Dissonances sionistes
11 novembre 2023 (13H20) – Depuis trois jours et après lecture de ce texte de Douguine, j’avais l’idée de le republier, – ce qui est fait, me dira-t-on, mais j’ajouterais que c’est avec une curieuse concordance avec un évènement directement lié à la crise de Gaza.
Je donne rapidement les éléments assez simple de cet événement, qui est simplement une déclaration simple du président turc Erdogan. Je pense qu’elle frôle la très-grande question du sionisme, des rapports du sionisme avec le judaïsme, – dont il est, selon Douguine « à la fois la continuation et la réfutation ». Plus loin, Douguine conclut, après avoir exposé l’histoire des origines du sionisme par rapport à la stricte obédience de la tradition juive, ceci qui est comme un miroir juif du grand combat entre la Tradition primordiale et la modernité :
« …Ainsi, un environnement intellectuel fut créé [au XVIIème siècle] pour le sionisme. Le sionisme est le satanisme juif, le satanisme à l’intérieur du judaïsme, chamboulant toutes ses fondations. Si dans le judaïsme on doit attendre la venue du Messie, alors dans le sionisme un Juif est déjà Dieu. Cela est suivi par des violations des commandements talmudiques. »
Un simple mot d’Erdogan
Revenons à Erdogan qui, pour le coup, nous fait une déclaration d’une simplicité biblique, – quel meilleur choix de qualificatif ? – recouvrant l’extraordinaire complexité de l’histoire des millénaires des religions et de la Tradition confrontés à la modernité, laquelle complexité semble donc avoir toute sa place dans la crise de Gaza. Pour une fois, Erdogan n’est ni emphatique, ni manœuvrier et habile-menteur, ni démagogue naviguant entre la ruse et la traîtrise. Il est simple à propos d’une référence « pleine de bruit et de fureur » qui nous concerne tous, que nous le voulions ou non, parce qu’elle concerne comme je l’ai dit l’immense bataille en cours entre Tradition et Modernité. C’est l’honorable source-satanique ‘SputnikNews’, des amis russes du monstre-Poutine qui nous en informe, depuis hier soir et le retour d’Erdogan en Turquie
« Le secrétaire d'État américain Antony Blinken a commis “la plus grosse erreur” en invoquant son ascendance juive à son arrivée à Tel-Aviv le mois dernier, a déclaré jeudi le président turc Recep Tayyip Erdogan.
» Le 12 octobre, M. Blinken est arrivé à Tel-Aviv et a tenu une conférence de presse conjointe avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. M. Blinken a déclaré qu'il était venu dans le pays “non seulement en tant que secrétaire d'État américain, mais aussi en tant que juif"-”.
» “Blinken a commis la plus grosse erreur dès le départ, [en disant]. ‘Je me présente devant vous […] en tant que juif’, – en retour, vous obtenez 1,5 million de personnes à un rassemblement à Istanbul”, a déclaré Erdogan aux journalistes à son retour du sommet de l'Organisation de coopération économique (OCE) à Tachkent. »
Dans cette courte déclaration, on se demandera qui est le plus sot et qui est le plus lucide, de Blinken et d’Erdogan, – et au-delà, qui est la Modernité et qui est la Tradition. On aura compris l’inévitable réponse, la même pour les deux, qui fait l’intérêt de la déclaration du président turc autant que la sottise absolument et résolument américaniste-moderniste du secrétaire d’État.
Douguine pédagogue
J’avais un ami, juif dont sa famille ou une partie de sa famille résidait en Israël, avec un père ingénieur semble-t-il proche des structures de l’armée, – donc sioniste en apparence ou en puissance. L’ami, lui, était un grand admirateur et connaisseur de Guénon avec une connaissance encyclopédique de la métaphysique ; si je vous dis qu’il me sembla toujours très proche du catholicisme le plus traditionnel, vous ne devrez pas être étonné. Bref, une espèce rare !
Il nous avait, à moi, et quelques autres amis, beaucoup expliqué à propos du “frankisme” comme un des courants opérationnels conduisant au sionisme, avec des précisions, qui sont intéressantes dans le cadre de la remarque d’Erdogan, et notamment sur le fait que ce courant avait largement influencé ou pénétré le mouvement laïque de la Turquie “moderne” de Mustapha Kemal Ataturk (lequel n’est pas, il me semble, un très grand ami d’Erdogan)… Faites de cela ce que vous voulez, moi je n’irai pas plus loin après vous avoir indiqué certaines sources de très sommaires connaissances dans mon chef qui ont resurgi à la lumière des évènements. Pour l’essentiel, Douguine se charge d’être bien plus et bien mieux pédagogue.
Il reste que le peu d’intérêt “opérationnel” (pour mon travail, pour ma pensée), que j’éprouvais pour cet épisode tend évidemment à se transformer aujourd’hui que cette énorme problématique se révèle être au cœur de l’actualité même la dernière en date des “crises” de la GrandeCrise., – ainsi nous-mêmes plongés directement dans la métaphysique historique et politique en grillant l’histoire et la politique au jour le jour Ainsi, la conclusion du texte de Douguine, – qui est écrit/publié le 14 juin 2018, cela est important à préciser, – me serait apparu comme convenue et simplement théorique quoiqu’assez bien rendu dramatique par l’âme slave, en 2018, lorsqu’il fut écrit… On cite les deux derniers paragraphes :
« Comment peut-on apaiser un conflit avec des racines métaphysiques aussi profondes par des appels à l’ONU, par des phrases comme “réconciliez-vous” ou “observez les droits de l’homme” ? Dans le conflit palestinien, ils ont dédaigné depuis longtemps ces droits humains. De plus, nous entendons des déclarations de plus en plus absurdes venant d’eux – par exemple, accuser d’antisémitisme des gens qui défendent en réalité les Palestiniens sémites.
» Si nous sortons de l’hypnose, du brouillard de la bêtise, et de fragmentation postmoderne de la conscience, nous verrons une image très étrange et terrifiante de ce qui est en train de se passer au Moyen-Orient. »
Mais aujourd’hui, par contre ! Nos querelles de clocher et de plateaux-TV monstrueusement gonflées jusqu’à l’ampleur catastrophique de la Deuxième Guerre mondiale, autour de l’“antisémitisme” et de l’“antisionisme”, avec des docteurs de la foi bien côtés dans les hit-parades médiatiques et les petits papiers des ‘fastchekers’, quelle pathétique dérision ! Qui peut prétendre, dans cette bouillie de chat, se trouver à la hauteur d’un commencement de réalisation des évènements qui nous emportent, aveugles et hallucinés ?
Mais je vous laisse ici car il se fait tard… Lisez Douguine et sachez simplement que ma conclusion, pour mon compte, à cette lumière des siècles et des :millénaires, est bien que non seulement rien n’est joué mais que tout commence à peine à se mettre en place pour “être en train de se jouer”. Certes « Dieu ne joue pas aux dès », mais c’est parce qu’Il nous réserve un autre jeu où la partie ne fait que commencer.
PhG – Semper Phi
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L’essence du sionisme
Le sionisme est l’idéologie d’Etat d’Israël. Pourquoi les Juifs croient-ils qu’ils sont le people élu ? Quelle est la signification de la diaspora juive comme tradition juive ? Pourquoi le sionisme est-il, d’une part, une continuation du judaïsme, et d’autre part, sa réfutation ?
Comme toute religion, le judaïsme a de nombreuses dimensions. En parler d’une manière simpliste, pour le louer ou le condamner, est primitif.
Le judaïsme est lié à la croyance que les Juifs sont le peuple élu (principalement dans un sens religieux). Leur but est d’attendre le Messie, qui sera le Roi d’Israël. Ainsi, leur religion est associée à l’attente du Messie.
D’après le judaïsme, au début du premier millénaire, les Juifs partirent dans la diaspora. Le Second Temple fut détruit, marquant le début d’une histoire bimillénaire de leur dispersion. Cette ère fait partie de la tradition juive. Le but est d’expier les péchés d’Israël accumulés durant les précédentes périodes historiques. Si cette expiation est sincère et la repentance profonde, alors d’après la tradition juive le Messie apparaîtra, signifiant la bénédiction du peuple élu. Dans ce cas, le retour des Juifs en Israël, l’établissement d’un Etat indépendant, et la création du Troisième Temple s’ensuivra.
C’est la structure de la culture juive de l’attente. Les représentants les plus cohérents de cette approche sont les fondamentalistes du mouvement Neturei Karta. Ils disent que le Dieu juif leur a ordonné d’endurer les souffrances de l’exil, et donc il faut attendre la fin et se repentir de ses péchés. Et quand le Messie viendra, on pourra revenir dans la Terre Promise.
Comment se fait-il que l’Etat ait déjà été établi et que des interdictions aient été violées ? Pour comprendre que l’Israël moderne est en complète contradiction avec la religion juive, il faut revenir au XVIIe siècle, à l’époque du pseudo-messie Shabbataï Tzvi, le héraut du sionisme. Il affirma qu’il était le Messie, et donc que les Juifs pouvaient retourner en Israël. Le sort de Shabbataï Tzvi est triste. Lorsqu’il arriva devant le Sultan ottoman avec des revendications sur la Palestine, il se vit donner un choix : soit être décapité, soit se convertir à l’islam. Alors quelque chose d’étrange se produisit : Shabbataï Tzvi se convertit à l’islam. A cette époque, ce fut une déception majeure pour les communautés juives.
Cependant, des adeptes de Shabbataï Tzvi (le sabbataïsme) apparurent – ses enseignements se répandirent particulièrement parmi les Juifs ashkénazes et d’Europe de l’Est. Le mouvement hassidique se développa parallèlement, qui n’avait aucune orientation eschatologique ou messianique mais qui disséminait les enseignements kabbalistiques parmi les gens ordinaires.
Dans certaines sectes sabbataïstes (en particulier parmi les “frankistes” en Pologne), une théologie surgit : supposément, Shabbataï Tzvi était le véritable Messie et était délibérément passé à l’islam ; ainsi, il avait commis une « trahison sacrée » (il avait trahi le judaïsme pour hâter la venue du Messie).
Par une telle logique, on peut facilement se convertir à d’autres religions. Jacob Frank, par exemple, se convertit d’abord à l’islam, puis au catholicisme, arguant que les Juifs dévoraient les enfants chrétiens. Il viola complètement toutes les formes du talmudisme et trahit sa foi – mais la doctrine secrète de Frank suggérait qu’après le XVIIe siècle, la notion même de Messie avait changé. Maintenant, ce sont les Juifs eux-mêmes qui devenaient [collectivement] le Messie – il n’y avait pas besoin de l’attendre, donc même si vous trahissez votre religion, vous êtes saint – vous êtes Dieu.
Ainsi, un environnement intellectuel fut créé pour le sionisme. Le sionisme est le satanisme juif, le satanisme à l’intérieur du judaïsme, chamboulant toutes ses fondations. Si dans le judaïsme on doit attendre la venue du Messie, alors dans le sionisme un Juif est déjà Dieu. Cela est suivi par des violations des commandements talmudiques.
Cela conduit à des relations spécifiques entre le sionisme et le judaïsme. D’une part, le sionisme est une continuation du judaïsme ; d’autre part, il est sa réfutation. Les sionistes disent qu’il n’y a plus besoin de se repentir de quoi que ce soit ; ils ont suffisamment souffert, et ils sont Dieu.
Cela explique la particularité de l’Etat sioniste moderne, qui mise non seulement sur Israël mais aussi sur les Juifs laïcs, les libéraux juifs, les communistes juifs, les capitalistes juifs, les chrétiens juifs, les musulmans juifs, les hindous juifs, etc., qui représentent tous le réseau du frankisme – chacun d’eux peut confortablement commettre une trahison sacrée, construire un Etat, affirmer leur domination mondiale, et établir une interdiction de critiquer le sionisme (dans certains Etats américains, critiquer l’Etat d’Israël est identifié à de l’antisémitisme).
La seule étape qui leur reste à faire est de faire sauter la Mosquée Al-Aqsa et de commencer la construction du Troisième Temple. Soit dit au passage, des fonds pour l’étude du Mont du Temple ont déjà été alloués par la Knesset – tout se dirige dans cette direction.
Comment peut-on apaiser un conflit avec des racines métaphysiques aussi profondes par des appels à l’ONU, par des phrases comme « réconciliez-vous » ou « observez les droits de l’homme » ? Dans le conflit palestinien, ils ont dédaigné depuis longtemps ces droits humains. De plus, nous entendons des déclarations de plus en plus absurdes venant d’eux – par exemple, accuser d’antisémitisme des gens qui défendent en réalité les Palestiniens sémites.
Si nous sortons de l’hypnose, du brouillard de la bêtise, et de fragmentation postmoderne de la conscience, nous verrons une image très étrange et terrifiante de ce qui est en train de se passer au Moyen-Orient.
Alexandre Douguine
Le 6 juin 2018, re-publié le 10 novembre 2023
Source: Lire l'article complet de Dedefensa.org