’économie mondiale.
L’économie de l’Union Européenne (UE), un bloc de 27 pays, représente pour sa part 21,7 pourcent du PIB mondial et elle se situe au deuxième rang en importance dans le monde. L’économie de la Chine suit au troisième rang, avec 15,0 pourcent du PIB mondial.
Pour les niveaux de vie (PIB par habitant), cependant, ce sont plutôt de petites économies qui dominent le palmarès, avec en tête le Luxembourg ($127 580), suivi de la Norvège ($106 328), de l’Irlande ($103 176) et de la Suisse ($92 371), le tout en dollars américains.
Un tour d’horizon et les anticipations
Les cycles économiques des principales économies ne coincident pas parfaitement, et varient quelque peu selon la structure de ces économies et selon les politiques économiques adoptées par leurs gouvernements.
Présentement, le contexte économique général est celui-ci : la lutte que les principales banques centrales mènent contre l’inflation, à coup de hausse des taux d’intérêt depuis 2022, se révélera une réussite. (N.B. Cette inflation a été la conséquence des déficits budgétaires des États et d’une création monétaire excessive pour contrôler les effets économiques néfastes de la pandémie de 2020-2022.
La question centrale devient donc de savoir si 2024 sera une année au cours de laquelle les principales économies éviteront ou non une récession économique, soit deux trimestres de suite, au minimum, de contraction du PIB.
L’exubérance sur les marchés boursiers et obligataires semble indiquer que ceux-ci anticipent un ralentissement économique en douceur, sous l’impulsion d’une régression marquée de l’inflation et de baisses multiples des taux d’intérêt à venir.
L’alternative à considérer, contrairement à l’optimisme environnant, pourrait être celle d’une année caractérisée par une récession économique classique, plus ou moins sévère, conséquence des déséquilibres économiques et financiers accumulés dans le passé. Cela pourrait aussi être causé par des chocs économiques, financiers et géopolitiques imprévus et à venir.
La situation économique aux États-Unis
Même si l’économie américaine est présentement la plus résiliente de toutes, étant au quasi-plein emploi avec un taux de chômage officiel de 3,7 pourcent, et profite d’une confiance des consommateurs à la hausse, néanmoins, un certain nombre de fissures apparaissent au tableau.
Par exemple, l’indice des indicateurs avancés du Conference Board américain est toujours en baisse et prévoit une légère récession économique aux États-Unis, en 2024. De plus, même si l’emploi aux États-Unis reste stable, les offres d’emploi sont en baisse. Cela pourrait indiquer que les projets d’investissement et de production dans certains secteurs sont ajusté aussi à la baisse.
Il faut dire qu’en plus de son secteur technologique dynamique, les États-Unis peuvent aussi compter sur une industrie de l’armement fortement subventionnée, prospère et en pleine croissance. Il s’agit d’un secteur industriel qui comprend plus de 200 000 entreprises, les plus importantes étant Lockheed Martin, RTX (Raytheon), General Dynamics et Boeing.
Ces entreprises contribuent grandement au développement industriel et à la prospérité de certains états américains, tels ceux de l’Alabama, du Connecticut, de la Virginie, du Texas et de la Californie.
La situation économique en Europe et au Canada est plus fragile
Les économies européennes et canadienne sont moins performantes que l’économie américaine et certaines d’entre elles sont déjà entrées en contraction.
Il est même possible que les données économiques qui seront dévoilées au mois de mars prochain viennent confirmer que certains pays européens et le Canada sont déjà entrés en récession, après deux trimestres de suite de baisse de leur production intérieure.
En Europe, une crise énergétique découlant du conflit russo-ukrainien s’ajoute à la remontée des taux d’intérêt pour ralentir les économies, notamment celles des 20 pays de la zone euro. Les plus en danger face à une récession sont présentement les économies allemande et italienne.
Au Canada, le taux de chômage est encore respectable à 5,8 pourcent. Mais la croissance de l’emploi est anémique avec une croissance de seulement 100 emplois au cours du mois de décembre.
De plus, en grande partie due à une politique d’immigration de la porte ouverte, la population canadienne croît à un rythme record, lequel est de loin le plus élevé de tous les pays industrialisés, alors que la croissance de l’emploi stagne.
Il en résulte une baisse du niveau de vie, ou du PIB réel par habitant.
Une période de stagflation est aussi à prévoir. En effet, une immigration massive, sans de gros investissements dans les infrastructures, gonfle la demande globale mais abaisse la productivité. On se retrouve à la fois avec de l’inflation et un ralentissement économique.
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a même publié une étude, en mars 2023, dans laquelle elle souligne que le Canada est à la traîne des économies développées au chapitre du niveau de vie de sa population, lequel ne cesse de se dégrader depuis 2014, sous l’effet d’une immigration débridée et d’une productivité générale déficiente.
Les risques géopolitiques
Ce qui serait de nature à transformer une récession économique légère en une plus sérieuse, serait une expansion des ruineux conflits militaires en cours en Ukraine et au Moyen Orient, ou de nouvelles guerres hégémoniques.
Dans un tel cas, comme la plupart des bouleversements doivent composer avec des niveaux d’endettement élevés (c.-à-d. des dettes publiques totales supérieures à la production intérieure totale), de tels développements seraient de nature à relancer l’inflation et causer une nouvelle flambée des taux d’intérêt, au cours des années à venir.
Il est rare que les conditions économiques et les risques géopolitiques soient aussi intimement reliés, mais c’est malheureusement dans le type de monde dans lequel nous vivons de nos jours.
Conclusions
La principale énigme économique consiste donc à évaluer si le ralentissement économique anticipé en 2024 sera léger et peu perturbateur des marchés du travail et des marchés boursiers, ou plutôt, si des facteurs financiers imprévus, comme la faillite d’une importante institution financière, feront en sorte que ce soit un récession économique mondiale plus importante et plus sévère.
La boule géopolitique est plus embrouillée car le gouvernement américain de Joe Biden semble se complaire dans les conflits militaires, même si le président américain avait promis, à son arrivée en poste, de recourir davantage à la diplomatie, pour régler les différents internationaux.
Quoiqu’il en soit, il est fort probable que l’année 2024 sera un point tournant tant au plan économique que géopolitique.
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec