Le mois dernier, une enseignante américaine a défrayé la chronique pour avoir nié la réalité des massacres commis par le Hamas en Israël le 7 octobre et déclaré que « les Palestiniens sont tués et leurs organes vendus ». Quelques jours plus tard, c’est la mannequin américano-palestinienne Gigi Hadid qui partageait sur Instagram une vidéo affirmant qu’Israël prélève depuis longtemps des organes sur des corps de Palestiniens décédés sans le consentement de leurs familles. Jeudi 7 décembre, le média quatari AJ+ français a relayé le même type d’accusation par la voix d’« Abdel en vrai ».
Israël fait du trafic d’organes de Palestiniens ? pic.twitter.com/xtCMCUiYuO
— AJ+ français (@ajplusfrancais) December 7, 2023
L’humoriste introduit sa vidéo de 84 secondes en affirmant qu’« Israël est accusé de voler des organes de cadavres palestiniens ». Loin de chercher à vérifier la réalité de cette allégation, il ajoute :
« Selon l’ONG de défense des droits humains Euro-Med, l’armée israélienne vole des cadavres de Palestiniens dans des hôpitaux qu’elle avait bombardés ! Et la dinguerie, c’est que quand des cadavres ont été remis à la Croix-Rouge, t’as des spécialistes de la santé à Gaza qui les ont consultés et qui ont remarqué qu’il leur manquait des organes comme le foie, les reins ou le cœur ! »
Le présentateur d’AJ+ français se fonde sur un communiqué d’Euro-Med Human Rights Monitor du 26 novembre repris le lendemain par le site militant The Palestine Chronicle et médiatisé le 30 novembre par le site de la chaîne publique turque TRT.
Euro-Med Human Rights Monitor est une ONG créée en Suisse en 2011. Elle n’a pas de lien avec EuroMed Rights, ONG co-financée par l’Union européenne avec qui elle est parfois confondue.
Euro-Med Human Rights Monitor dénonce régulièrement un « génocide » en cours à Gaza perpétré par l’État d’Israël. L’organisation est présidée par Ramy Abdu, un expert en finances d’origine gazaouie et le président de son Conseil scientifique n’est autre que Richard Falk, ancien rapporteur spécial du Conseil des droits de l’homme des Nations unies pour les Territoires palestiniens, surtout connu pour ses outrances antisionistes (il a tenu des propos légitimant le terrorisme contre les civils israéliens) et son soutien à la théorie du complot sur les attentats du 11 septembre 2001.
Le communiqué d’Euro-Med Human Rights Monitor évoque des « inquiétudes concernant le vol d’organes sur les cadavres » basées sur « des rapports de professionnels de la santé à Gaza qui ont rapidement examiné quelques corps après leur libération ». Aucun de ces professionnels de la santé n’est cité nommément.
L’ONG poursuit :
« Ces professionnels de la santé ont trouvé des preuves de vol d’organes, notamment des cochlées et des cornées manquantes, ainsi que d’autres organes vitaux tels que des foies, des reins et des cœurs.
Les médecins de plusieurs hôpitaux de Gaza ont déclaré à l’équipe d’Euro-Med Monitor que le vol d’organes ne pouvait être prouvé ou réfuté uniquement par un examen médico-légal, étant donné que de nombreux corps avaient subi des interventions chirurgicales avant leur mort. Ils ont déclaré qu’il leur était impossible de procéder à un examen analytique complet des corps retrouvés en raison des attaques aériennes et d’artillerie intenses et de l’afflux de civils blessés, mais ils ont détecté plusieurs signes d’un possible vol d’organes par l’armée israélienne. »
Les accusations de vol d’organes visant Israël sont largement documentées. Elles se fondent sur des éléments de réalité déformés par la propagande. Ainsi, comme le rappelle The Algemeiner :
« En 2001, un journaliste d’investigation israélien a révélé qu’entre 1988 et 2000, en violation de la loi israélienne, des médecins de l’Institut de médecine légale Abu Kabir avaient prélevé des parties de corps à des fins de recherche et de transplantation de peau et de cornée sans l’autorisation des parents. La plupart des parties du corps ont été prélevées sur des Juifs israéliens, mais aussi sur des Arabes israéliens, des soldats israéliens et des terroristes palestiniens. À l’époque, l’institut était dirigé par le professeur Yehuda Hiss, qui était personnellement impliqué dans le scandale. Hiss a été démis de ses fonctions de directeur, mais est resté pathologiste en chef jusqu’à ce que des enquêtes ultérieures révèlent qu’il avait poursuivi sa mauvaise conduite, ce qui a conduit à son licenciement de l’institut par le ministère de la santé en mai 2012. »
En 2009, le journal suédois Aftonbladet avait relayé des accusations similaires. Celles-ci avaient été rapidement instrumentalisées par des médias antisémites, notamment d’extrême droite, et avaient déclenché une crise diplomatique entre Israël et la Suède.
La rumeur avait rebondit en 2010, à la faveur du tremblement de terre à Haïti, et à nouveau en 2014, lorsque le Time Magazine avait publié le même type de contenus avant de se rétracter. En 2015, l’ambassadeur de l’Autorité Palestinienne à l’ONU, Riyad Mansour, avait à son tour lancé le même type d’accusation.
Dans le monde anglophone, la rumeur d’un vol organisé d’organes prélevés sur des corps de Palestiniens est fréquemment identifiée à un « blood libel », une accusation de crime rituel, et considérée comme antisémite.
Appartenant au groupe Al Jazeera et contrôlée par l’émirat du Qatar (qui accorde son soutien politique et financier au Hamas palestinien), AJ+ français a été lancé il y a 6 ans. Le média s’adresse principalement aux jeunes via des vidéos postées sur les plateformes sociales comme YouTube, TikTok, Facebook, X et Instagram.
Moins de 24 heures après sa publication sur X, la vidéo d’« Abdel en vrai » avait été vue plus de 240 000 fois. Elle a fait l’objet d’une community note de la plateforme indiquant qu’« il n’existe à ce jour aucune technique médicale qui permet de ré-utiliser l’organe d’un cadavre ».
Voir aussi :
AJ+ en arabe diffuse (puis retire) une vidéo éducative aux relents négationnistes
Source: Lire l'article complet de Conspiracy Watch