Faut-il s’intéresser aux histoires de famille, et regarder par le petit trou de la serrure ? Non, la famille, c’est sacré. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas dénoncer l’inceste, la violence sur les femmes, les enfants, et même la violence psychologique sur les hommes, mais il faut bien savoir de quoi on parle.
L’affaire Delon, celle de sa succession, est sur la place publique : d’abord parce que ses enfants, ou ayants-droit, l’ont mise eux-mêmes en place publique, chacun utilisant le micro pour faire avancer ses pions. Et au bout, il y a un gâteau de 300 bâtons, sur lesquels dort le patriarche, qui est en train de partir. Mais il est déjà parti, et depuis longtemps : toute sa génération a disparu, il pleure les anciens et ses chiens, ses vrais amis.
Delon est la star absolue du cinéma français depuis la fin des années 50, au-delà même d’un Gabin, qui n’aura pas connu la consécration internationale. Et qui ne l’a pas cherchée : le vieux bougon s’en foutait. Les journalistes et les admirateurs le faisaient chier !
Delon, aujourd’hui âgé de 88 ans, a été le chaînon – avec Belmondo – entre l’ancien et le nouveau cinéma français, celui des années 50 et celui des années 60, une fracture à la fois cinématographique et idéologique. On ne reviendra pas sur la Nouvelle Vague qui a emporté au large le cinéma des Hunebelle, Enrico, Clément et autres La Patellière, mais Delon n’en a jamais fait partie. Peut-être parce qu’il était de droite.
Il a pourtant tourné, à 54 ans, dans Nouvelle Vague de Godard. Mais c’était 30 ans après la Vague…
Après Delon, qui ? Ou la vraie succession de la figure virile du cinéma français
Cette succession nous intéresse plus que le partage du butin de l’homme d’affaires. Justement, derrière Delon, qui ? Il y a eu Magimel, mais il s’est enfoncé dans la coke et l’empâtement. Il était pourtant très bon dans Truands, avec un rôle presque muet, à la McQueen dans Bullitt (Steve rayait toutes les paroles inutiles dans le script) ou Delon dans Le Samouraï.
Pour l’instant, l’acteur mis en avant par le cinéma dit français est un post-adolescent qui ne fait pas rêver, ni les hommes en tant que modèle de courage ni les femmes en tant que fantasme sexuel. Les Américains ont conservé de grandes figures viriles, c’est pour ça que leur cinéma fonctionne encore.
Derrière cette génération de « fils de » féminisés videurs de salles, on a quand même des pointures potentielles. On pense au casting de la dernière série d’Olivier Marchal sur Netflix, Pax Massilia.
- Tewfik, Samir et Olivier
Tewfik Jallab, 42 balais au compteur, est juste excellent : belle gueule, présence physique, jeu sans déchets, il a l’étoffe d’un grand. Samir Boitard, dans un rôle plus rentré, a aussi de l’épaisseur. Marchal a été chercher deux as. C’est pas encore Delon et Bébel, mais c’est plus emballant que Louis Garrel et Romain Duris !
- Tewfik, le nouveau flic de Marchal
Peut-être n’y aura-t-il plus d’acteurs mythiques. La télé est passée par là, qui a banalisé les acteurs, les rapprochant dangereusement du public. Il aurait fallu qu’ils restent éloignés et silencieux, pour se forger une petite légende, mais à l’époque des caméras omniprésentes, des RS et de la promo indispensable, difficile de rester dans son coin, et d’y crever, devant sa télé comme un Brando ou dénigrant toutes les propositions comme un Nicholson.
Que se passe-t-il dans la tête d’un géant qui finit tout seul, hors du temps, dans une villa de rêve, ou de cauchemar ? Pleure-t-il son passé fabuleux ?
Peut-être que Louis de Funès, avec ses fleurs et son jardin, avait raison. Garder les pieds sur terre, pour ne pas retomber trop violemment dessus, pour ne pas devenir fou.
Delon, le solitaire
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