Habiller le corps : Alain Soral et l’école Pierre Fournier (2/2)

Habiller le corps : Alain Soral et l’école Pierre Fournier (2/2)

Alain Soral évoque pour nous ses débuts à Paris dans
l’avant-garde culturelle, lorsque les nouveaux mouvements
musicaux l’ont mené aux mouvements de mode. La
rencontre avec Pierre Fournier, styliste, modéliste et
détaillant qui a bâti le renom de ses magasins sur des
vêtements « anatomiques » fut décisive pour Alain Soral,
alors étudiant en dessin d’anatomie à l’école des Beaux-Arts..

***

Le spécialiste du vêtement Pierre Fournier est toujours actif à 80 ans
cette année. Ce doyen du style français masculin « intemporel » a
contribué très tôt à votre formation dans l’un de vos domaines de
prédilection, le vêtement. Il y a comme une connexion « platonicienne »
entre vos parcours : chez vous l’anatomie, puis le vêtement, puis la politique (progression du corps au corps social), et chez Pierre Fournier un travail sur le vêtement morphologique intemporel (recherche de stabilité totale) qui aboutit à la
fin de sa carrière à une enseigne réputée chez les puristes du monde
entier et qui s’appelle Anatomica. Pouvez-vous retracer les dates-clés de
cette rencontre ?

C’est tout un pan de ma vie dont je ne parle jamais. À Paris en 1976,
sans-le-sou, j’avais 18 ans, j’étudiais le dessin et l’anatomie à l’école des
Beaux-Arts, dans la tradition de Duchêne de Boulogne. Ma bande de
copains et moi-même étions dans l’avant-garde punk de la jeunesse de
l’époque, qui est devenue ensuite l’after-punk, à ne pas confondre avec
le mouvement punk anglais. En France, ce courant était davantage centré
sur la mode que sur la musique. L’after-punk était une révolte vitaliste contre le look avachi des babas. Baignant dans cette avant-garde
culturelle, j’ai rejoint le collectif En avant comme avant en 1978, et
Honneur de la peinture. Là se trouvait un certain Éric Deroo qui avait un
pied dans l’art contemporain et un pied dans la collection de vêtements
militaires anciens. Il avait été enfant de troupe et étudiant à Saint-Cyr.
Lui et Titus le Dandy s’étaient spécialisés dans le Militaria époque non
pas Premier Empire ni bleu Horizon comme la plupart des
collectionneurs, mais dans le Militaria taquin, époque « débâcle » : le
bidon tamponné, le jersey mai 40, ce genre de choses. Humour, art,
branchitude, Deroo était aussi un passionné de l’écrivain-soldat Louis-Ferdinand Céline, c’était un personnage intéressant. Il voyait que je
m’intéressais aux mouvements artistiques et aux sous-cultures, à tous les
soubassements qui président aux modes. C’est pour ça qu’il m’a un jour
présenté l’homme qui avait été son mentor sur le plan du vêtement
classique : Pierre Fournier.

Que produisait-il ?

À cette époque, aux alentours de 1978, Pierre Fournier tenait la
boutique Globe, rue Pierre-Lescot. Ce quartier, Les Halles, était le lieu du
foisonnement culturel de l’avant-garde française, lieu du premier café
Costes de Philippe Starck par exemple, lieu de toutes sortes de
connections transcourant en musique, cinéma, artisanat, peinture,
ameublement… et vêtement. Fournier vendait notamment des jeans 501
bruts avec une idée distinctive : il avait des machines à laver dans la
boutique pour effectuer le « stonewashing » sur place de manière à ce
que le client reparte avec son jean à sa taille, personnalisé en quelque
sorte. Encore auparavant, dès 1975, Fournier avait tenu avec son associée
près de la fontaine des Innocents la boutique Pandora, ainsi nommée en
référence au film Pandora de Levine avec Ava Gardner, grand film
esthétiquement. Ils étaient déjà dans la vogue rétro, qui avait
commencé vers 1972-73 puis qui s’est généralisée à partir de 1978 lors de
l’avènement de la new wave…


Puis c’est l’époque du magasin Hémisphères à partir de 1980…

Hémisphères était un magasin plus chic que branché, avenue de la
Grande-Armée. Un bel emplacement, un beau volume vaste et haut de
plafond, garni de boiseries, de miroirs et de belles cabines d’essayage
comme chez les tailleurs anglais. Là, Pierre est devenu davantage un
découvreur, un voyageur, un détaillant, qui est le terme exact de sa
profession. On trouvait par exemple chez lui les meilleures vestes
autrichiennes, les meilleures santiags. Chez lui vous trouviez des Lucchese
ou des Stallion, pas des Justin comme partout ailleurs ; des blousons
Schott, mais en cheval. Il repérait toujours le nec plus ultra de chaque
catégorie : des blousons de golf Catalina, des complets Chester Barrie,
des boucles de ceinture mexicaines en argent… Il voyageait autour du
monde et détectait les beaux vêtements pour le compte d’Hémisphères.


C’est là que vous devez comprendre la dualité radicale qui structure la
manière de penser le vêtement. Vous avez d’un côté la mode, plutôt pour
les femmes. Et de l’autre côté le vêtement, principalement masculin.
Avec d’un côté le féminin frivole, de l’autre le sérieux masculin. Ainsi,
plus il y a de mode, moins il y a de vêtement et plus il y a de vêtement,
moins il y a de mode… Là, on est dans les basiques, le fonctionnel,
l’intelligence, loin de la frime et de l’esbroufe, la belle et bonne
chemise (pourquoi ? comment ?), la belle et bonne chaussure, etc. D’où la
spécialisation de Pierre très tôt dans le vêtement de travail (peintre,
ouvrier d’usine, garde-chasse…) et le vêtement militaire (cavalier,
fantassin, tankiste, aviateur…). L’intelligence d’Hémisphères c’était cet
intégrisme et cette intégrité : oser se détacher de la mode, précisément
au moment où elle devenait toute-puissante avec les jeunes créateurs à la
Jean-Paul Gautier (dont soit dit en passant j’ai été le premier mannequin
télé avec Farida, autres temps, autres mœurs…). Choisir la recherche
discrète et profonde d’un certain indémodable au moment où il y avait tout à gagner à se jeter dans le mouvement contraire… Pierre a pris
d’instinct le contrepied de ce déferlement parce qu’il visait toujours le
sens, la fonction, l’intelligence de l’objet : pas la mode mais
l’indémodable. Plus tard lorsque j’ai officié comme professeur à l’école
ESMOD, j’ai vu ce monde de stylistes prétentieux qui croyaient avoir créé
parce qu’ils avaient fait de jolis dessins en couleurs… Il faut savoir qu’un
monde sépare le styliste de mode, du modéliste, technicien qui travaille
en matière et en volume, sur le corps, le réel. C’est ce côté-là, le côté
sérieux, je dirais intellectuellement viril, qui a séduit et passionné Pierre,
comprendre un vêtement, son pourquoi, son comment. Et le plaisir de
l’expliquer, comme quand il vous fait essayer une Alden anatomique
après vous avoir mesuré le pied selon ses dimensions nécessaires :
longueur, largeur et voute, soit la place de l’articulation du gros orteil…
Ou pourquoi un jean a-t-il des poches revolver plutôt que des poches
italiennes ou américaines comme dans un chino ? Pourquoi un blouson ?
Parce qu’il blouse… Qu’est-ce qu’un revers ? Un endroit retourné. Et
qu’est-ce qui détermine le cran d’un point de vue anatomique ? Le tour
de cou. Pourquoi des pinces anglaises plutôt qu’italiennes et
réciproquement ? Et là on sort totalement du frivole, du gratuit, du
bidon pour créateur débile et prétentieux, pour plonger dans le sérieux
de l’anatomie, du corps en mouvement, en fonction, très loin du pseudo-artiste, du côté de l’ingénieur…


Pierre, sans doute au départ d’instinct, a pris ce chemin de mesure, de
précision à rebours des modes, des tendances et il a tenu bon une
carrière entière, à contre-courant C’est pourquoi alors que la mode est
ce qui se démode et ses créateurs éphémères avec, lui est aujourd’hui
reconnu comme un maître, celui qui maîtrise son sujet : le vêtement.
Avec cet adage indémodable : seul ce qui est fonctionnel est beau, et le
beau, pour durer au-delà des modes, doit être fonctionnel. Et cette
beauté fonctionnelle est une dimension du bon et du bien, au-delà et au-dessus de toutes les fumisteries de la mode… Il suffit pour s’en convaincre
de regarder un défilé de créateur avec 30 ans de recul, voire même une
rétrospective Yves Saint Laurent avec honnêteté : à 90 % c’est du kitch. Il ne reste rien de pérenne. Même chose si on compare Chanel et
Schiaparelli, rivales dans les années 1930. La première est une modéliste,
elle travaille sur le corps avec des ciseaux, rien de spectaculaire mais du
durable, elle reste, elle est toujours là. L’autre fait du surréalisme sur
chiffon, elle ajoute du gri-gri d’avant-garde sur du vêtement non pensé,
et ça finit en gag, en démodé…

En somme Pierre Fournier vous a apporté une lecture concrète du
vêtement qui complétait votre goût pour la théorie et les soubassements
conceptuels ?

On peut dire ça. Les premières années, à Paris, je chinais les vêtements
aux puces, pour me constituer des looks : officier de marine, curé… sans
le savoir qu’il faut pour juger de leur qualité. Pour moi, comme pour tout
le monde, un costume était un costume, une chemise, une chemise, une
chaussure, une chaussure. C’est Pierre le premier qui m’a montré la
différence entre une belle chaussure anglaise et un écrase-merde, une
Alan Mcafee en 11 C et une Weston taille 43 (soit le chaussant français
lourd et large pour gros pieds). Son truc à lui, sa religion, c’est la Alden,
la chaussure américaine fonctionnelle, inusable et belle : la cordovan
anatomique !






Pour reprendre au début, il possédait un appartement qui n’était pas son
lieu d’habitation, mais le sanctuaire de sa collection. Cette caverne d’Ali Baba se situait rue Ferdinand-Duval dans le IVe, à côté du fameux
restaurant « Chez Jo Goldenberg » de sinistre mémoire… Le dimanche
soir Pierre nous invitait parfois Éric Deroo, moi et très peu d’autres,
dans un but pédagogique, à examiner les pièces rares qu’abritait ce lieu
d’émerveillement pour moi. Un lieu entièrement rempli de housses sur
des portants et de boîtes empilées jusqu’au plafond. Il vous sortait d’une
housse un manteau blanc en vigogne des années 1950, un costume Chester
Barrie, un Aquascutum, des macs, des trenchs Burberry’s de la bonne
époque : raglan rond, tissu moiré « gorge-de-pigeon », des choses conçues, pensées et finies jusque dans les moindres détails pour servir le
corps, l’élégance, la fonction… Des chaussures américaines en tortue, en
requin, dessinées comme des voitures de sport, des paires de Jodhpurs à
vous donner envie d’acheter un canasson, des chukka boots en daim
orange, des vrais mocassins montés à l’indienne… Des pièces dont nous
n’avons plus idée aujourd’hui. J’ai appris comme cela la belle et vraie
fringue… Et quelques années plus tard quand je me suis intronisé
professeur de sociologie du vêtement à ESMOD, cet apprentissage
concret, indispensable, je l’ai joint à mon penchant – peut-être mon don –
pour le concept, pour écrire mon manuel de cours (NDLR : La Création de
mode
, 1986, rééditions Kontre Kulture). Sachant que j’avais déjà
publié le best-seller Les Mouvements de mode expliqués aux parents
en 1984, livre collectif dont j’avais écrit la plupart des pages, sans trop
penser à tirer la couverture à moi…


Quelle est aujourd’hui l’actualité de ces vêtements de qualité que l’on
peut appeler « anatomiques » ?

Quand on réfléchit bien à ce qu’anatomique veut dire, même un simple
jean’s bien coupé est un vêtement anatomique, puisque c’est une
cotonnade « seconde peau », sans pinces, qui doit coller au bas du corps
sans l’entraver. Donc la ceinture posée sur l’os du bassin devant, mais
montant derrière, pour ne pas avoir le sourire du plombier quand on
s’assoit, et au raz des couilles pour l’entrejambe, pour ne pas entraver la
marche… Il n’y a rien de plus difficile que de réussir un jean’s, je m’en
suis aperçu quand je m’en suis fait faire sur mesure… Et Pierre d’ailleurs,
pour ne pas avoir compris à quel point ce pantalon doit être anatomique,
en a raté plus d’un (en leur donnant toujours trop de fond), je le sais pour
les avoir tous achetés ! En réalité, aucun créateur de vêtements, pour
ne pas dire de mode, n’est créateur au sens où les modeux l’entendent.
Pour l’essentiel, il reprend, il modifie, il améliore, il n’invente rien radicalement. La propriété artistique revient toujours à l’histoire, à la
filiation, au génie collectif. Un spécialiste avec qui je discutais à l’époque
où ça me passionnait (je ne sais plus si c’est Pierre ou Benoît Barterotte)
m’avait dit et démontré que le XXe siècle avait inventé en tout et
pour tout quatre vêtements nouveaux. Ce que d’ailleurs je démontre dans mon
livre de cours, toute création est en fait : combinaison, transposition,
adaptation, etc. Et ce qu’il faut pour perpétuer tout ça, ce génie
collectif qui court sur des générations, ce ne sont pas des stylistes, des
péteux qui font des jolis dessins, mais des gens qui connaissent
l’histoire du vêtement, le pourquoi, le comment : des modélistes, des
détaillants, des passionnés spécialistes comme cette autre figure du beau
fringue qu’est Stéphane, de la place du Docteur-Félix-Lobligeois (je ne sais pas s’il officie toujours), rival de Fournier à qui j’achetais déjà des chaussures de la marine américaine aux puces de Saint-Ouen aux débuts des années 1980, et chez
qui j’ai trouvé plus tard mes plus belles Haris Tweed et Irish Tweed 12 fils, mais c’est un autre chapitre !



Bref, toujours privilégier le savoir-faire au faire savoir. Tout ça reste
quand même un truc d’initiés, ça ne s’achète pas, ça demande du temps,
des rencontres, de la passion, comme toutes les choses sérieuses ça passe
par une initiation !

Pierre Fournier avait aussi été le premier en Europe à vendre des
trouvailles de voyage à l’étranger qui ont ensuite été reprises partout…

Oui. À la marge de sa recherche du basic, du pérenne et du permanent,
il est le premier à avoir vendu des Birkenstocks par exemple, le premier à
avoir vendu des Wallabees, marque rachetée ensuite par Clarks. Il a
toujours été pionnier pour dénicher les marques de l’avenir : North Face,
Nike, Vans, c’était en premier chez lui… Il a aussi replacé dans notre
époque le vêtement de travail classique. Les hipsters des années 1970
qu’on n’appelait pas encore les branchés, portaient du Adolphe Lafont : velours côtelé, cuir passepoilé, veste d’architecte en toile noire, tenue de
charbonnier, etc. Mais cette excellente maison, stupidement, a tout
sabordé en essayant de « faire jeune » parce que ces vêtements de travail
classiques devenaient à la mode… Catastrophe ! Starck aussi, le malin,
a essayé d’atteindre à l’indémodable du basic avec ses « chemise-chemises » vendues au catalogue de La Redoute, mais il n’y connaissait
rien, il s’est planté. L’idée était bonne, mais il aurait dû engager
Fournier ou moi pour ce travail. On peut être bon designer, mais passer
d’un domaine à l’autre ne s’improvise pas. Une chemise c’est un nombre
de paramètres qu’on n’imagine pas : le pied de col, la forme du col,
l’emmanchure, le boutonnage, le poignet, la qualité du coton, pans
arrondis ?, pinces ou pas pinces ? Toujours le comment et le pourquoi…
Tout se pense et tout est sujet à possible erreur…



D’ailleurs, avez-vous conseillé des maisons de vêtement ?

Parfois. Par exemple Benoît Bartherotte, qui dirigeait la maison Esterel,
m’avait engagé pour produire une série de basiques : la canadienne
basique, le caban basique, le blazer basique… Des vêtements intelligents,
indémodables, qui se vendaient non pas avec un mannequin en vitrine
mais avec un petit livret pédagogique, qui expliquait pourquoi le cran se
trouve à tel endroit, pourquoi le revers a cette largeur, pourquoi des
poches droites ou en biais… Jonction du fonctionnel et de l’élégance
discrète. Cela me passionnait mais je ne pouvais pas en faire mon métier
à cause du type de gens qui pullule dans ce métier et de la mentalité qui
y prévaut. Alors tout ce savoir que j’ai accumulé, au lieu d’en faire une
marque, un commerce, je m’en suis servi pour faire fabriquer mes
propres vêtements chez les différents tailleurs avec qui j’ai travaillé :
Nora, Rovito, Feruck, Djay et un ou deux autres moins connus de la rue de
Bièvre et de Lévis… Cela me suffit, même si ça m’a souvent coûté plus
que mes économies ! Charles d’Angleterre est hyper pointu en chic anglais classique, je ne lui ai jamais vu faire une faute de goût,
(regardez ses photos des années 1970 en pleine débandade hippie), pour
nous, dans le genre, c’était un modèle, pourtant il ne lui serait jamais
venu à l’idée d’en faire commerce… Il y a l’élégance, le beau fringue, et puis… et puis le schmattes.


À quoi sert le vêtement masculin ?

Un connaisseur m’a dit un jour que le vêtement c’est pour paraître plus
beau qu’on est. Il suffit de regarder comment est habillé Cary Grand dans
les films d’Hitchcock ou Sean Connery dans les premiers James Bond,
voire, plus près de nous, Philippe Noiret ou, plus discrètement, Yves
Montant, qui a toujours su s’habiller, pour s’en convaincre… Se sentir à
l’aise et avoir de l’allure… pour plaire aux femmes ! C’est la motivation
première, même si on s’en détache progressivement pour rivaliser avec
les concurrents, un peu comme dans le concours de cartes de visites
d’American Psycho, scène d’anthologie !… La course au
vêtement peut rendre fou ! C’est pourquoi j’ai un peu lâché…
Chez la femme, le vêtement m’intéresse moins. Quand on est hétéro – le
vêtement féminin est surtout une affaire de pédé – ce qu’on veut voir
chez la femme c’est la réalité sous l’habillage, le maquillage : la vérité
du corps… Le reste, talons, balconnets, décolletés… c’est ce que
Schopenhauer appelle le « coup de théâtre », l’arnaque de départ pour
nous faire plonger… Il y a toujours dans le vêtement de femme cette
dimension de racolage comme dans le rouge, comme un rouge à lèvre, des
semelles Louboutin (un ancien de la bande du cours Berceau). Rien à voir
avec le fonctionnel du vêtement masculin, fait pour courir, se battre,
rouler à moto sous la pluie dans un Barbour international ou une Belstaff !


Anatomica a une seule boutique en France mais quatre au Japon.
Comme souvent en France, ce sont les étrangers qui comprennent le
mieux qui nous sommes et ce que nous faisons, souvent pour en profiter,
hélas : ainsi du scientifique Poincaré, de l’économiste Bastiat, du
cinéaste Méliès… Les gloires nationales sont souvent ignorées chez elles.
Nul n’est prophète en son pays ?

Les Japonais sont ceux qui ont le mieux compris la démarche de Fournier.
Ce sont eux les spécialistes mondiaux du sportswear américain des années
d’après-guerre qui constituait le sommet des vêtements pour hommes
fonctionnels de série, le fameux prêt-à-porter. Eux qui, dès les années
1980, ont racheté les machines américaines abandonnées par les
Américains et qui permettaient de produire cette qualité. Si vous voulez
acheter un beau jean’s, un beau blouson copiés des modèles américains
des années 1950 aujourd’hui, c’est vers les Japonais qu’il faut
vous tourner, mais il faut y mettre le prix ! Sinon il y a Uniqlo, qui est
dans le même esprit et à petit prix ce qu’il y a de mieux.


En tant qu’amateur de vêtement, vous êtes resté fidèle à Pierre Fournier ?

Tant que j’étais en France, oui. De la fin des années 1970 aux années
2015, je suis allé régulièrement, au moins une fois par mois, en
pèlerinage dans ses boutiques, d’abord Globe, puis Hémisphères puis
Anatomica (magasin qui comporte trois niveaux de sous-sol réservés aux
initiés), histoire de voir ce qu’il avait de nouveau, acheter au moins une
pièce et prendre un café avec lui… Des Alden, je dois bien en avoir 20 paires… Et chaque fois, Pierre s’astreint au rituel de te remesurer les
pieds, gauche et droit, avec le Brannock, pour vérifier que tu fais toujours
un 11C (les puristes ne comptent jamais en 41, 42, 43… ça c’est pour les
pantoufles !). En vêtement, j’ai régulièrement acheté chez lui ses vrais
Shetlands ras du cou, sans raccord, modèle « Himalaya », tricotés à la
main avec des aiguilles courbes, introuvables aujourd’hui. Et si Hémisphères a fini par péricliter, c’est parce que le Sentier le copiait en
plus pourri mais moins cher. On se voyait même à Biarritz avec nos
épouses quand il y venait en vacances et que j’y résidais. C’est lui
d’ailleurs le premier qui a vendu à Paris les pièces de cuir, ceintures et
portefeuilles cloutés de chez Laffargue de Saint-Jean-de-Luz… Même le
douk-douk que je porte toujours sur moi et que vous pouvez trouver sur
Au bon sens, ou les navettes Mongin, c’est par Pierre et chez Pierre que
je les ai d’abord découverts. Quand on pousse la logique jusqu’au bout, il
faut aussi le bon couteau !


Propos recueillis par Lounès Darbois

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Premières télés, premiers défilés

Tout savoir sur la création de mode avec Alain Soral !

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Source: Lire l'article complet de Égalité et Réconciliation

À propos de l'auteur Égalité et Réconciliation

« Association trans-courants gauche du travail et droite des valeurs, contre la gauche bobo-libertaire et la droite libérale. »Égalité et Réconciliation (E&R) est une association politique « trans-courants » créée en juin 2007 par Alain Soral. Son objectif est de rassembler les citoyens qui font de la Nation le cadre déterminant de l’action politique et de la politique sociale un fondement de la Fraternité, composante essentielle de l’unité nationale.Nous nous réclamons de « la gauche du travail et de la droite des valeurs » contre le système composé de la gauche bobo-libertaire et de la droite libérale.

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