Peut-on être contre le gouvernement d’extrême droite israélien sans être pour autant pour le Hamas ? — Jérôme HENRIQUES

Peut-on être contre le gouvernement d’extrême droite israélien sans être pour autant pour le Hamas ? — Jérôme HENRIQUES

« Certains d’entre vous vont mourir, mais c’est un sacrifice que je suis prêt à faire » Lord Farquaad (Shrek)

Suite à l’attaque du Hamas du 07 octobre et à la réponse cruelle, disproportionnée, d’Israël, on a pu voir le parti pris honteux, indécent, de la France. Et ce, aussi bien au niveau politique, institutionnel, que médiatique. On s’indigne de la mort de civils d’un côté (on décrit la façon horrible dont ils ont ou auraient été tués, on raconte leur vie, leur histoire) autant qu’on minimise celle de l’autre (juste des milliers d’anonymes, « dommages collatéraux » du « droit d’Israël à se défendre »).

La décision d’Israël de bombarder la bande de Gaza (zone densément peuplée d’où les civils ne peuvent pas fuir) est immonde autant qu’absurde. Elle a détruit (et continue de détruire) des milliers de vie civile, souvent de façon atroce (ensevelis sous les bombes …), au nom d’une « guerre contre terrorisme » qu’elle ne pourra gagner (en tous cas pas de cette façon).

En France, la classe politico-médiatique n’a pas été à la hauteur. En dédouanant l’état hébreu de toute critique (« le droit d’Israël de se défendre », « c’est le Hamas qui a commencé », « ils utilisent les civils comme bouclier humain »), elle a encouragé (et continue d’encourager) une politique, guerrière, meurtrière (voire génocidaire), et porte une responsabilité (morale du moins), dans les « crimes de guerres » actuellement commis à Gaza.

Dans un retournement de valeurs digne de 1984 (« la guerre c’est la paix »), nos « élites » se sont en plus permis de diaboliser/marginaliser les rares partis (LFI en tête) qui condamnaient les « crimes de guerre » des deux côtés et réclamaient un « cessez-le-feu immédiat » (dans le but d’épargner un maximum de civils). On a ainsi pu assister à des déclarations/analyses au ras des pâquerettes (critique de l’état d’Israël = antisémitisme, doute sur des histoires sordides = négationnisme) visant à verrouiller le débat et mettre tout le monde au pas.

La bonne nouvelle apparemment, c’est que la sauce ne prend pas. De nombreuses personnes s’informent aujourd’hui autrement qu’avec BFM et CNEWS et il suffit de discuter avec le populo lambda (ou de lire les commentaires sur internet) pour constater que l’opinion publique ne coincide pas exactement avec celle des plateaux télés. Internet est une mine de trésors incroyable pour qui veut s’instruire et les réseaux sociaux permettent de diffuser des informations qui seraient étouffées/censurées ailleurs (via les canaux officiels, dans médias grand public).

Le problème d’un autre côté, c’est que l’opinion publique est parfois un peu binaire et que l’on trouve sur internet un peu tout et n’importe quoi. Ainsi peut-on lire ici ou là que « les attaques du Hamas n’ont jamais eu lieu », qu »Israël a organisé le massacre de sa propre population (pour pouvoir ensuite s’approprier la bande de Gaza) », que « l’enjeu est celui de champs gaziers au large de Gaza », quand d’autres reconnaissent que les attaques ont bien eu lieu, mais les justifient.

Peut-on défendre la cause palestinienne, combattre la politique (colonialiste, d’apartheid, criminelle) d’Israël, sans pour autant basculer dans le complotisme (ou l’antisémitisme) crasseux, sans pour autant devenir un supporter du Hamas ?

Beaucoup prennent parti comme si on était dans un match de foot en oubliant les seules et uniques victimes de la guerre entre Israël et le Hamas : les civils. A ceux là, peut être pourrait-on poser la question : « Si vous viviez dans la bande de Gaza, sans possibilité de fuir, voudriez-vous que vos dirigeants décident de mener une attaque contre Israël, sachant que ce dernier va riposter (avec la finesse qu’on lui connait) et que vous et votre famille risquez de finir votre vie dans des circonstances atroces ?

Faire la guerre sur internet (ou les plateaux télé), c’est facile. Pour ceux qui la vivent, c’est plus compliqué.

Depuis la prise de pouvoir du Hamas à Gaza en 2007, il n’y a jamais eu d’élections. La majeure partie de la population vit sous le seuil de pauvreté, pendant que ses dirigeants mènent grand train. La contestation gronde (pour réclamer de meilleures conditions de vie) mais elle est à chaque fois réprimée par les autorités. Quant aux attaques du 7 octobre, quel bénéfice pour la population (« parquée ») de Gaza ? Après les massacres, Israël envisage même de (ré)occuper la zone.

Pourrait-on par ailleurs s’interroger sur l’attitude de certains pays (Arabie Saoudite, Turquie, Émirats Arabes Unis) qui affichent une solidarité de façade avec la Palestine, mais passent en réalité des accords stratégiques avec Israël. D’autres qui soutiennent le Hamas (Iran, Qatar), mais semblent plus préoccupés par les enjeux géostratégiques (peser dans la balance, affaiblir tel ou tel pays) que par le sort des populations sur place. Le cynisme de ceux qui mènent une guerre par procuration et se servent en réalité d’une cause (la cause palestinienne) pour défendre leurs propres intérêts.

il en va de même, à l’échelle individuelle, de ceux qui approuvent/justifient les attaques du Hamas depuis leur canapé (ou derrière leur écran), mais n’auront jamais a en payer le prix. Ni d’un côté ni de l’autre.

Israël est un pays oppresseur, c’est vrai, mais cela justifie-t-il le terrorisme contre des civils ? La France est-elle aussi un pays oppresseur, ayant par exemple contribué à transformer la Libye en tas de ruine, abandonnant la population à son propre sort ? Qu’en pensent ceux qui justifient les attaques contre des civils ? Justifieraient-ils que des Libyens s’en prennent à eux, au nom de l’injustice subie par leur peuple ?

Plus globalement, la politique d’ingérence française, son interventionnisme militaire (dans les pays arabes entre autres) n’est pas sans lien avec l’augmentation de la menace islamiste en France. Qu’en pensent les pro-terroristes ? S’acceptent-ils en victimes potentielles du terrorisme islamiste, au nom de la politique menée par leurs dirigeants ?

Certains jusqu’au-boutistes pour la cause palestinienne ne sont même pas capables d’accepter les conséquences migratoires de notre politique étrangère (la Libye est devenue la porte d’entrée de l’immigration vers l’Europe), refusant l’accueil des migrants, préférant parfois même qu’ils se noient plutôt qu’ils n’arrivent en France. Quelle explication pour ceux-là, à part peut être celle qu’ils détestent encore plus les juifs que les arabes ?

Quant à ceux qui expliquent que les attaques du Hamas n’ont jamais eu lieu (que c’est Israël qui a tout organisé), il y a un moment ou il faut arrêter, le groupe lui-même ayant revendiqué ces attaques.

Bien entendu là encore, on n’est pas obligé là encore d’adhérer (sans preuves) à tout ce qui se raconte dans les médias (les bébés dans le four). « La première victime d’une guerre, c’est toujours la vérité » disait Rudyard Kipling ; et dans la guerre de l’information que se livrent les pays/organisations en guerre, on sait les énormes mensonges pouvant parfois être proférés pour rallier les opinions publiques à sa cause (voir, entre autres, la fiole d’anthrax de Colin Powell à l’ONU, les charniers de Timisoara, les couveuses du Koweït).

De là à nier la tuerie et l’enlèvement de plus d’un millier de personnes …

Certaines organisations humanitaires (Amnesty International, Human Rights Watch) font un travail d’enquête plutôt honnête, en faisant l’effort de montrer les crimes de guerre des deux côtés (ceux du Hamas attaquant des civils, comme ceux de l’armée israélienne attaquant des hôpitaux). Et se font lyncher des deux côtés.

On vit dans une société qui préfère le buzz, le clash, les détails sordides et le parti pris plutôt que l’analyse des évènements (parfois complexe) et la recherche de la vérité (souvent non binaire).

Il me semble que quand on veut défendre le peuple, les peuples (ou le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes), on ne devrait prôner ni le racisme, ni le meurtre de civils, ni un quelconque fanatisme d’un côté ou de l’autre. C’est peut-être un vœu pieux, comme celui de croire que les Israéliens et les Palestiniens vivront un jour côte à côte et en paix.

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Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir

À propos de l'auteur Le Grand Soir

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