Le citoyen ordinaire et respectueux des lois de Totalitaria, loin d’être un héros, est potentiellement coupable de centaines de crimes. Il est criminel s’il s’entête à défendre son propre point de vue. Il est criminel s’il refuse de se laisser confondre. Il est criminel s’il ne participe pas bruyamment et vigoureusement à tous les actes officiels; la réserve, le silence et le retrait idéologique sont des trahisons. Il est criminel s’il n’a pas l’air heureux, car il est alors coupable de ce que les nazis appelaient l’insubordination physionomique. Il peut être criminel par association ou par dissociation, par bouc émissaire ou par projection, par intention ou par anticipation. Il est criminel s’il refuse de devenir informateur. Il peut être jugé et déclaré coupable de tous les *ismes* imaginables: cosmopolitisme, provincialisme; déviationnisme, mécanisme; impérialisme, nationalisme; pacifisme, militarisme; objectivisme, subjectivisme; chauvinisme, égalitarisme; pragmatisme, idéalisme. Il est coupable à chaque fois qu’il est quelque chose. Le seul sauf-conduit pour le citoyen de Totalitaria réside dans l’abdication complète de son intégrité mentale.
— Joost Meerloo, The Rape of the Mind: The Psychology of Thought Control, Menticide, and Brainwashing (1956), trad. SD.
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