Théologie de la grâce et fréquentation des auteurs antiques ne sont pas des spécificités protestantes. Le catholicisme a créé la théologie de la grâce et ne l’a jamais reniée (CEC §1996 : « Notre justification vient de la grâce de Dieu. »), gardant même une place à la prédestination. Et la grande rivalité à l’intérieur du catholicisme a été entre ordres prêcheurs aristotéliciens (saint Thomas d’Aquin et dominicains) et ordres mendiants platoniciens (saint Bonaventure et franciscains), sur une base philosophique, et de philosophie antique. Le phénomène dont M. Hindi ne dit aucun mot, c’est l’inflation herméneutique, qui est, elle, spécifique au protestantisme et explique son éclatement en centaines, voire milliers de confessions antagonistes. L’Eglise ne reconnaissait traditionnellement que quatre sens à l’Ecriture (littéral, allégorique, moral, anagogique), mais dans les protestantismes, c’est autant de sens que de lecteurs. Les protestants mettent leur conviction personnelle au-dessus de l’unité de l’Eglise et c’est pourquoi ils ne cessent de se diviser encore et encore. Et avec l’herméneutique, c’est l’ecclésiologie et la théologie des sacrements qui marquent la profondeur de la rupture : ordre, eucharistie, réconciliation ont été abandonnés, et la distinction entre temporel et spirituel qui conduit aux dérives puritanistes puis à l’effondrement moral. Ce qui fait que les protestants n’ont pas de prêtres, et se trouvent de fait dans la même situation que les juifs : ni les « pasteurs » protestants, ni les rabbins, ne sont des prêtres. Mais Luther haïssait les juifs et recommandait de les brûler…
Cela dit, les jours du protestantisme sont comptés, par sa division à l’infini, et surtout depuis la redécouverte de l’oralité des Evangiles avec les travaux de Marcel Jousse (L’anthropologie du geste) puis de Pierre Perrier (Les colliers évangéliques). L’obsession exégétique des protestants, ayant rompu l’unité vivante de l’Eglise, ils ne pouvaient s’appuyer que sur le texte, se fracasse aujourd’hui sur l’écueil de leurs travaux, mais de toute façon, le texte chrétien condamnait déjà l’écrit : « avons-nous besoin, comme certains, de lettres de recommandation pour vous… vous êtes une lettre de Christ écrite par notre ministère, non avec de l’encre mais avec l’Esprit du Dieu vivant » … c’est l’hypocrisie des protestantismes : tout fonder sur l’écrit mais faire semblant de ne pas lire « la lettre tue » (2 Co 3, 6) qui part en lambeaux.
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