Tout le monde sera d’accord : on est tous passés par là, ou presque, mais il faut reconnaître que les lycéens, en bloc, c’est d’une connerie redoutable.
C’est normal : on sort de l’enfance et du nid, on a envie d’exister, de faire du bruit, de s’exprimer, on apprend des choses dans les livres à l’école et sur le Net chez soi, on n’a pas encore d’expérience réelle de la vie mais on a envie d’être quelqu’un, de grand, de fort, de génial, on est plein de sève, on se la pète, on boit (beaucoup) on fume (énormément) et on baise (un peu), on est des ados, quoi.
On passe du rire aux larmes, les jeunes hommes ont envie d’être des hommes et les jeunes filles des femmes, on a envie de grandir vite et fort, y en a marre d’être traités comme des sous-hommes, c’est-à-dire des enfants.
Des consommateurs voraces mais volatiles
Les capitalistes ont bien compris ces traits psychologiques, les ont assimilés pour combler les désirs et frustrations des jeunes, et vendre plus de marchandise. Et ça marche, on ne va pas refaire ici l’historique du consumisme. Si vous avez lu La Société de l’indécence de Stuart Ewen (Kontre Kulture l’a vendu un temps), il y avait déjà, il y a un siècle aux États-Unis, une manipulation mentale et une exploitation des connaissances neuropsychologiques pour mieux entuber les masses. Dans les années d’après-guerre, la consommation va exploser aux USA grâce au nouveau marché de la jeunesse.
« Bernays pensait que les faits avaient peu d’importance en réalité. Il pensait que les gens étaient guidés par leurs instincts, par leur inconscient et par des intérêts irrationnels. »
Les experts du marketing le savent : c’est un créneau aussi fertile que volatile. Un ado peut rejeter aussi brutalement ce qu’il a aimé brutalement. De plus, on ne reste pas ado toute sa vie (quoique…), disons qu’il y a une fenêtre de tir entre 15 et 25 ans où on peut leur vendre à peu près n’importe quoi, du moment que ça valorise socialement, que ça désangoisse ou que ça brille.
Il y a même des jeunes qui pensent qu’Angèle c’est de la musique et que les tacos sont de la nourriture ! Le travail de fond des marketeurs est remarquable.
La Goncourte
Cette longue intro pour évoquer la victoire haut la main de Neige Sinno (et pas sinoque) pour le prix Goncourt… des lycéens. Son livre s’intitule Triste Tigre et raconte son enfance violée. La remise du prix a lieu au ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse.
On ignore si Jack Lang et Cohn-Bendit sont invités, mais ils pourraient, vu l’ambiance maison. Ils seraient capables de nous pondre un Goncourt des maternelles…
« Ce que je souhaitais faire, c’est d’amener mon lecteur, ma lectrice, pas dans mon histoire, mais dans ma tête. »
« C’est une quête de vérité, c’est une quête de, je sais pas exactement ce que je cherche. »
CQFD.
Avertissement : on espère que les lycéens n’ont pas choisi ce livre pour se masturber, car l’adolescence, c’est aussi l’âge de l’autosexualité. Nous ne sommes pas allés voir s’il y avait des passages olé-olé dans Triste Tigre, comme on en trouve à foison chez Gérard de Villiers.
Mais n’accablons pas Sinno et les ados : c’est toujours mieux que Christine Angot, qui a elle aussi raconté son inceste. C’était le début de la viol-littérature, dont on ne sort plus. Les anciens se souviendront qu’il existe une littérature sans viol, ou avec du cul, mais joyeux.
Pour les jeunes qui nous lisent, on se repasse Cricri par Stéphane Édouard.
Source: Lire l'article complet de Égalité et Réconciliation