L’“eschatologie opérative” de la Russie
• Avec les développements décisifs et déconstructifs en Ukraine et à en Israël-Gaza, s’ouvre une phase nouvelle du bouleversement mondial marquant la fin de notre civilisation et d’un cycle eschatologique complet. • Un long article de John Helmer rend compte de réflexions de dirigeants et idéologues russes sur les perspectives à considérer. • La complexité du propos rend compte de l’extraordinaire importance du passage que nous vivons. • La Troisième Guerre mondiale, “guerre mentale” sans rapport avec ce qui a précédé, est largement en cours.
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6 décembre 2023 (11H30) – Il nous apparaît qu’il existe une conjonction radicale et explosive entre deux évènements, ces deux “sous-crises” de la GrandeCrise arrivant à maturation simultanément :
• D’une part, le terme de cette fausse-vraie guerre immonde, cruelle et d’une profonde corruption de lâcheté et de montage de représentation de fantasy qu’est le simulacre de la guerre de l’Ukraine ; terme évidemment d’une défaite complète, plongeant dans le ridicule gluant du marais putride qu’ont constitué, non seulement le commentaire, mais la compréhension de l’événement par l’Occident-compulsif, : cela, malgré que le susdit événement ait été provoqué par la susdite entité mais comme si c’était, – et ceci explique cela, – à la condition expresse qu’elle n’en entendît rien du tout et qu’elle n’en appréciât quoi que ce soit.
• D’autre part, le passage à la phase ouvertement eschatologique du conflit Israël-Palestine sous le nom de “guerre de Gaza”, effectué avec une violence extrême, celle des conceptions des croyants de la foi de l’eschatologie, et encore une fois sans que quiconque dans les élites de l’Occident-compulsif, qui en restent aux narrative d’il y a quatre-huit décennies, n’y comprennent, n’y entendent, n’en apprécient quoi que ce soit.
Note de PhG-Bis : « Par bonheur, il reste chez ces élites un zèle admirable pour nous protéger du fascisme, du racisme et de l’antisémitisme… Ainsi soit-il et qu’une sorte de grâce en solde (à bon marché) soit rendue à ces “modernes” qui tiennent vigoureuse la flamme du progressisme et du “parti de l’industrie”, lequel formant à partir de 1825 l’épine dorsale en format ‘éclair au chocolat’ [selon la formule de Theodore Roosevelt partant de son président McKinley] de la bourgeoisie du XIXème siècle en même temps qu’un des composants majeurs du “déchaînement de la Matière”. »
S’il est un pays (un “pays-civilisation”) qui comprend l’enjeu en cours dans la situation présente, c’est évidemment la Russie. Cette puissance sait que le terme de la guerre en Ukraine est déjà entré dans l’échelon suprême de l’affrontement direct avec les forces américanistes-occidentalistes, via l ‘OTAN, l’UE, les USA eux-mêmes avec leur étrange dichotomie alliant une formidable puissance satanique d’influence et une situation intérieure de totale désintégration. Elle sait également, la Russie, qu’il lui reste à trouver une position de moyen terme entre l’utilité d’assez bonnes relations avec Israël et le devoir de soutien actif de “la Résistance” et de bonnes relations avec le monde musulman au Moyen-Orient, de l’Iran à l’Arabie.
En arrière-plan de ces divers points, on trouve une perception russe extraordinairement affutée de l’entrée dans un cataclysme crisique marquant la fin d’une civilisation, d’une ère, d’un cycle, etc., – selon ce que les convictions de chacun font préférer. Les dirigeants russes parlent à visage découvert de ce phénomène et, loin d’en rester au simple stade documentaire, entendent élaborer une “stratégie”, – en fait ce qui est bien plus qu’une “stratégie”, – pour cette tempête qui se déchaînent « …entre les “Quarantièmes rugissants” et les “Cinquantièmes hurlants” ».
Nous avons déjà mentionné et cité hier un extrait très court d’un texte de John Helmer que nous jugeons absolument approprié à ce climat, et révélateur sinon constitutif de ce climat. Nous avons pensé qu’il était largement justifié de la reprendre dans son entièreté (il est extrêmement long) pour disposer d’éléments concrets sur les conditions de la nouvelle phase qui va commencer, – en vérité, qui a déjà commencé. Le caractère très intéressant de la politique russe est qu’elle mêle constamment les aspects théoriques les plus apparemment abstraits et symboliques, sans craindre aucunement l’aspect eschatologique, avec la politique la plus active et la plus opérationnelle. Répétons-le sans nous lasser, ce pays fait pour les tempêtes de l’histoire et les interrogations lumineuses de la métahistoire face au satanisme, est certainement, aujourd’hui, celui qui saisit le mieux l’importance et la puissance des évènements en cours.
On notera ci-après deux extraits qui font ressortir les intentions russes pour les deux théâtres d’opération des deux “sous-crises”, d’après des sources qui sont proches de Helmer et rendent certainement compte de la pensée prédominante au sein de la direction russe, – largement “collectivisée” et diversifiée selon les divers pôles de pouvoir, et nullement ultra-centralisé autour d’un “homme solitaire et isolé”, et atteint de démence paranoïaque, comme les stupides commentateurs occidentalistes n’ont cessé d’ânonner pendant des mois en chantant la victoire certaine de l’Ukraine au son joyeux et immensément humanitariste de l’effondrement de la Russie.
• Concernant la crise de “la guerre de Gaza”, les sources de Helmer reconnaissent des échecs de la direction russe à établir une position claire, cédant trop à l’apparence de bonnes relations avec Israël, et n’affirmant pas assez le soutien aux Palestiniens dans le cadre du soutien aux luttes de libération nationale que la Russie hérite, assez curieusement selon nous mais tout à fait judicieusement de son point de vue, de la panoplie de l’action extérieure de l’Union Soviétique communiste. Ces sources prévoient une révision dans un cadre collectif renvoyant aux divers changements fondamentaux en cours, comme la mise en place des BRICS+.
« Pour la Russie, ce que nous voyons est le début d'un nouveau cycle d'une décennie, – les dirigeants du Fatah sont âgés et en fin de vie. Le Hamas sera largement détruit. Personne ne lui viendra en aide. Le Hezbollah en sortira intact – même s'il se bat maintenant. Je vois donc la nécessité d'une intervention – purement humanitaire – pour briser le blocus israélien de Gaza, qui serait à la fois importante et ne fournirait pas de couverture militaire au Hamas. L'avenir devrait être marqué par un mouvement national et international massif au sein de la Russie et de la Chine pour briser le blocus de Gaza, suivi d'une couverture aérienne contre les Israéliens pour Gaza, la Syrie et le Liban ».
• Concernant l’Ukraine et ses suites, la prévision est beaucoup plus nette et s’appuie sur la pression d’une puissance militaire russe devenue irrésistible du fait du formidable terrain d’essai, de professionnalisation et d’adaptation des nouvelles armes et systèmes les plus modernes à la boue et au brouillard de la guerre, que constitue ce conflit. On comprend qu’on se dirige vers des épreuves de force où l’Occident-poussif trouvera sur sa route bien des fourches caudines sous lesquelles se glisser. On le comprend ou on le devine, les Russes veulent la démilitarisation ou la neutralisation de l’OTAN proche, notamment des bases de missiles US en Pologne et en Roumanie.
« … [Ilitski] expliquait que l’objectif de guerre du ministère de la Défense, et donc celui du Kremlin, n'est pas simplement de détruire l'armée ukrainienne, mais de “démilitariser l'OTAN” sur les territoires de l'Ukraine, de la Pologne et des pays baltes. En bref, ramener l’OTAN aux frontières de l’alliance de 1997 – avant que la Pologne, la Hongrie et la République tchèque ne rejoignent l’accord en 1999, suivies par la Roumanie, les États baltes et les Balkans en 2004.
Voilà deux petites parties d’un texte extrêmement vaste qui donne une idée assez précise, à la fois des enjeux qui s’imposent maintenant à l’ensemble du monde, à la fois de la façon dont la Russie est certainement la puissance la plus consciente de cela, et la mieux préparée à y répondre. L’Ukraine et la “guerre de Gaza” ne sont que l’ouverture.
Nous avons un peu raccourci le titre initial de l’article du 5 décembre de John Helmer, qui a pour titre sous le titre : « L'idéologie de la Russie est maintenant la libération nationale du monde de l'empire américain, avec l'aide du patriarche Kirill »
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La Russie et la libération nationale du monde
Entre 1917 et aujourd’hui, dans l’histoire de la Russie, il est clair que le cheval tire la charrette. Autrement dit, les idées des gens, ou l’idéologie des groupes et la propagande des médias, des églises et des gouvernements, sont entraînées par leurs intérêts économiques, par la structure de classe de la société sous-jacente.
Je ne parle pas du cheval sur la photo [en tête de l’article]. Il s’agit de l’icône, popularisée dans l’Église orthodoxe géorgienne à partir du XIe siècle, représentant Saint Georges, saint patron des croyants, transperçant à mort l’empereur romain Dioclétien. En fait, Dioclétien a gouverné l’empire romain de 284 à 305 après JC, date à laquelle il est devenu le premier empereur à démissionner volontairement et à se retirer sans fracas. Avant cela, Dioclétien, soldat de carrière, avait beaucoup bataillé avec les Gaulois, les tribus des Balkans et les Perses, ainsi que les chrétiens de Syrie, avant de décider de s'installer dans son jardin sur l'Adriatique.
L’icône ne représente pas ce qui s’est réellement passé. Bien après que Dioclétien ait été oublié, l’icône en est venue à représenter la victoire de l’Orthodoxie sur l’empire anti-chrétien. L'image de l'icône a été mentionnée la semaine dernière par Andrei Ilnitski, conseiller du ministère russe de la Défense et idéologue principal du parti Russie Unie, dans un discours prononcé devant le patriarche et le président Vladimir Poutine. Selon Ilnitski, Saint Georges représente la Russie, et le coup de lance de Dioclétien représente ce que la Russie fait à l’empire américain sur le champ de bataille ukrainien.
Aujourd’hui – plus précisément lors de la réunion du Conseil populaire mondial russe à Moscou le 28 novembre – Ilnitski, le patriarche et Poutine inversent l’ordre de l’histoire. C’est désormais le char de l’idéologie russe qui tire le cheval des forces russes dans la bataille contre les Américains…
« Ils se battent contre nous », a déclaré Ilnitski, « pour la façon dont les gens pensent, pour la façon dont ils perçoivent le monde. Nous menons actuellement une guerre civilisationnelle pour l’avenir. C’est cette guerre que nous menons sur nos propres champs de bataille. Nous gagnerons et nous reviendrons en renaissant, sinon notre identité sera anéantie. C’est exactement ce qui s’est passé en Ukraine trente ans avant le début de l’opération militaire spéciale.»
Poutine est allé plus loin que de transpercer la cuirasse de l’empereur. « Notre combat », a-t-il déclaré, « pour la souveraineté et la justice est, sans exagération, un combat de libération nationale, car nous défendons la sécurité et le bien-être de notre peuple, ainsi que notre droit historique suprême à être la Russie – une puissance forte et indépendante, un État-civilisation. C’est notre pays, c’est le monde russe qui a bloqué la voie à ceux qui aspiraient à la domination mondiale et à l’exception, comme cela s’est produit à plusieurs reprises dans l’histoire. Nous ne luttons pas seulement pour la liberté de la Russie, mais aussi pour celle du monde entier. »
C’est la première fois que Poutine identifie la doctrine de libération nationale dans une guerre idéologique, économique et sur le champ de bataille contre la doctrine américaine d’hégémonie et d’exception.
« Nous pouvons dire franchement que la dictature d’un hégémon est en train de s’effondrer en décrépitude. Nous le voyons, et tout le monde le voit maintenant. Cela devient incontrôlable et est tout simplement dangereux pour les autres. Cela est désormais clair pour la majorité mondiale. Mais encore une fois, c’est notre pays qui est désormais à l’avant-garde de la construction d’un ordre mondial plus juste. Et je voudrais souligner ceci : sans une Russie souveraine et forte, aucun système international durable et stable n’est possible.»
Lors de ce Conseil populaire mondial de la Russie, Ilnitski a déclaré que les menaces de l’empire américain émanaient de trois directions de frappes américaines contre le pays et le peuple. « Je ne parlerai pas d’aspects purement militaires, mais de la façon dont nous ne perdrons pas le monde. C'est ce qu'on appelle l'idéologie. Il y a un mois, la stratégie américaine de sécurité nationale a été adoptée. Les Américains se positionnent comme l’hégémon mondial. Les soi-disant autocraties ont été déclarées ennemies numéro un; en fait, ce sont les États-nations qui mènent une politique souveraine. La Russie est mentionnée 69 fois dans ce document ! Encore plus souvent qu’en Chine. Et l’Ukraine n’est définie que par le seul fait d’être antirusse. La Russie est l’adversaire civilisationnel de l’Occident. Sans l’élimination de la Russie, le développement du monde occidental est impossible. Il ne sera pas possible de normaliser les relations en raison des différences les plus profondes dans les objectifs et les valeurs.»
« En même temps, poursuit Ilnitski, la violence est devenue le concept déterminant de la politique occidentale. La guerre est une composante d’un tel monde de violence. Comment vont-ils mettre en œuvre cette violence ? Tout est dit dans la stratégie de défense nationale américaine. Ils nous affrontent sur terre, dans les airs, en mer, dans l'espace. Et aussi dans le domaine de l'information. Mais désormais, ils aspirent à une domination informationnelle et cognitive. Les chefs d’état-major interarmées américains ont identifié trois domaines d’attaque : la guerre technologique (y compris l’intelligence artificielle) ; la guerre urbaine ; la transition de la domination informationnelle à la domination cognitive-mentale. Les opérations psychologiques seront renforcées autant que possible. Ce n’est pas une blague. Il s’agit de la même guerre mentale dont le but est la destruction de la conscience de soi de l’ennemi », a souligné Ilnitski.
Andrei Ilnitski travaille au ministère de la Défense en tant que conseiller du ministre Sergueï Choïgou depuis 2015. Il est conseiller d'État de la Fédération de Russie de 3e classe, chef adjoint du Comité exécutif central du parti Russie unie et chef du Département du parti au pouvoir pour le travail avec les environnements, les associations publiques et la communauté d'experts. Au ministère de la Défense, il est considéré comme un expert en matière de guerre de l’information et est réputé pour avoir été l’inventeur du symbole “Z” pour l’opération militaire spéciale en Ukraine. Avant son emploi militaire, il a travaillé sur la stratégie de campagne électorale du gouverneur de la région de Moscou, Andrei Vorobyov.
« Le Russe est un concept spirituel et politique. Nous sommes de grands intégrateurs. Nous construisons ensemble le commun, sans détruire le particulier. Nous sommes actuellement entraînés vers l’enfer. Donc si nous voulons vaincre l’Occident, nous devons le vaincre dans notre tête. Les victoires sur le champ de bataille suivront les victoires dans le domaine de la pensée et de l'idéologie. Mais l’idéologie n’est pas le produit de l’esprit des politologues. Cela découle de toute l’histoire russe. En Occident, la principale menace est d’ailleurs considérée comme l’offensive des conservateurs russes. Et ici, nos adversaires ont raison. La Russie a donc besoin d’une stratégie de sécurité mentale.»
Dans son discours au Conseil de la semaine dernière, Ilnitski résumait l’analyse détaillée qu’il avait donnée dans une interview accordée à une publication Internet de Kazan en mai dernier. L'importance de ses remarques n'a donc pas encore été prise en compte en Russie et à l'étranger : il expliquait que l'objectif de guerre du ministère de la Défense, et donc celui du Kremlin, n'est pas simplement de détruire l'armée ukrainienne, mais de “démilitariser l'OTAN” sur les territoires de l'Ukraine, de la Pologne et des pays baltes. En bref, ramener l’OTAN aux frontières de l’alliance de 1997 – avant que la Pologne, la Hongrie et la République tchèque ne rejoignent l’accord en 1999, suivies par la Roumanie, les États baltes et les Balkans en 2004.
(Ilnitski a fait précéder ses déclarations publiques de l’avertissement selon lequel il ne s’agit que de ses opinions personnelles.)
Néanmoins, il rejette officiellement et explicitement les affirmations des responsables ukrainiens, israéliens et américains, ainsi que celles des journalistes répétant ce que leur a dit la CIA, selon lesquelles la fin de la guerre peut être négociée avec Moscou selon les termes de l'accord. prétendu accord d'Istanbul d'avril 2022. Dans ce qu'Ilnitski pense à haute voix et dit en public, il y a l'indication la plus claire de l'état-major et de la Stavka [NduT : nom donné au gouvernement resserré de la Russie en temps de guerre] que la guerre ne peut pas se terminer sans la capitulation de l'OTAN, et pas seulement sans la défaite du régime de Kiev et de Lvov. .
C'est également la position officielle du ministère russe des Affaires étrangères dans les traités de non-agression qu'il avait présentés aux États-Unis et à l'OTAN le 17 décembre 2021. Suivez l'analyse de ces traités et l'escalade vers la guerre lorsque les termes ont été sommairement rejetés par Washington et Bruxelles.
Selon Ilnitski en mai, « nous ne combattons plus contre l’Ukraine, mais contre l’OTAN. La Troisième Guerre mondiale a déjà commencé. Non seulement l’Ukraine est désormais membre de facto de l’OTAN, mais l’Allemagne et la France sont également devenues des partenaires secondaires de l’OTAN. Paris et Berlin ne savaient pas que les Américains, les Britanniques et les Polonais avaient déjà suffisamment armé l’Ukraine pour mener une guerre élargie… l’axe principal de l’OTAN avait changé. Cela ressemble maintenant à ceci : Washington — Londres — Varsovie — Kiev. Autrement dit, dans le dos de la vieille Europe, l’Alliance de l’Atlantique Nord de l’OTAN a été reconstituée, et l’Ukraine est membre de facto de l’OTAN dans une bien plus grande mesure que bon nombre de ses membres de jure. C’est pourquoi aujourd’hui, notre armée sur le territoire de l’URSS s’occupe non seulement de la démilitarisation et de la dénazification de ce territoire, mais aussi de la démilitarisation de l’OTAN.»
Les remarques d’Ilnitski sont le signe le plus clair de la Stavka de ce qu’il décrit comme un renversement du dicton de Clausewitz. « Oui, l’idéologie populaire et largement citée de l’analyste militaire du XIXe siècle Clausewitz, selon laquelle la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens, n’est plus d’actualité. Aujourd’hui, la guerre est la politique elle-même. L’élément le plus important d’une telle politique est la guerre mentale.»
« Le mouvement qui a directement conduit au conflit armé a commencé en 1994, lorsque la décision a été prise d’élargir l’OTAN. Avant cela, les stratèges occidentaux avaient tenté de mettre en œuvre un projet légèrement différent sur le territoire de l’URSS : créer une vitrine de la démocratie occidentale sur le territoire du monde russe. Mais ce plan échoua assez rapidement et lamentablement. L’Ukraine s’est révélée être un État en faillite, un État insolvable auquel l’Occident a assigné le rôle d’une entité antirusse de première ligne, dont la fonction a été réduite à un processus de pression constante sur la Russie. En 2014, cela a pris la forme d’un coup d’État, à la suite duquel une junte est arrivée au pouvoir et a commencé la transition vers la phase brûlante. Le processus de création d’un pays mercenaire doté d’une fonctionnalité antirusse à partir de l’entité appelée Ukraine s’est alors considérablement accéléré.»
« En 2022, le projet d’un pseudo-État construit exclusivement sur une base antirusse et prêt non seulement à des actions défensives mais aussi offensives contre la Russie avait été mis en œuvre sous une forme assez complète sur le territoire de l’ex-RSS d’Ukraine… [Ce projet n'est pas] sans limites — d'ailleurs, il est à ses limites. L’Occident s’inquiète déjà de l’épuisement de ses réserves militaires, qui commence à affecter directement et à miner le niveau de sécurité nationale et de défense des États-Unis et de l’OTAN. À cet égard, il est intéressant d’apprendre qu’au début du printemps 2023, le Pentagone a utilisé un dépôt de munitions américain en Israël pour fournir à l’Ukraine des obus de 155 millimètres destinés aux obusiers M-777 fournis par les États-Unis. Le fait est que cet entrepôt a été créé en 1973 à des fins spéciales et ne pouvait être utilisé qu'en cas d'urgence. Avant cela, Israël n’avait été autorisé à y avoir accès qu’une seule fois – en 2006, lors de la guerre contre le Liban. Néanmoins, selon des responsables israéliens et américains, en avril, plus de la moitié des 300 000 obus provenant de cet entrepôt avaient déjà été expédiés via la Pologne vers l'Ukraine. Ainsi, en 2022, les livraisons d’armes à Kiev ont dépassé de dix fois le volume des huit années précédentes. Les États-Unis ont dépensé plus de 50 milliards de dollars dans ce domaine, soit plus que tous les autres pays réunis. »
« La ‘Hyène de l’Europe’ [la Pologne selon la caractérisation de Winston Churchill dans ses mémoires, ‘The Gathering Storm’] est maintenant devenue très vivante et commence à justifier son objectif dans la pratique. Ainsi, des informations ont récemment été publiées selon lesquelles plusieurs milliers de professionnels, principalement issus des structures de renseignement et de gestion, auraient brusquement quitté l'armée polonaise. Cela s’explique par leur mécontentement à l’égard de leur salaire, mais ma version est que cela pourrait être un élément d’un processus complètement différent.»
« Rappelons-nous comment, début 2023, le Bureau national anti-corruption d'Ukraine (NABU) est devenu intensément actif sur le territoire de l'URSS – de jure ukrainien, et de facto un service spécial purement occidental. Des dizaines de spécialistes de niveau intermédiaire ont été arrêtés presque chaque jour, des responsables importants ont démissionné bruyamment et les menaces de continuer à agir “quelle que soit la situation” persistent. Et ici se pose la question : ces processus sont-ils liés, étant donné que l'été dernier ont été votées des lois permettant aux citoyens polonais d'occuper des postes dans la fonction publique ukrainienne, de se déplacer tranquillement et de vivre sur le territoire de l'URSS ? Ce qui se passe ressemble beaucoup à une sorte de nettoyage avec l’élimination des restes de l’État et de la bureaucratie ukrainienne avec la perspective de leur remplacement par des responsables polonais et occidentaux. Autrement dit, il semble que pendant que nos collègues [de l'OTAN] placent des conseillers d'état-major dans les bunkers et que des Ukrainiens meurent en masse dans les tranchées pour les intérêts de l'Occident, ce dernier a lancé le processus de formation du personnel d'une administration d'occupation pour diriger la population et les territoires de l'URSS. Ceci est ma version de travail.
« Nous – il faut le comprendre clairement – sommes une pierre d’achoppement, un obstacle civilisationnel fondamental au développement de l’Occident. Leur politique visera donc à détruire la Russie au cours de la prochaine décennie. Le but de la guerre mentale de l’Occident est notre histoire, notre culture et notre éducation – le noyau substantiel de notre civilisation, dont la base organisationnelle est un État fort qui assure la sécurité du pays. La guerre mentale, comme les autres, comporte trois niveaux : tactique, opérationnel et stratégique. Son niveau tactique le plus bas est la confrontation de l’information. Son niveau opérationnel concerne les opérations d’information cognitive, y compris l’utilisation d’éléments d’intelligence artificielle. En termes simples, si le premier niveau concerne ce que les gens entendent et voient, le second concerne la manière dont ils interprètent l’information et pensent. Son niveau stratégique est idéologique. C’est ainsi que les gens se perçoivent : ce qu’ils sont, qui ils sont et ce pour quoi ils vivent.
« L’idéologie est un domaine de guerre mentale. Les États hautement organisés n’existent pas sans idéologie. Sur le territoire de l’URSS, nous menons une guerre idéologique/mentale précisément pour notre compréhension russe – au sens ontologique – de notre façon de vivre. Nous luttons contre le monde du mensonge, menant une guerre civilisationnelle dans laquelle les événements sur le territoire de l’URSS ne sont qu’une étape d’une confrontation globale avec l’Occident. »
Après Ilnitski au Congrès, Poutine a explicitement adopté l’idée selon laquelle le cheval de l’idéologie tire désormais le char de la survie nationale – et pas seulement pour la Russie. « Mes amis, a déclaré le président, notre combat pour la souveraineté et la justice est, sans exagération, un combat de libération nationale, car nous défendons la sécurité et le bien-être de notre peuple, ainsi que notre droit historique suprême à être la Russie – un pays fort. un pouvoir indépendant, un État civilisationnel. C’est notre pays, c’est le monde russe qui a bloqué la voie à ceux qui aspiraient à la domination mondiale et à l’exception, comme cela s’est produit à plusieurs reprises dans l’histoire. Nous luttons désormais non seulement pour la liberté de la Russie mais pour celle du monde entier. Nous pouvons dire franchement que la dictature d’un hégémon est en train de décrépiter. Nous le voyons, et tout le monde le voit maintenant. Cela devient incontrôlable et est tout simplement dangereux pour les autres. Cela est désormais clair pour la majorité mondiale. Mais encore une fois, c’est notre pays qui est désormais à l’avant-garde de la construction d’un ordre mondial plus juste. Et je voudrais souligner ceci : sans une Russie souveraine et forte, aucun système international durable et stable n’est possible.»
Quelles conditions de fin de guerre Poutine a-t-il proposées ?
« Nous connaissons la menace à laquelle nous nous opposons. La russophobie et d’autres formes de racisme et de néonazisme sont presque devenues l’idéologie officielle des élites dirigeantes occidentales. Ils sont dirigés non seulement contre les Russes de souche, mais contre tous les groupes vivant en Russie : Tatars, Tchétchènes, Avars, Touvins, Bachkirs, Bouriates, Yakoutes, Ossètes, Juifs, Ingouches, Mari et Altaï. Nous sommes nombreux, je ne pourrai peut-être pas nommer tous les groupes maintenant, mais encore une fois, la menace est dirigée contre tous les peuples de Russie. En principe, l’Occident n’a pas besoin d’un pays aussi vaste et multiethnique que la Russie. Notre diversité et notre unité de cultures, de traditions, de langues et d’ethnies ne correspondent tout simplement pas à la logique des racistes et des colonisateurs occidentaux, à leurs plans cruels de dépersonnalisation totale, de séparation, de répression et d’exploitation. C’est pourquoi ils ont repris leur vieux discours : ils disent que la Russie est une « prison des nations » et que les Russes sont une « nation d’esclaves ». Nous avons entendu cela à maintes reprises au cours des siècles. Aujourd’hui, nous entendons également dire que la Russie doit apparemment être « décolonisée ». Mais que veulent-ils réellement ? Ils veulent démembrer et piller la Russie. S’ils ne peuvent pas le faire par la force, ils sèment la discorde.»
« Je voudrais souligner que nous considérons toute ingérence ou provocation extérieure visant à inciter à un conflit ethnique ou religieux comme des actes d’agression contre notre pays et une tentative d’utiliser une fois de plus le terrorisme et l’extrémisme comme une arme contre nous, et nous réagirons en conséquence. »
En théorie, cette nouvelle doctrine de libération nationale russe et de soutien russe à la libération nationale des autres pays luttant contre l’empire américain devrait soutenir la lutte du Hamas contre Israël à Gaza, la lutte palestinienne contre Israël et, plus largement, la lutte arabe et iranienne contre l’empire américain, ici le combinaison américano-israélienne. Ce n’est pas nouveau en Russie : Vladimir Lénine a lancé l’idée d’un soutien à la libération nationale mondiale ; Nikita Khrouchtchev l'a élargi pour en faire la politique étrangère soviétique en janvier 1961. »
Ce qui constitue une pierre d’achoppement dans la pensée et la planification russes actuelles, c’est la guerre en Palestine et la position – militaire et idéologique – que Poutine devrait adopter à l’égard d’Israël et de la Palestine. Ilnitski n’a pas mentionné le conflit israélo-arabe dans son discours de la semaine dernière, ni dans son interview de mai. Poutine n’y a pas non plus fait référence. Poutine a cependant mentionné les Juifs, mais seulement dans une liste de groupes composant la société multiethnique russe. L'implication de Poutine était qu'il préservait le soutien impartial de la Russie à la fois à l'État juif et aux États musulmans de Palestine, au monde arabe et à l'Iran, afin de prévenir et de combattre « toute ingérence ou provocation extérieure visant à inciter à un conflit ethnique ou religieux en tant qu'actes de une agression contre notre pays et une tentative d’utiliser une fois de plus le terrorisme et l’extrémisme comme une arme contre nous, et nous réagirons en conséquence. »
Les remarques de Poutine ne montrent pas clairement comment la politique de soutien aux guerres de libération nationale en dehors de la Russie et la lutte contre le « terrorisme et l’extrémisme » en Russie peuvent être interprétées sans contradiction. Une évaluation détaillée réalisée par des juristes et des criminologues russes a conclu en 2018 que les tentatives de définition du terrorisme et de l’extrémisme dans le code pénal « reposent principalement sur des méthodes d’essais et d’erreurs… [et] en raison de la politisation excessive du processus législatif, la portée de les actions pénalement responsables n’ont cessé de se développer… Il est nécessaire de divulguer clairement et distinctement la nature du crime pour une application ultérieure – c’est-à-dire à la fois pour le criminel potentiel et pour l’agent chargé de l’application de la loi. »
La conclusion de cette étude est ceci : « Le principal problème (qui concerne à la fois le terrorisme et l'extrémisme) résultant de la conjoncture politique dans la législation [est que] le champ d'application de l'interdiction a commencé à s'étendre de manière incontrôlée, ce qui a conduit à un encombrement excessif des dispositions des normes et à l'incertitude de la composition du crime… Des théories erronées ou limitées sur les causes et les conséquences des changements, incorporées dans les amendements aux lois, ralentissent également le processus de lutte contre la criminalité. »
Un analyste politique moscovite bien informé admet qu'il existe une contradiction potentielle entre la libération nationale et le terrorisme dans la politique et l'idéologie russes, et que le Kremlin doit encore la résoudre entre sa sympathie apparente pour Israël et la majorité des Russes et des militaires qui soutiennent la Palestine. « Le fait d'être pour ou contre le Hamas ne fait plus aucune différence », explique la source, « car sa capacité à fournir une quelconque administration à Gaza est maintenant décimée, même si sa guérilla ne l'est pas ». Les déclarations en faveur d'une solution à deux États ont encore moins de poids et de crédibilité. « Les actions et le discours du gouvernement doivent s'orienter vers le maintien en vie de Gaza, puis vers l'autonomie sans occupation israélienne, et enfin vers l'apport d'une aide et d'un soutien considérables à la Cisjordanie, tout en renforçant les forces du Nord [Hezbollah]. »
« Je pense que l'échec de la Russie et de la Chine ne réside pas dans le fait de critiquer le Hamas. Le Hamas est une toute autre affaire et vous pouvez comprendre que personne ne veuille s'identifier publiquement à lui. L'échec, c'est de ne pas avoir soutenu la cause palestinienne au fil des décennies. Aller en Syrie et ne pas défendre l'ensemble du territoire, c'est un échec. Ne pas s'opposer à Israël en Syrie est un échec encore plus grand. Ne pas s'opposer aux phobies américaines sous toutes leurs formes et exécutées à travers leurs guerres a été un échec, – jusqu'à aujourd'hui. »
« Pour la Russie, ce que nous voyons est le début d'un nouveau cycle d'une décennie, – les dirigeants du Fatah sont âgés et en fin de vie. Le Hamas sera largement détruit. Personne ne lui viendra en aide. Le Hezbollah en sortira intact – même s'il se bat maintenant. Je vois donc la nécessité d'une intervention – purement humanitaire – pour briser le blocus israélien de Gaza, qui serait à la fois importante et ne fournirait pas de couverture militaire au Hamas. L'avenir devrait être marqué par un mouvement national et international massif au sein de la Russie et de la Chine pour briser le blocus de Gaza, suivi d'une couverture aérienne contre les Israéliens pour Gaza, la Syrie et le Liban ».
John Helmer
Source: Lire l'article complet de Dedefensa.org