L’auteur a été député du BQ de 1993 à 1997.
C’est avec enthousiasme que j’ai salué, en 1990, l’arrivée du Bloc québécois dans l’arène fédérale. Depuis mon arrivée au Québec, en 1974, je trouvais contradictoire de toujours voter souverainiste à Québec et fédéraliste à Ottawa. En 1992, j’ai voté pour le « non » lors du référendum sur l’entente de Charlottetown.
Au début de 1993, j’ai été sollicité par mes amis Bernard Landry et Fernand Daoust pour me porter candidat aux élections fédérales sous la bannière du BQ. À titre de militant syndical à la FTQ et de président du Conseil chilien du Québec, je pense que j’étais un candidat intéressant pour le BQ. Cependant, je souhaitais me présenter dans une circonscription où j’avais des chances de gagner. Le seul comté disponible à l’époque était celui de Bourassa, à Montréal-Nord. Le président de l’association locale du BQ et un Québécois d’origine haïtienne très impliqué dans sa communauté avaient toutefois déjà posé leur candidature. Finalement, j’ai gagné l’investiture lors d’une assemblée à laquelle assistaient plus de 700 membres du parti, dont plus de la moitié étaient issus de l’immigration.
J’ai amorcé immédiatement ma campagne électorale dans Bourassa. J’étais le seul candidat réfugié et néo-Québécois en position de gagner les élections et mon principal adversaire, Denis Coderre, a commencé à s’inquiéter.
Le jour des élections est arrivé. Vers 20 h 45, le 25 octobre 1993, Bernard Derôme a prononcé sa phrase traditionnelle: « Si la tendance se maintient, Radio-Canada annonce que le prochain gouvernement sera Libéral et obtiendra une majorité absolue ». Il annonce également qu’au Québec, le parti vainqueur était le BQ. Cependant, dans mon comté de Bourassa, régnait une grande confusion, puisque Denis Coderre et moi étions tour à tour déclarés élus. Une heure après minuit, se produit une erreur attribuant 125 voix qui m’appartenaient au NPD. Nous avons immédiatement demandé une correction au moment où Denis prononçait son discours de victoire. Ce n’est que vers 3 heures du matin que j’ai été déclaré vainqueur par une courte majorité de 67 voix. Denis Coderre a immédiatement demandé un recomptage des votes, administratif d’abord et ensuite judiciaire, soit un recomptage vote par vote. Ma majorité a été réduite à 54 voix. Plusieurs votes marqués FTQ ont été annulés. Ce processus a duré plus de trois semaines.
J’ai donc été le dernier à prêter serment obligatoire à la reine Elisabeth II, reine d’Angleterre et du Canada, bien que je voulais prêter une autre sorte de serment. J’ai toujours été très critique à l’égard des monarchies, d’autant plus qu’il agit, dans ce cas, d’une reine ou d’un roi étranger, un système archaïque et antidémocratique.
À l’âge de 54 ans, je suis ainsi devenu la première personne d’origine chilienne et latino-américaine à être élu député au Canada, tant au niveau provincial que fédéral. Depuis lors, le chiffre 54 revêt une connotation affective et importante si l’on ajoute que ma victoire signifiait l’élection du 54e député du BQ, ce qui a permis à mon parti de devenir l’opposition officielle à la Chambre des communes, sur le Reform Party qui n’avait fait élire que 53 députés.
Au sein de la FTQ comme parmi les Chiliens et Latino-américains, la satisfaction était évidente. La nouvelle s’est répandue rapidement au Québec, au Canada et au Chili. J’ai reçu de nombreux appels de félicitations d’ici et d’ailleurs. Certains journalistes étrangers ne connaissaient pas ni l’existence du BQ ni celle du mouvement souverainiste. D’ailleurs, au cours de mon mandat, les ambassadeurs latino-américains m’appelaient « notre député » et demandaient à me rencontrer.
J’étais très satisfait des résultats de ces élections qui constituaient l’aboutissement de beaucoup d’efforts, de sacrifices, de détermination et de persévérance. J’étais heureux de pouvoir servir, pendant quatre ans, la population de Montréal-Nord, surtout les gens les plus démunis de la société. J’ai beaucoup apprécié ma nomination par notre chef, Lucien Bouchard, comme porte-parole de l’opposition officielle en matière de citoyenneté et immigration. Aussi, à titre de député, j’ai eu la possibilité de défendre les intérêts du Québec à Ottawa, de faire avancer la noble cause de la souveraineté du Québec et d’œuvrer pour une société plus juste, égalitaire, inclusive et solidaire. Trente ans après, je me souviens toujours du 25 octobre 1993, une date historique pour le mouvement souverainiste et pour moi.
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