Le Regroupement pour l’Aide aux Itinérants et Itinérantes de Québec (RAIIQ) est grandement préoccupé par les constats émis dans le cadre du rapport de recherche de l’Observatoire des Profilages publié la semaine dernière.
On y apprend notamment qu’en 2020, les personnes en situation d’itinérance représentaient 20% des personnes ayant reçu un constat d’infraction dans la Ville de Québec. D’autres faits saillants mis en lumière par cette recherche viennent confirmer ce que plusieurs organismes communautaires décrient depuis plusieurs années : l’ampleur du profilage social des personnes en situation d’itinérance et de la judiciarisation qui en découle est alarmante.
Les pratiques de profilage social à l’endroit des personnes en situation d’itinérance sont effectivement déplorées par les organismes communautaires en itinérance. La surjudiciarisation, soit la cumulation de plusieurs de constats d’infractions à une seule et même personne, est un phénomène qui est trop souvent observé dans le milieu.
Il nous semble important de mentionner que bien souvent, les comportements sanctionnés par des constats d’infraction correspondent à des stratégies de survie pour plusieurs personnes en situation d’itinérance.
En effet, elles utilisent les espaces publics afin de répondre à leurs différents besoins, faute d’accès à des milieux de vie privés où de tels comportements seraient généralement acceptés. Flânage, vagabondage, désordre, mendicité, état d’ivresse, souillage des lieux publics, possession de matériel de consommation de drogues, dormir dans un parc, sont toutes des raisons pour lesquelles les personnes en situation d’itinérance se sont vu remettre des constats d’infractions en vertu du Règlement sur la paix et le bon ordre de la Ville de Québec.
La judiciarisation ne peut être la solution aux enjeux liés à l’itinérance. Une approche répressive axée sur la judiciarisation a pour effet de vulnérabiliser davantage les personnes, et ne fait que masquer les symptômes de l’itinérance sans aborder ses causes structurelles. De telles pratiques ont des effets discriminatoires sur les personnes visées et fragilisent leur parcours de vie.
Actuellement, des contraventions sont données pour possession de matériel de consommation de drogues par le service de police tandis que ce même matériel est distribué gratuitement par les réseaux de la santé et communautaires. L’itinérance est un phénomène complexe et nécessite le déploiement d’actions diversifiées qui ne s’inscrivent pas dans une logique de répression. Comme le souligne judicieusement le rapport de l’Observatoire des Profilages, elle ne doit toutefois pas être abordée sous l’angle de la sécurité publique, mais plutôt de la justice sociale et de la santé publique.
Devant la croissance du nombre de personnes à la rue, nous savons que les enjeux sont importants et que le manque de ressources est criant sur le territoire de la Ville de Québec. Nous tenons toutefois à rappeler que la judiciarisation ne doit aucunement s’inscrire comme une alternative pour pallier les difficultés d’accès à un logement, ou à des soins et services publics. Nous croyons aussi qu’il est nécessaire de se pencher sur les difficultés d’accès aux lieux publics pour les personnes en situation d’itinérance, parce qu’une question demeure à ce jour : où peut-on aller lorsque l’on n’a pas de logement et que les refuges d’urgence sont à pleine capacité, et cela, sans transgresser les règlements municipaux ?
Pour le RAIIQ, il est important de maintenir la mobilisation actuelle des différents acteurs et de poursuivre la collaboration afin de développer une diversité d’approches et de pratiques. Il est fondamental de mettre en œuvre des initiatives visant à renforcer notre filet social, à déployer une approche en réduction des méfaits, à favoriser un accès accru aux services de santé mentale et de dépendance, à améliorer l’accès au logement et à un accompagnement adapté, ainsi que d’agir en amont du phénomène par la prévention de l’itinérance.
Le milieu communautaire joue d’ailleurs un rôle incontournable dans l’accompagnement des personnes en situation d’itinérance et la mise en place de solutions structurantes adaptées à cette réalité. Un meilleur financement des organismes communautaires est essentiel si l’on souhaite renforcer leur capacité à offrir des services de qualité, répondre aux besoins changeants de la communauté et continuer de jouer un rôle significatif dans l’atténuation des enjeux liés à l’itinérance, tels que la prévention de la judiciarisation.
Bien que la Ville de Québec reconnaisse sa responsabilité face à l’itinérance, elle doit s’engager, au regard des constats établis, à revoir ses pratiques et à mettre en place des stratégies afin de renverser la tendance. Devant l’augmentation de l’itinérance et de la visibilisation du phénomène, nous devons collectivement poursuivre les efforts pour faire mieux et davantage, car il est manifeste que la solution réside ailleurs que dans la recrudescence de la répression, de la stigmatisation et de l’exclusion des personnes en situation d’itinérance qui font partie de nos communautés.
Le Regroupement pour l’Aide aux Itinérants et Itinérantes de Québec regroupe 48 organismes communautaires œuvrant auprès des personnes en situation d’itinérance ou à risque de l’être de la région de Québec.
Source: Lire l'article complet de L'aut'journal