Pour dénoncer les dérives de X (ex-Twitter), un collectif lancé par Tristan Mendès France, Julien Pain et Rudy Reichstadt (directeur de Conspiracy Watch) a initié, dans une tribune publiée sur le site du Monde, une « journée sans tweets » vendredi 27 octobre, date du premier anniversaire de la prise de contrôle du réseau social par Elon Musk. L’excentrique milliardaire a, en quelques mois, transformé l’oiseau bleu en un véritable cloaque informationnel. Sous couvert de défense de la liberté d’expression, les contenus mêlant désinformation, apologie du terrorisme, pédopornographie ou incitation à la haine y pullulent, bien aidés par les algorithmes et l’absence d’une modération digne de ce nom. Une situation qui « ouvre la porte à la propagation de fausses informations, au harcèlement et à la division » rappellent les signataires de la tribune, librement accessible ici.
Sans surprise, ce #NoTwitterDay a rendu la complosphère francophone folle de rage. Les habituels marchands de doute se sont rangés en ordre de bataille pour défendre le soldat Musk. Ironiquement, leur mode opératoire a mis en évidence les problématiques pointées par la tribune : campagne de cyberharcèlement, attaques ad hominem, diffamations, incitations à la haine, menaces et diffusion massive de fausses informations. Tour d’horizon.
Défendre Elon contre vents et marées
Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout La France (DLF), rappelle son « attachement à la liberté retrouvée sur X » et souhaite faire du 27 octobre la « journée de la liberté d’expression ». Béatrice Rosen, chroniqueuse à TPMP, acquiesce : « Ces petits censeurs propagandistes veulent faire taire toute pensée dissidente. » Rappelons qu’en décembre 2022 Elon Musk avait suspendu de nombreux comptes de journalistes qui s’étaient avisé de le critiquer. Free speech, quand tu nous tiens…
Peu importe, pour Ivan Rioufol, comme pour l’immense majorité des désinformateurs francophones, il est « urgent de défendre X de ceux qui veulent sa mise au pas ». Dans cette optique, Idriss Aberkane entend bien « commémorer le 27 octobre », date de « la libération de ce réseau ». Fabrice Di Vizio préfère quant à lui témoigner sa reconnaissance au milliardaire en créant un hashtag #ThankYouMusk. Ailleurs sur la plateforme, le propriétaire de Tesla est carrément déifié : « @elonmusk a dit « Que la liberté d’expression soit » Et la liberté d’expression fut. » Amen.
Organiser la riposte
« Nous sommes confrontés à une campagne de harcèlement ciblé dirigée contre @elonmusk, encourageant un boycott de X (anciennement Twitter) afin de nuire aux finances de cette entreprise et d’atteindre son président, avec le hashtag #notwitterday », croit pouvoir affirmer le vidéaste complotiste Marcel D, soudain très impliqué dans le respect des bonnes pratiques numériques. « Il est impératif d’avertir @elonmusk de cette attaque en France », ajoute-t-il, oubliant, par la même occasion, qu’il fut parmi les premiers à relayer le hashtag #JeanMichelTrogneux, point d’orgue du harcèlement transphobe dont a été victime Brigitte Macron.
« Nous aimons le vent de liberté qui souffle sur X-Twitter depuis l’arrivée d’Elon #Musk, alors le 27 octobre on fera au contraire plus de bruit que jamais sur ce réseau », martèle Florian Philippot. Le souverainiste – qui ne voit aucun problème à défendre les intérêts d’une entreprise américaine ne respectant pas ses obligations au regard de la loi française – en profite pour lancer un nouvel hashtag : #ViveX.
Attaques ad hominem
Un appel peu suivi, contrairement au hashtag #RudyKissMyAss, mot d’ordre lancé par le compte ordurier et complotiste Zoé Sagan, en référence à Rudy Reichstadt, l’un des initiateurs de la tribune. « Si vous faites monter le hashtag #RudyKissMyAss en top tendance pendant 3 jours vous pouvez me demandez ce que vous voulez pendant un an » promet à ses 129 000 abonnés ce compte géré sous pseudonyme. Aussitôt dit, aussitôt fait.
« La journée #notwitterday s’est métamorphosée en journée #rudykissmyass, se révélant ainsi être la meilleure journée de l’année », se félicite Marcel D. « C’est une œuvre de service humain de tweeter le #RudyKissMyAss » jubile Bertrand Scholler. D’autres, à l’instar de Salim Laïbi ou Antoine Cuttitta, se contentent de copier-coller le hashtag. Résultat : probablement l’une des campagnes de cyberharcèlement les plus massives de l’année 2023 sur la plateforme de microblogging.
Les autres signataires de la tribune en ont également pris pour leur grade. Mèmes, insultes, montages vidéo… la panoplie est large. Dans sa dernière vidéo, Florian Philippot explique comment « Elon Musk terrasse les fact-checkeurs ». Quant à l’influenceuse Tatiana Ventôse, elle qualifie les signataires de la tribune de « demeurés finis ». Régis de Castelnau, lui, préfère les termes de « guignols, imposteurs, délinquants et désinformateurs ». Les goûts, les couleurs…
C’est un complot !
Et si ce #NoTwitterDay n’était, au final, qu’un complot fomenté par le Deep State ? C’est en tout cas l’hypothèse qu’avancent Alexandre Juving-Brunet ou Christian Combaz, alias Campagnol. Ce dernier reproche à Rudy Reichstadt d’être « l’instrument minuscule, lilliputien, picrocholin d’une hydre américaine qui [lui] a fait passer en urgence cette consigne pour le 27 ». Dans son esprit, l’initiative franco-française est « issue de ce que le Deep State américain a de plus fétide ». Même son de cloche chez Zoé Sagan, qui qualifie l’initiative d’« opération téléguidée par le pouvoir profond (et Thierry Breton) ».
« Certes, le #NoTwitterDay bénéficie déjà d’un effet Barbara Streisand, mais je crains que la factcheckosphère fasse passer ce hashtag potache pour du harcèlement et se victimise pour justifier de nouvelles restrictions, préparées avec leur complice Thierry Breton » redoute quant à lui Jérémie Mercier.
Source: Lire l'article complet de Conspiracy Watch