Posted on by Gérard Maudrux
Quel est donc ce pays qui veut emprisonner non seulement ses opposants, mais ceux qui posent les bonnes questions ? Non ce n’est ni la Russie, ni la Chine, ni la Corée du Nord, ni la Birmanie, c’est la France. Et comme ce sera la Loi, pas de possibilité de recours, à part les armes ou la fuite.
Malgré un avis négatif du Conseil d’Etat, le 19 décembre sera discuté dans l’hémicycle du Sénat le projet de loi n°111 2023-2024 visant à renforcer la luttecontre les soi-disant DÉRIVES SECTAIRES, conduisant à interdire le débat scientifique et promouvoir la censure de nos scientifiques français. Ce projet de loi répressif comprend un volet sur la « protection de la santé » conduisant à mettre en prison et à l’amende tous ceux qui émettraient des critiques à l’égard de la parole du chef suprême et de ses sbires. Si ce texte est voté, il n’y aura plus de droit dans notre pays.
Son application à la médecine par le passé aurait eu pour conséquences que le Médiator et bien d’autres toxiques seraient toujours en vente, Irène Frachon serait en prison et il n’y aurait jamais eu d’affaire du sang contaminé. Si le corps médical ne réagit pas et laisse imposer une pseudo science concoctée par le marketing des laboratoires devenus première puissance mondiale, sa responsabilité sera énorme.
Vous trouverez ci-joint une lettre à envoyer aux sénateurs, ainsi que toutes les adresses mails de vos sénateurs. Ce texte doit arriver à l’Assemblée avec un rejet massif.
AVIS DU GROUPE DE JURISTES n° 1
Sur le fond, l’article 4 du texte porte atteinte :
—A l’obligation de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi. En effet, la formule, « en l’état des connaissances médicales» utilisée dans l’alinéa 2 :
- Pointe un risque d’arbitraire en ce qu’elle est trop vague et imprécise : Quelle autorité va déterminer cet état de la science ? Quid du contrôle du juge ? A quelle autorité doit-il s’en remettre pour contrôler la nécessité de la sanction ? (les dépliants de laboratoires ? Les études scientifiques, et lesquelles si contradictoires ou controverse ?)
- Les connaissances médicales, factuelles, sont mouvantes, et évolutives, par définition.
- Est-ce au gouvernement ou au ministre de la santé de « fixer » ou « sceller » à un moment donné le débat scientifique, par définition évolutif comme tout progrès, pour condamner pénalement des pratiques et des personnes ? C’est un nouveau pas vers une administration de la médecine par le juge répressif.
- Il existe déjà en l’état actuel du droit un délit permettant de traiter et d’incriminer les faits contestés par le projet (législateur fait ici doublon) : l’exercice illégal de la profession de médecin/pharmacien pour les non soignants, et le droit ordinal pour les personnels soignants. Le projet de loi fait donc doublon inutile.
- Le CE rappelle dans son avis au respect des principes de nécessité et de proportionnalité dans la rédaction du texte
— Au droit au respect de la vie privée (article 66 de la Constitution – Décision 94-352 DC du 18 janvier 1995 loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité ; et article 2 DDHC -Décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999 Loi portant création d’une couverture maladie universelle).
—Atteinte intolérable au droit à la liberté d’expression: art. 10 CEDH.
Une telle atteinte n’est pas « nécessaire » (cf avis du Conseil d’Etat) « dans un société démocratique », au sens des critères de l’article 10 CEDH.
Elle est, en outre, contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, qui interprète cette liberté comme :
« La liberté d’accepter ou de refuser un traitement médical spécifique, ou de choisir un autre type de traitement, qui est essentielle à la maîtrise de son propre destin et à l’autonomie personnelle, en l’absence de pressions inappropriées »
(CEDH, décision n° 302/02 du 10 juin 2010, Témoins de Jéovah de Moscou c. Russie).
—À la libre communication des pensées et des opinions(art. 11 DDHC).
— Il est impératif de concilier le droit à la protection de la santé (alinéa 11, préambule de 1946) avec l’ensemble de droits et libertés précités (droit au respect de la vie privée, liberté d’opinion et d’expression).
Le texte est aussi irrégulier sur la forme.
- Le projet est enfin irrégulier sur la forme car l’avis du CE a été sollicité trop hâtivement pour un texte portant une telle atteinte potentielle aux libertés fondamentales : « le Conseil d’Etat constate qu’il ne lui a pas été loisible, dans le délai imparti pour l’examen du texte,d’élaborer une rédaction tenant compte de ces critiques. Il propose donc de ne pas retenir les dispositions en cause » (CE, Avis, Assemblée Générale, 9 novembre 2023, n° 407626). Or l’on sait que le contenu de l’avis du Conseil d’Etat (en formation consultative), qui se prononce sur la conformité constitutionnelle du projet et sa régularité de forme, permet d’y déceler les inconstitutionnalités potentielles ab initio, si le Conseil constitutionnel venait à être saisi.
- Si le Conseil d’Etat a été consulté dans une telle hâte, que dire de l’étude d’impact obligatoire ? (Pour éviter les doublons et abus). Une étude d’impact bâclée peut nuire à la pérennité du texte ultérieurement devant le Conseil constitutionnel qui en serait saisi en inconstitutionnalité.
AVIS DU GROUPE DE JURISTES n° 2
Sur l’article 4 du projet de loi :
- Le projet de loi n°111, 2023-2024 est une remise en cause totale de l’impératif de débat scientifique, lequel se fonde sur des points de vue différents, éventuellement inconciliables.
L’on peut notamment s’interroger sur la signification précise de : « la provocation à adopter des pratiques thérapeutiques ou prophylactiques ou présentées comme telles».
Où commence la provocation et où s’arrêtent l’information et le débat ?
- Le texte se donne pour ambition de : « sanctionner le fait de provoquer des malades à ne pas suivreun traitement médical thérapeutique ou prophylactique prescrit par des professionnels de santé lorsque cela est manifestement susceptible d’entraîner des conséquences graves pour la santé physique ou mentale des personnes concernées ».
Cependant, en matière médicale, la connaissance progresse, notamment, grâce à l’expérience et aux retours des médecins « de terrain » et, le plus souvent, après une observation sur une durée suffisante.
Ex. les médicaments à base de statines, promues par les laboratoires, ont montré des effets indésirables lourds qui ont été observés par des médecins de terrain, lesquels ont, pour certains, cessé de les prescrire après évaluation de la balance bénéficie / risque pour leurs patients.
Ceci résulte du constat que la balance entre le bénéfice et le risque d’un traitement pour un patient relève de l’art médical (sur l’établissement de ce rapport, voir ci-dessous) et, surtout, du colloque singulier entre le patient et le médecin.
Qui, en dehors du médecin et de son patient, peuvent décider qu’un traitement est : « manifestement susceptible d’entraîner des conséquences graves pour la santé physique ou mentale des personnes concernées » ?
Le juge ? Sur la base de quelles connaissances médicales et de quelles connaissances du cas particulier de tel patient ?
En outre, comme le note le Conseil d’État, en l’état actuel du droit, de nombreuses infractions pénales et fondements déontologiques permettent d’appréhender d’éventuelles dérives.
Le projet remet également très fortement en cause la liberté du patient d’accepter ou de refuser un traitement médical.
Ce droit fondamental est prévu par l’article 36 du code déontologie médicale (article R.4127-36 du code de la santé publique), qui prévoit que :
« Le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas.
Lorsque le malade, en état d’exprimer sa volonté, refuse les investigations ou le traitement proposés, le médecin doit respecter ce refus après avoir informé le malade de ses conséquences.
Si le malade est hors d’état d’exprimer sa volonté, le médecin ne peut intervenir sans que la personne de confiance, à défaut, la famille ou un de ses proches ait été prévenu et informé, sauf urgence ou impossibilité ».
Cette disposition doit se comprendre au regard du principe de dignité humaine, l’un des principes parmi les plus fondamentaux de notre droit et érigé dans le bloc de constitutionnalité comme « Principe Fondamental Reconnu par les Lois de la République » (PFRLR) par la décision 94-343/344 DC du 27 juillet 1994 « Bioéthique ».
Article 16 du code civil :
« La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie ».
En effet, quel est le médecin qui acceptera le refus de son patient, s’il risque d’en porter la responsabilité pénale ?
- Dès lors, le projet porte atteinte à la liberté de prescrire des médecins. Ainsi, la liberté de prescrire a été reconnue par le Conseil d’État (CE) comme un principe général du droit (CE, 18 février 1998, n°171851).
Elle figure dans le Code de la santé publique (CSP) (articles L. 5121-12-1 et R. 4127-8), dans le Code de la sécurité sociale (article L. 162-2) et dans le Code de déontologie médicale (article 8).
- Le projet créé, implicitement mais nécessairement, une exception pour les professions médicales, en particulier, à la protection reconnue aux…lanceurs d’alerte, lesquels sont définis par la loi n° 2022-401du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte, comme :
« Art. 6.-I.-Un lanceur d’alerte est une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement. Lorsque les informations n’ont pas été obtenues dans le cadre des activités professionnelles mentionnées au I de l’article 8, le lanceur d’alerte doit en avoir eu personnellement connaissance ».
Sur l’article 5 du projet de loi :
- Le projet créé, implicitement mais nécessairement, un lien d’automaticité entre les poursuites pénales et les poursuites ordinales.
Cependant :
- Le projet ne respecte pas non plus le secret de l’instruction, que la présomption d’innocence, puisqu’il ne prévoit pas d’attendre la décision définitive de la juridiction pénale.
- Le projet remet, de facto, en cause l’indépendance des juridictions ordinales,lesquelles ne sont pas, en l’état du droit, tenues par les décisions des autres juridictions, y compris pénales. Ce notamment, puisque leur unique fonction est de poursuivre les manquements déontologiques, qui font l’objet d’une appréciation propre, et non les infractions pénales.
Ainsi, suivant une jurisprudence constante, il ne saurait y avoir d’automatisme entre d’éventuelles poursuites pénales et des poursuites disciplinaires. C’est que traduit le principe de l’indépendance des législations.
Tout au contraire, le caractère individuel des poursuites et des instances impose un débat contradictoire sur les faits de l’espèce et l’exercice par les juges de leur pouvoir d’appréciation au regard des faits de la cause, en application du principe de nécessité des peines et du caractère individuel des poursuites et de la sanction.
C’est ce qu’a, par exemple, jugé le Conseil d’État, reconnaissant le caractère individuel des poursuites, lequel implique le pouvoir d’appréciation de l’instance saisie au regard des faits de la cause.
Ainsi, lorsque, avant l’inscription au tableau, le procureur de la République avise le conseil départemental de l’ordre de la condamnation pénale d’un masseur-kinésithérapeute, et que le même conseil décide néanmoins d’inscrire ce praticien, cette décision fait obstacle à ce que la juridiction disciplinaire, saisie par une plainte fondée sur les faits ayant justifié la condamnation pénale, puisse lui infliger une quelconque sanction à raison de ces faits (CE, 9 juin 2011, n°336113 B ; CE, 9 juin 2011, n°331119).
En tout état de cause et en application du principe de nécessité des peines, il appartient à l’instance disciplinaire saisie de rechercher si les faits ayant fait l’objet d’une condamnation pénale constitue également un manquement aux obligations déontologiques ; la seule condamnation pénale ne pouvant pas avoir pour effet de permettre au juge disciplinaire de prononcer automatiquement une condamnation complémentaire à celle prononcée au titre d’une infraction pénale (CE, 15 janv. 2016,n°394447 ; CE, 27 janv. 2016, n°383514).
– De ce fait, le projet de loi ne respecte pas la protection des données personnelles de santé prévue par le RGPD (Loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés modifiée.
Ainsi, il est « interdit de traiter des données à caractère personnel qui révèlent (…) des données concernant la santé » (article 6).
Les « exclusions de l’interdiction » pour la poursuite d’infractions pénales (et elles seules) sont prévues de manière limitative aux articles 41 et 42.
Sur l’article 6 du projet de loi :
– Une remarque analogue, quant à la protection des données personnelles de santé, doit être faite quant à l’article 6 du projet, qui prévoit que :
« le ministère public ou la juridiction peut solliciter par écrit tout service de l’État, figurant sur une liste établie par arrêté du ministre de la justice, du ministre de l’intérieur, du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de la cohésion sociale, dont la compétence serait de nature à l’éclairer utilement ».
Une telle communication des données personnelles de santé supposerait, au préalable, une modification de la loi, voire du RGPD.
Gérard Maudrux
Source : Covid-factuel
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