6 février 1934 – 6 février 2024

6 février 1934 – 6 février 2024

Une vision alternative de la République

Avant d’aborder la question du 6 février, il me paraît essentiel de faire quelques rappels importants sur la République. Alpha et Omega, système indépassable et indéboulonnable de l’État français, voyons, par ordre chronologique, ce qu’en ont pensé nos polémistes et nos penseurs…

« Elle a quinze ans aujourd’hui, notre République, et elle a l’air d’avoir quinze siècles. Elle paraît plus vieille que les Pyramides, cette pubère sans virginité, tombée du vagin sanglant de la Trahison. La décrépitude originelle de cette bâtarde de tous les lâches est à faire vomir l’univers. Jézabel de lupanar, fardée d’immondices, monstrueusement engraissée de fornications, toute bestialité de goujat s’est assouvie dans ses bras et elle ressemble à quelque très antique Luxure qu’on aurait peinte sur la muraille d’un hypogée. »

Léon Bloy, La République des vaincus, Le Pal, 25 mars 1885

« La République en France est le règne de l’étranger. »

Charles Maurras, Si le coup de force est possible (1905-1908)

« La République est le régime de la discussion pour la discussion et de la critique pour la critique. Qui cesse de discuter, qui arrête de critiquer, offense les images de la Liberté. La République, c’est le primat de la discussion et de la plus stérile. »

Charles Maurras, L’Action française, 22 novembre 1912

« Être antidémocrate d’un côté, et de l’autre défendre « férocement » (…) l’idée républicaine, est une absurdité qui saute aux yeux : la république (nous entendons ici les républiques modernes : celles de l’Antiquité furent des aristocratie – comme à Rome – ou des oligarchies, ces dernières présentant souvent le caractère de la tyrannie) appartient essentiellement au monde qui prit naissance avec le jacobinisme et la subversion antitraditionnelle et antihiérarchique du XIXe siècle. Qu’on la laisse donc à ce monde, qui n’est pas le nôtre. En règle générale, une nation autrefois monarchique qui devient une république, ne peut être considérée que comme une nation « déchue ». »

Julius Evola, Orientations, 1950

« En France, est dit « républicain » celui qui se rattache à l’ensemble de mythes mis en place par les vainqueurs de 1945. »

Paul Dautrans, Manuel de l’hérétique, 2010

« Comme le pouvoir royal, militaire et économique, confiait à l’Église les domaines complémentaires du spirituel et de l’idée, le pouvoir bourgeois a donc aussi son clergé, chargé d’appliquer lui aussi, avec plus ou moins de bonheur, le cautère humaniste sur la botte de l’oppression économique dont chacun sait qu’elle est plus de fer que de bois.

Une maçonnerie, élevée sur les cendres de l’ancien pouvoir de l’Église devenue, de fait, la nouvelle religion du pouvoir, le clergé de la République bourgeoise et, au plan international, le nouvel ordre des jésuites de la République mondiale. (…)

Aujourd’hui, à l’heure du mondialisme, la maçonnerie française traditionnelle, à l’affairisme provincial et moyen-bourgeois, est sans doute en déclin, non pas quant aux nombres de ses initiés, mais quant à son influence sur la marche de la République. (…)

Réseaux, lobbies, groupes de pression… Pour sortir du mensonge dominant, servi par la naïveté universitaire et la servilité des clercs, en République, non seulement il n’existe que des communautés, mais la seule officiellement admise : la communauté nationale, pour n’être qu’une pure abstraction, est la seule qui n’existe pas. (…)

Instrumentalisation de l’humanisme helléno-chrétien, noyautage de la République par les réseaux, exacerbation des antagonismes de classes, manipulation de la démocratie d’opinion… Tout indique qu’un long processus, initié au XVIIe siècle par une oligarchie bancaire mue par l’hybris de la domination, approche de son épilogue. »

Alain Soral, Comprendre l’Empire, 2011

« [C]’est l’État français qui, par sa politique, ses lois, ses tribunaux, a organisé le « grand remplacement » des populations, nous imposant la préférence immigrée et islamique avec 8 millions d’Arabo-musulmans (en attendant les autres) (…). L’État a toujours été l’acteur acharné du déracinement des Français et de leur transformation en Hexagonaux interchangeables.

Il a toujours été l’acteur des ruptures dans la tradition nationale. Voyez la fête du 14 juillet : elle célèbre une répugnante émeute et non un souvenir grandiose d’unité. Voyez le ridicule emblème de la République française : une Marianne de plâtre coiffée d’un bonnet révolutionnaire. Voyez les affreux logos qui ont été imposés pour remplacer les armoiries des régions traditionnelles. Souvenez-vous qu’en 1962, l’État a utilisé toute sa force contre les Français d’Algérie abandonnés à leur malheur. »

Dominique Venner, Lettre sur l’identité à mes amis souverainistes, 26 juin 2012

« Car aujourd’hui et plus que jamais les valeurs de la République, c’est la loi Veil et la loi Gayssot, c’est le culte shoatique et le lobby LGBT, ce sont les déportés et les pédés, la chambre à gaz et la Gay Pride, le Sentier et le Marais, les transsexuels et les transhumanistes, Michou et Elie Wiesel, le char de la Gay Pride et le char de Tsahal, l’arc-en-ciel et l’étoile de David, la drag queen, les invertis et les travestis, les sionistes et les sodomites, l’équerre, le compas et la menorah. Face à cela, à toutes ces ignominies, à toutes ces perversions, notre refus doit être total et radical. »

Jérôme Bourbon, Rivarol n°3460

« La République a élevé la synagogue tandis qu’elle persécutait l’Église catholique. »

Youssef Hindi, « Zemmour, Pétain et les israélites collabos » (14/01/22)

Alors, toujours prêt à défendre « les valeurs de la République » ?


6 février 1934 : La République, c’est des coups de triques

Le 6 février 1934, éclata une révolte à Paris. Fait intéressant et inimaginable aujourd’hui : elle rallia à la fois « l’extrême gauche » et « l’extrême droite ». Depuis, la Gueuze a appris de ses erreurs et a toujours tout fait pour séparer et diviser les deux bords de l’échelle politique.

« Ces jours-là la république aux perfidies vénitiennes des maçons et des Juifs avait annulé le suprême mouvement de révolte et de vitalité de l’extrême droite et de l’extrême gauche. »

Pierre Drieu la Rochelle, 2 juillet 1940, Journal 1939-1945

« Pour la première fois depuis fort longtemps, les étudiants de Paris et les prolétaires rouges, armée traditionnelle de nos révolutions, manifestaient côte à côte contre la même corruption, avec la même sincérité, au même cri : « À bas les voleurs ! ». »

Lucien Rebatet, « Les crimes du 6 février 1934 », Je suis partout, 4 février 1944

« Et il n’y avait plus d’opinions, et les communistes s’accordaient avec les nationalistes, et le matin l’Humanité avait publié un appel pour demander à ses troupes de se joindre aux Anciens Combattants. »

Robert Brasillach, Notre avant-guerre, 1941

Depuis lors, il y a eu la Shoah, la repentance obligatoire, le théâtre de l’antifascisme, l’Union européenne, le LGBT, bref, le progrès, le monde moderne. Et surtout, un mot d’ordre : que jamais ne s’allient la gauche et la droite ! La seule alliance possible, c’est le macronisme, c’est-à-dire la gauche sociétale et la droite d’argent.

Mais ce rassemblement interdit, n’est-ce pas ce que E&R prône depuis des années ? Le pont entre les syndicalistes révolutionnaires et l’Action française s’est transformé aujourd’hui en jonction de la gauche du travail à la droite des valeurs. Pour le paysan, pour l’ouvrier et pour l’entrepreneur sédentaires, contre les nomades parasites !

Il faut dire aussi, pour être tout à fait honnête, qu’il y a eu une vertigineuse chute du niveau intellectuel et moral de nos concitoyens. Sans parler de leur politisation qui est totalement nulle et se résume à « attendez les prochaines élections, untel va sauver la droite, tel autre va sauver la gauche ». Pitoyable.

Quant aux responsables politiques, c’est encore pire. Nous sommes passés de Doriot, Déat et Maurras à Mélenchon, Hidalgo et Chenu. Pour les journalistes, de Rebatet, Cousteau, Brasillach, à Caroline Fourest, Julien Pain et Yann Barthès. C’est donc ça, le Grand Remplacement des élites ?

Voici donc le témoignage de trois protagonistes qui ont vécu de près le 6 février 1934 : Drieu la Rochelle, Lucien Rebatet et Robert Brasillach.

Concernant Drieu, les choses sont claires :

• 2 juillet –La Roque-Gageac (Dordogne) 1940

« La grève générale des états-majors et de l’armée française en mai et juin 1940, c’est la revanche du 6 et du 9 février 1934. Ces jours-là la république aux perfidies vénitiennes des maçons et des Juifs avait annulé le suprême mouvement de révolte et de vitalité de l’extrême droite et de l’extrême gauche. Le 7 février on avait encapuchonné la droite sous Doumergue ; après le 9 février on avait forgé le Front populaire pour encadrer et canaliser les communistes. »

• 13 juillet 1940

« La République est morte le 6 et le 9 février 1934. Le sang des jeunes bourgeois et des jeunes ouvriers a donné ses prémices ce jour-là sur l’autel de la Patrie républicaine et démocratique, sur l’autel de 89 déjà dix fois noyé de sang.

La république vénitienne des faux complots, des meurtres discrets, des embrouillaminis policiers a tué ou désespéré ces jours-là ses derniers défenseurs possibles, ceux qui voulaient la laver du bran dont elle était toute couverte. Elle a préféré leur passer Doumergue comme un suppositoire calmant et le Front populaire pour noyer le poisson. »

Pierre Drieu la Rochelle, dans Arthur Sapaudia : Pierre Drieu la Rochelle, Journal 1939-1945, Morceaux choisis, 2024, à paraître sous peu)

***

Pour Lucien Rebatet, la révolution échoua en partie à cause de la lâcheté et de la cuistrerie des chefs politiques de droites. Cela ne vous rappelle rien ? L’extrême droite la plus bête du monde ? Le noyautage et la corruption des responsables syndicaux ?

« Au début de l’année 1934, éclatait encore une fois un gros scandale financier de la Troisième République, l’escroquerie des Crédits municipaux, ayant, comme par hasard, pour principal auteur un Juif russe naturalisé, Stavisky. La complicité dans cette filouterie d’une justice putréfiée – ses personnages n’ont point changé – de la plupart des politiciens radicaux et maçons, n’avait jamais été plus flagrante. La presse et les organisations de droite s’en emparèrent, firent une campagne énorme. L’opinion suivit. Camille Chautemps, président du Conseil, le plus lourdement compromis parmi les protecteurs avérés du coquin juif, dut se démettre le 27 janvier. Son remplaçant, Daladier, apparut dès ses premiers actes comme le radical réputé « dur », chargé de sauver le parti et ses loges. Les manifestations de rues conduites par les troupes d’Action française se multipliaient et s’amplifiaient de jour en jour au chant du Ça ira.

L’extrême-gauche communiste amorçait une campagne parallèle. Le limogeage du préfet de police Chiappe, d’un arbitraire grossier, acheva de mettre le feu aux poudres. Le 6 février au soir, le rassemblement de plusieurs centaines de milliers de Parisiens, sur la place de la Concorde, prit rapidement l’aspect d’une insurrection populaire, ayant pour but immédiat l’Assemblée du Palais Bourbon. La police, fidèle en majorité au préfet éconduit réagissait mollement. La garde mobile créée par un ministère de droite contre les « rouges », défendait le pont. Le premier barrage fut forcé. La garde tira. Le premier mort tomba vers sept heures et demie. La manifestation, plus ou moins disloquée, devenue sporadique et qui, jusque-là, avait compris de nombreux curieux, se regroupa beaucoup plus serrée, et redoubla de violence à partir de dix heures. Les assauts des Parisiens, les fusillades de la garde se prolongèrent jusqu’à plus de minuit. La journée s’acheva avec le dernier métro…

La vieille République maçonnique demeurait maîtresse du terrain. Daladier, pourtant, était démissionnaire quelques heures plus tard. Paris vécut la journée du 7 pratiquement sans État, sous le contrôle des pelotons de la garde, dont on ne savait plus à qui ils obéissaient. Le soir, enfin, on apprenait l’arrivée au pouvoir d’un « conciliateur », Doumergue, dit par Léon Daudet « Gastounet le Brandadair ». La démocratie était définitivement sauvée. Les vingt patriotes militants tombés dans la nuit du Six Février – exceptions les quelques curieux tués en dehors de la bagarre – ont leurs noms inscrits en tête du livre d’or de notre Révolution. (…)

Rien ne fut plus abject que la contre-offensive des Juifs, des Maçons, de la Ligue des Droits de l’Homme, des démocrates-chrétiens, de tous les humanitaires professionnels, tombant en transes pour l’exécution de quelque terroriste chinois, pour une touffe de cheveux arrachée dans le ghetto, et n’ayant que sarcasmes et rictus joviaux devant les morts français, les morts naïfs et purs de la Concorde. Jamais le bourreau ne fut plus cyniquement érigé en victime, et martyr désarmé mué en égorgeur. (…)

Nous avons longtemps traité avec beaucoup trop de pudeur et de réserve l’un des aspects pourtant essentiels de 1934. Nous avons porté rituellement de pieuses gerbes sur les tombes de nos camarades morts. Nous avons qualifié comme il convenait – nul ne l’a fait avec plus de puissance qu’Henri Béraud – les infectes et stupides canailles parlementaires qui les firent massacrer. Nous n’avons pas assez dit que nos morts furent aussi les victimes de leurs chefs. (…)

Le Six Février 1934, les chefs nationaux n’étaient pas sur la Concorde. J’y étais, aux minutes les plus meurtrières. Je ne les y ai pas vus, personne ne les y a vus. Ils étaient donc dans leurs postes de commandement. Ce pouvait être leur place. Je les y ai vus aussi, entre deux fusillades. Ils s’y tournaient les pouces, il s’y faisaient des mots d’esprit, ils se refusaient à croire qu’il y eût tant de morts que ça ! Ils n’avaient pas une consigne à distribuer, pas une idée en tête, pas un but devant eux. Les uns et les autres étaient moralement les obligés de la démocratie. Hors d’elle, ils n’avaient aucune raison d’exister. Sur ses tréteaux, ils assumaient le rôle obligatoire de l’opposant. Sautant sur une occasion assez considérable en effet, mécontents aussi du limogeage d’un policier indulgent à leurs frasques, ils venaient de se livrer au jeu classique de l’émeute, en forme de menace tartarinesque : « Retenez-moi ou je vais faire un malheur. »

Mais pour ce petit jeu-là, ils avaient mobilisé des dizaines de milliers de jeunes hommes, de croyants ingénus, d’anciens soldats. Ils les avaient excités, fanatisés, chauffés à blanc. Au moment de l’action, la foule réapprit les gestes du combat et de la barricade, avec des morceaux de plâtre, des poignées de gravier et quelques lames Gillette fichées au bout d’un bâton. Les chefs, qui les avaient jetés poings nus contre les armes automatiques, s’étaient volatilisés, les uns sans doute par calcul (je pense à l’abject La Rocque), les autres saisis peut-être de vagues et tardifs remords, n’ayant plus guère qu’un souci : nier la gravité de l’événement qu’ils avaient criminellement engendré. Cette nuit-là, j’entendis Maurras dans son auto, parmi les rues désertes, déclarer avec une expression de soulagement : « En somme, Paris est très calme ! » Oui, mais c’était le calme d’une chambre mortuaire.

La suite de l’histoire ne fut pas moins déshonorante. Les « chefs » de la droite firent un concert de clameurs. Certes, les « fusilleurs » étaient ignobles. Mais que leur reprochaient les « chefs » des ligues ? Ils leur reprochaient d’avoir triché en faisant tirer. Admirable politique de ces vieillards ! Incomparable symbole de cette bourgeoisie dégénérée, qui, pour n’avoir jamais eu la virilité de prendre les armes librement, de mettre sur sa conscience quelques cadavres nécessaires, aura été le complice de ses hallucinantes et imbéciles hécatombes, après desquelles le Six Février n’est même plus un fait divers en deux lignes ! Il eût fallu, en somme, que la République laissât aimablement bafouer et reconduire à coups de canne ses gendarmes, déculotter ses députés, envahir, saccager et brûler son Parlement, le tout représentant du reste, en l’occurrence, le chef d’œuvre de l’acte gratuit. Les ministres du Six Février, inutile de le cacher, avaient le droit de tirer. C’était même un devoir. (…)

Les chefs communistes, autres tireurs de ficelles, mais ceux-là, fort avisés, avaient lancé leurs fidèles sur le pavé pour profiter à toutes fins utiles du hourvari. Mais la majorité de ses fidèles ne s’en doutait pas. Pour la première fois depuis fort longtemps, les étudiants de Paris et les prolétaires rouges, armée traditionnelle de nos révolutions, manifestaient côte à côte contre la même corruption, avec la même sincérité, au même cri : « À bas les voleurs ! » Les chefs de droite n’y comprirent rien, ils n’avaient rien prévu, ils ne savaient rien voir. (…)

Le Six Février (…) engendra certainement le Front populaire, favorisa en tout cas singulièrement sa naissance, en faisant figure d’une provocation énorme, passant de loin l’idéal de ce que l’adversaire le plus machiavélique pouvait rêver dans le genre. (…) Le Six Février démontra que l’armée d’une révolution nationaliste existait en France, mais que son erreur principale avait été de ne point faire d’abord sa révolution contre de pseudo-chefs.

Cette armée n’a pas pu s’anéantir en deux lustres. Éparse, elle existe toujours. Mais le « fascisme » français à la mode de 1934 n’était pas viable parce qu’il conservait trop d’attaches avec la vieille bourgeoisie de droite. Cette bourgeoisie accumula, dans ces heures fiévreuses de la dernière insurrection du type romantique, c’est-à-dire anachronique, les preuves définitives de sa caducité, de son aboulie, de son incapacité politique, de sa désunion, de sa légèreté cocardière. »

Lucien Rebatet, Les crimes du 6 février 1934, Je suis partout, 4 février 1944

***

Brasillach, plus littéraire :

« Il y avait eu des manifestations presque tous les jours pendant le mois de janvier 1934. (…) Pourtant, l’habitude aidant, on ne pensait pas que le 6 février serait plus grave que d’autres journées. (…)

À onze heures et demie, en sortant du théâtre, un spectacle singulier nous arrêta soudain : à l’horizon, quelque chose de lumineux dansait, au-dessus des têtes, semblait-il. Nous regardions sans comprendre ce feu balancé et noir : c’était un autobus, au Rond-Point, que l’on renversait. Et soudain, comme nous avancions, une foule énorme reflua soudain sur nous, des automobiles chargées de grappes d’hommes et de femmes roulèrent à grands sons de trompe, de vieilles dames se mirent à courir, les jambes à leur cou. Nous comprîmes que ce n’était pas une manifestation, mais une émeute.

Il y avait longtemps que Paris n’avait pas vécu une nuit pareille. Des milliers de gens, cette nuit-là, ne se couchèrent pas, ils erraient dans le vent froid, tout le monde se parlait, les ouvriers, les bourgeois, et des hommes disaient :

– Nous reviendrons demain avec des grenades.

Et il n’y avait plus d’opinions, et les communistes s’accordaient avec les nationalistes, et le matin l’Humanité avait publié un appel pour demander à ses troupes de se joindre aux Anciens Combattants. Une immense espérance naissait dans le sang, l’espérance de la Révolution nationale, cette Révolution dont le vieux Clemenceau avait dit qu’elle était impossible « tant que des bourgeois ne se seraient pas fait tuer place de la Concorde ».

Elle se formait à travers cette nuit tragique, où couraient les bruits les plus divers, la démission du Président de la République, l’annonce de centaines de morts, la griserie, la colère, l’inquiétude. Au Weber, les blessés étaient étendus, et Mgr de Luppé, avec ses ornements épiscopaux, venait les bénir. Le couple divin, le Courage et la Peur, comme l’a écrit Drieu la Rochelle qui a si bien senti cette nuit exaltante, s’était reformé et parcourait les rues.

Aujourd’hui, nous pouvons penser que le 6 février fut un bien mauvais complot. Ces troupes bigarrées, jetées dehors sans armes, écoutaient leur seul instinct et non pas un ordre précis. Au centre, où aurait pu se trouver une direction, il n’y avait rien. On saura peut-être plus tard les négociations, les entrevues, auxquelles s’étaient décidés quelques chefs, dans les jours qui avaient précédé, ou ce jour même. Mais la foule les ignorait, et la suite montra bien que tout était vain et mal préparé.

Au matin du 7, Paris lugubre comme nous ne l’avons jamais vu, les marchands de journaux assiégés (beaucoup de feuilles n’avaient pas eu le temps d’adopter une version officielle des événements, donnaient leur première page à la majorité de la Chambre), on apprenait peu à peu la démission du ministère, et, contradictoirement, les perquisitions ou les enquêtes auprès des chefs nationalistes. L’après-midi, comme j’étais seul à Mil neuf cent trente-quatre, Paul Bourget me téléphonait pour me demander s’il était exact que Maurras était arrêté : c’est la seule fois où je l’ai entendu, il avait une voix essoufflée où tremblaient des larmes.

Mais déjà on annonçait l’arrivée du pacificateur, de M. Doumergue, ancien président de la République, dont le sourire était aussi célèbre que celui de Mistinguett. Le régime usait de l’un de ses vieux tours favoris.

C’était fini. Le 9, les communistes essayaient encore de sauver au moins la Révolution sociale. Jacques Doriot, chef du « Rayon communiste de Saint-Denis » lançait sur la gare du Nord de rudes garçons sans peur, qui tombaient sous les balles de la police. Mais déjà la pègre envahissait Paris, le 12 serait sa journée, tout était oublié de l’unanimité sociale et nationale.

Quelques jours plus tard, en ouvrant les journaux, on découvrait qu’à la veille de déposer dans l’affaire Stavisky, un magistrat, M. Prince, était trouvé mort sur une voie de chemin de fer près de Dijon, au lieu-dit de la Combe-aux-Fées. Là encore, il suffit de se reporter au moment même pour se rappeler l’unanime sentiment des Français : M. Prince avait été assassiné. Mais cet assassinat mettait en cause trop de gens, trop de seigneurs du régime. Au bout de quelques jours, on n’y comprenait plus rien, la thèse du suicide paraissait la plus forte, les experts se disputaient, les rapports de police remuaient d’étranges boues, et la mort du malheureux magistrat allait rejoindre dans l’ombre les autres morts mystérieuses de la IIIe République, de Syveton à Almereyda, à Maginot.

De ces querelles énormes, la France sortait irritée, sombre et prête, semblait-il, à toutes les aventures, – y compris les plus belles. Henri Béraud publiait dans Gringoire un admirable article sur « le Fusilleur » Daladier, et les journaux allemands annonçaient : « L’aube du fascisme se lève sur la France. »

Pour nous, nous n’avons pas à renier le 6 février. Chaque année nous allons porter des violettes place de la Concorde, devant cette fontaine devenue cénotaphe (un cénotaphe de plus en plus vide), en souvenir de vingt-deux morts. Chaque année la foule diminue, parce que les patriotes français sont oublieux par nature.

Seuls les révolutionnaires ont compris le sens des mythes et des cérémonies. Mais si le 6 fut un mauvais complot, ce fut une instinctive et magnifique révolte, ce fut une nuit de sacrifice, qui reste dans notre souvenir avec son odeur, son vent froid, ses pâles figures courantes, ses groupes humains au bord des trottoirs, son espérance invincible d’une Révolution nationale, la naissance exacte du nationalisme social de notre pays. Qu’importe si, plus tard, tout a été exploité, par la droite et par la gauche, de ce feu brûlant, de ces morts qui ont été purs. On n’empêchera pas ce qui a été d’avoir été. »

Robert Brasillach, Notre avant-guerre, 1941

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L’Assassinat de Brasillach par la République

Comment ne pas évoquer, après l’avoir cité, l’assassinat de Brasillach, beau-frère de Maurice Bardèche, par cette même république – comme un symbole – le 6 février 1945 ?

En guise d’hommage, je citerai deux de mes maîtres. Commençons avec Pierre-Antoine Cousteau, écrivant depuis sa prison de condamné à mort :

« 21 mars 1946. Hier nous avons lu à haute voix les poèmes de Robert Brasillach. Tout le monde avait la larme à l’œil. Nous étions écrasés par ces choses prodigieuses, tremblants d’émotion et de rage. Jamais encore, de ma vie, une œuvre poétique avait provoqué en moi pareils tressaillements. Alors, on passe aux autres, à ceux qui ont permis que Robert ne soit plus. Comme il est dit dans Macbeth : tous les parfums d’Arabie ne suffiront pas à laver cette tache de sang. »

« 13 avril 1946. Trois mois et un jour que je suis à Fresnes. (…) Hier les nouveaux jurés, les « bons » jurés qui ont remplacé les méchants des mois révolus ont encore condamné à mort deux policiers dont le crime est d’avoir fait consciencieusement leur devoir. On les y reprendra, les Français, à faire leur devoir, à obéir au gouvernement, être fidèles et loyaux.

Puisque désormais, le fin du fin du civisme est de déserter devant l’ennemi ou de s’insurger contre le chef de l’État. Puisqu’on fait juge de mon manque de patriotisme un Ukrainien. Puisqu’on confie à un Letton le soin de rédiger (même pas en français) le monstre qui va servir de constitution à la IVe République. Puisque les tortionnaires du maquis ont décidé une bonne fois pour toutes que les nazis – et seulement les nazis – ont le monopole des tortures. Puisqu’on n’a indulgence et compassion que pour les pourris de la Collaboration, pour ceux qui n’ont marché que pour le tric et qu’on envoie au poteau systématiquement, les purs, les durs, les gonflés, les idéalistes. Puisqu’on flingue Robert Brasillach et qu’on souille les rues de Paris du nom de Mandel. Puisqu’on acclame Marty et qu’on accable les marins qui voulaient conserver une flotte à la France. But who cares ? comme disait Ruth, sophistique. Moi, je m’y intéresse encore un petit peu.

Ça serait vexant que mes persécuteurs ne fussent que médiocrement infâmes et modérément imbéciles. Mais ils sont complets. Je les aurais faits sur mesure qu’ils ne seraient pas autrement. »

« 13 juin 1946. Je viens de lire un roman « existentialiste » écrit par la propre femme de l’héroïque M. J.-P. Sartre [Simone de Beauvoir]. Ou plutôt j’en ai lu 200 pages et je n’ai pu aller jusqu’à la 400e et dernière.

Comment qu’ils sont ces messieurs-dames des Lettres de la Résistance ! Coucherai-je ? Ne coucherai-je pas ? Coucherai-je complètement ou un petit peu ? Ou sur les bords ? Ça ne te fait rien, surtout, ma chérie, que je couche avec ta petite copine ? Si ça te fait quelque chose, n’hésite pas à me le dire. Moi tu sais ça ne m’amuse pas. Mais la pauvre enfant ça l’aidera à se « réaliser ». Et si ça te permet de te « réaliser » tu peux, toi aussi, coucher avec elle. Car le tout est de se « réaliser ».

Et pour se « réaliser », il faut coucher en long, en large et en travers, à pied, à et cheval et en voiture, dans le métro et sur la tour Eiffel. Etc. Etc. Un pays qui fusille Brasillach et qui met au pinacle une pareille littérature est assuré des plus glorieuses destinées. En somme tout va bien.

Bien content de penser que les enfants grandiront loin de l’existentialisme et de ces fier-à-bras tondeurs de femmes. »

« 28 mars 1947. Je reprends ce cahier après des semaines d’interruption. Parce qu’il faut tout de même que j’exprime ma rage quelque part. Parce que tout le reste, je le dis à Fernande tous les jours. Parce que ce soir l’amiral de Laborde arrive à la cellule 77. Parce qu’on a condamné à mort, de sang-froid, sadiquement, sans l’excuse de la passion, un des plus glorieux marins français. Parce qu’on a revêtu ce héros d’une défroque de singe savant et emprisonné ses chevilles dans les fers des réprouvés. Parce que le pays qui tolère ça, qui approuve ça, se situe au-dessous de la plus barbare des tribus canaques.

« Mon pays me fait mal », écrivait Robert Brasillach. Lui, du moins, il n’a pas vécu pour voir cette dégringolade dans l’ignominie, dans l’abjection. Le pays lui faisait mal pour bien peu de choses… »

***

Puis Rebatet, dans son « Best-seller de l’occupation » :

« Robert Brasillach, que je connaissais depuis longtemps, puisqu’il était déjà critique littéraire de l’Action française à vingt-trois ans, avait accepté d’être notre rédacteur en chef, mettant aussitôt à notre service cent idées par jour et toutes les formes d’un inépuisable talent. Pour ne pas être trop incomplet, le portrait que j’aimerais tracer de ce garçon si divers, de cet esprit si fin et séduisant dépasserait par trop le cadre de ce livre. Réservons-le pour mes souvenirs de vieillesse… Comme il ne sera question ici que de politique, je dirai que Brasillach était venu au fascisme par la poésie, ce qui n’était pas, il allait bientôt le prouver, la moins bonne façon de le comprendre. »

Lucien Rebatet, Les Décombres, 1942

Arthur Sapaudia

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Source: Lire l'article complet de Égalité et Réconciliation

À propos de l'auteur Égalité et Réconciliation

« Association trans-courants gauche du travail et droite des valeurs, contre la gauche bobo-libertaire et la droite libérale. »Égalité et Réconciliation (E&R) est une association politique « trans-courants » créée en juin 2007 par Alain Soral. Son objectif est de rassembler les citoyens qui font de la Nation le cadre déterminant de l’action politique et de la politique sociale un fondement de la Fraternité, composante essentielle de l’unité nationale.Nous nous réclamons de « la gauche du travail et de la droite des valeurs » contre le système composé de la gauche bobo-libertaire et de la droite libérale.

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