Pourquoi le mouvement agricole est dans l’impasse ? Pourquoi le gouvernement joue la carte du pourrissement et non celle de la répression jusqu’à présent ? — Marti MICHEL

Pourquoi le mouvement agricole est dans l’impasse ? Pourquoi le gouvernement joue la carte du pourrissement et non celle de la répression jusqu’à présent ? — Marti  MICHEL

On a dit et répété que le gouvernement Macron ne tenait plus que par ses forces de l’ordre. Frappé d’illégitimité manifeste, c’est, disait-on, le seul bouclier qui lui restait.

Or, voilà qu’il abandonne ses routes, ses villes de province, ses mairies, ses préfectures à la violence paysanne. Et cela, de façon assumée, délibérée.
On a avancé plusieurs facteurs. D’abord, c’est le plus évident, la présence massive de la FNSEA dont les dirigeants sont, de notoriété publique, corrompus jusqu’à l’os et acoquinés au pouvoir.

Pourtant, la FNSEA ne joue visiblement pas la carte du collabo infiltré : si elle appelle au calme, sa présence militante est incontestable. On dira qu’elle est débordée, qu’à Toulouse, son dirigeant a été hué. Mais la femme tuée dernièrement sur un barrage était, si je ne me trompe, une adhérente de la FNSEA.

Autre facteur avancé : la force du mouvement fait redouter (ou reculer) un affrontement central du gouvernement. Pour deux raisons : les agriculteurs ont une longue expérience de ce genre d’actions. Et la fragilité politique de Macron lui laisserait peu de marge de manœuvre.

A voir comment Macron s’est jeté comme un fauve sur tous les mouvements sociaux, de la loi travail aux Gilets Jaunes, des manifs anti pass à celles des retraites, sans tenir aucun compte de son impopularité, on peut rester sceptique sur la crainte des agriculteurs.

On ne tardera pas à le vérifier si, la révolte agricole perdurant, des dérapages sérieux intervenaient, occasion pour la FNSEA de se désolidariser.

On peut aussi avancer d’autres explications. A commencer par les divergences revendicatives entre syndicats agricoles, reflétant des intérêts distincts dans le mouvement. La ligne rouge de partage étant le respect des normes européennes écologiques. Les gros agriculteurs sont bien sûr regroupés derrière la FNSEA, mais ils donnent le la au mouvement. Qu’ils viennent à se retirer, on aura beau parler de coup de poignard dans le dos, ce ne sont pas les Jeunes Agriculteurs ou ceux du MODEF (exploitations familiales) qui maintiendront l’unité nationale de la contestation à un tel degré de détermination. Peut-être y parviendront-ils localement, dans le sud ouest. A voir. Vu sous cet angle là, Macron n’aurait plus qu’à attendre…

Mais ces divergences paraissent secondaires face à l’ampleur du défi auquel se confronte la monde paysan. Car c’est bien de leur survie qu’il est question. Chacun se rassure en réduisant le problème à Macron. Mais ce dernier, quand bien même ferait preuve de bonne volonté, est embarqué dans la même galère. Et c’est surtout cela qui paralyse Macron. Allons plus loin : l’UE, à son tour, s’est complètement enfermée dans une globalisation qu’elle a impulsée et qui lui échappe maintenant complètement. Le sort des agriculteurs français est similaire à celui de leurs homologues polonais, italiens, allemands. Tous sont confrontés à la désorganisation des marchés énergétiques et alimentaires. La concurrence sauvage dicte sa loi. Le secteur agricole suit le même cours que celui de la désindustrialisation. Comment rivaliser avec des produits importés à bas coûts ? Le consommateur est le premier à donner la réponse dans les rayons des supermarchés.

Dés lors que la disparition de la paysannerie française comme celle d’une bonne partie de l’Europe, apparaît inéluctable, il ne reste qu’à garantir l’accès alimentaire au marché mondial pour satisfaire l’appétit des populations. D’où la recherche d’accords du type Mercosur, ou avec la Nouvelle Zélande ou l’Ukraine. Les États-Unis suivent la même pente : ce pays est de plus en plus dépendants des importations.

La vérité est que Macron, comme d’ailleurs l’opposition de gauche, n’a pas de réponses crédibles immédiates à apporter, autres que des soins palliatifs : accompagner l’agonisant. Pour la seule raison qu’il n’y en a pas ! Du moins à court terme. Après, on peut toujours rêver d’une révolution…

La FNSEA est bien consciente du problème. Et bien convaincue que ce n’est pas le bio qui fera le poids face aux mastodontes agro-industriels étrangers. Car les gros cultivateurs français qu’elle représente sont tout aussi condamnés dans cette foire d’empoigne. La FNSEA joue aussi son avenir. Son seul espoir, bien ténu, réside à accroître la compétitivité de ce secteur, garder la tête lors de l’eau. D’en finir avec les normes européennes tatillonnes. Et revenir à l’utilisation massive de pesticides qui va avec. C’est pourquoi elle déverse son fumier devant les sièges d’écologie-Les Verts. La FNSEA, contrairement à ce qu’on dit, ne se trompe pas d’adversaire !

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