La shoah des comédiennes
Le droit n’en finit plus, avec MeToo, d’entrer dans des complications. Le nombre d’actrices qui se découvrent un passé traumatique dépasse l’entendement. Si on les écoute, toutes ont été harcelées, persécutées, violées, traumatisées, assassinées, quelque part.
Il en est peu qui revendiquent le plaisir qu’elles ont eu à se soumettre à des producteurs, des réalisateurs ou des acteurs en vue. S’il y a eu de vrais viols, ou de vraies agressions sexuelles, il y a eu aussi forte présomption de prostitution de la part de jeunes actrices ambitieuses, belles et sexy. Dommage pour les non-actrices qui ont vraiment été violées : celles-là, on ne les entend pas. Normal, on ne leur tend pas le micro. Celles qui jouent à la victime, ce qui est à la mode, font beaucoup de mal à celles qui ne jouent pas. Le viol, ce n’est pas de la comédie, et ça ne doit pas se brandir à tout bout de champ, comme une shoah des femmes, avec des victimes nouvelles qui surgissent régulièrement du passé pour demander une médaille.
Les deux dernières en date à se plaindre sont Isabelle Carré et Judith Godrèche, deux actrices moins en vogue, et cela a peut-être un rapport avec leur ouverture de gueule, ou leur découverte de passé traumatique. Les 100 actrices américaines qui avaient dénoncé les exactions de Weinstein étaient toutes démonétisées à Hollywood, et pour certaines une agression sexuelle rétroactive a réactivé une carrière en chute libre. Et parfois monétisé une retraite. On se souvient des mémoires hallucinants du producteur Don Simpson, qui avait à ses côtés un spécialiste de l’achat de silence de ses victimes, et un mafieux prêt à acheter les silences d’une façon plus brutale. Un attelage avocat-tueur, c’est peut-être ce qui a manqué à Depardieu, qui ne fonctionne pas en bande, en communauté…
La communauté, c’est ce qui peut vous sauver dans le cas d’une agression sexuelle, quand c’est vous l’agresseur, bien entendu. D’anciens ministres et quelques milliardaires doivent avoir les oreilles qui sifflent…
Parlons maintenant d’Isabelle Carré, qui s’est exprimée dans le magazine Elle pour dénoncer la tribune de soutien à Gérard Depardieu. Gala raconte l’horreur :
« J’avais 11 ans et un homme m’a arrêtée dans la rue, pour un renseignement, pensais-je. À ma grande surprise, il s’agissait de toucher et commenter ma poitrine naissance : “Ça pousse, hein fillette, ça pousse !” Sidérée, je n’ai pas bougé, alors il a continué… », a-t-elle raconté. Et de poursuivre : « Je ne cherchais rien, je le dis car cela semble être décisif pour certains, je ne demandais rien, pas même un rôle. Juste à grandir tranquille. »
Dans son interview, Isabelle cite les grands auteurs : Valérie Springora (qui a vécu une histoire très jeune avec Matzneff), Lola Lafon (qui écrit des âneries dans Libé), et Annie Ernaux, qui a autant d’empathie qu’un parpaing. Du lourde.
Après Isabelle, Judith. Judith a été propulsée très jeune dans le monde du cinéma, à l’image de Charlotte Gainsbourg, Anouk Grindberg ou Marie Trintignant. En général, quand on injecte une fillette dans ce monde, ça finit pas très bien. Les amateurs de chair fraîche ne sont jamais loin. Et il est inévitable qu’une jolie frimousse autour des 15 ans fasse baver et rebander un vieux schnock. Tout est relatif car quand Judith et Benoît ont commencé leur relation amoureuse, elle avait 15 ans et lui 42. Là on est dans du Claude François.
C’est donc en 2024 que Judith transforme cette histoire d’amour et de sexe en trauma. La noyée a eu droit au soutien de Sardine, c’est-à-dire une bouée de plomb.
Cette révolution féministe est actuellement le plus sérieux espoir contre la montée du fascisme (qui est profondément une contre révolution masculiniste).
Merci à vous, merci à toutes. Ensemble nous sommes fortes. #MeToo
https://t.co/mtRZPkMOlw— Sandrine Rousseau (@sandrousseau) January 8, 2024
On sait qu’il y a des filles qui sont femmes à 15 ans, d’autres à 20, d’autres encore à 30, ça dépend des éducations, des tempéraments et des corps. Une Leonarda de 120 kilos avec des sourcils d’orang-outan aura plus de mal à commencer sa vie amoureuse à 14 ans. Mais tout est possible. La Romette avait tapé dans l’œil de François Hollande, homme de goût. Mais elle l’avait jeté.
Comment lancer sa série avec une « emprise »
Judith a 51 ans, elle va sur ses 52, elle ne tourne plus beaucoup, et soudain, voilà qu’elle revient dans la peau d’une réalisatrice de série où elle tient le premier rôle – on n’est jamais mieux embauché que par soi-même – et met son double en scène. Alma Struve incarne Judith jeune.
Judith-Alma rencontre un réal quarantenaire qui lui écrit un rôle sur mesure, une preuve d’amour (et de désir, mais chez les mecs, ça va ensemble). France Info écrit ces mots terribles :
« Aux yeux des spectateurs, la rencontre n’est en rien providentielle. Elle porte en elle le germe de l’emprise. »
Juste après cette bande-annonce, sur son compte Insta, Judith (la vraie, la vieille), balance Jacquot. Et boum !, l’affaire, la série et la victimisation sont lancées : la presse embraye, les féministes hurlent, les micros se tendent, l’actrice au creux de la vague est à nouveau en haut.
Ceux qui iraient imaginer qu’il s’agit d’une victimisation rétroactive instrumentalisée pour des raisons de promotion ne sont que vils sexistes. Judith a une phrase terrifiante qui explique cette coïncidence chronologique :
« La petite fille en moi ne peut plus taire ce nom. »
- Coupure de presse extraite de Paris Match : la fille qui pose à côté de Benoît et qui a l’air épouvantée sous emprise, eh bien c’est Judith, elle a 17-18 ans, c’est en 1990 à Lyon pour la promo de La Désenchantée
Donnons maintenant la parole à l’accusé, Benoît Jacquot, un homme à femmes dans le milieu. Il ne fait que des films autour des femmes, un peu comme Ozon mais Ozon n’est pas hétéro, donc rien à craindre. Judith, pour l’instant, est la seule à se plaindre de l’homme qui a lancé sa carrière.
Quelques infos sur l’interview où Benoît Jacquot évoque sa « relation » avec Judith Godrèche. Elle provient de la série de docu « Les ruses du désir », de Gérard Miller (2011). Dans le 1er volet, « L’interdit », Miller se penche sur le désir & la sexualité des femmes… et des filles https://t.co/fkjl0F6Wvs
— Coline Clavaud-Mégevand (@colinecm) January 7, 2024
Les salauds disent souvent que les femmes ne sont pas de grandes créatrices, c’est faux : elles sont souvent de grandes inventeuses. Pas forcément dans le domaine scientifique, c’est tout. On écoute Judith dans Le Parisien :
« J’ai le sentiment que mon enfance m’a été volée, et qu’il parle à ma place des années après avoir abusé de son emprise »
Nous aurons au moins appris un nouveau concept : l’abus d’emprise.
Source: Lire l'article complet de Égalité et Réconciliation