Bertrand Badie est un universitaire français spécialiste des relations internationales, qui a fait l’essentiel de sa carrière (enseignement et recherche) à Sciences Po. Interrogé sur LCI le jour de l’offensive du Hamas, par une journaliste qui fait ici son travail, il dénote grandement face à l’explosion de commentaires sans la moindre nuance et au degré d’analyse proche de zéro. Il est vrai que le propos est le plus souvent non pas d’expliquer et donc de prendre du recul, mais au contraire de nous plonger dans l’émotionnel. Rien de cela ici.
On a pas soigné la souffrance palestinienne depuis des décennies et des décennies, elle rebondit aujourd’hui, elle risque effectivement de connaître un nouveau choc, à travers la manière dont Israël va réagir ; peut-être s’éteindra-t-elle après-demain, mais elle renaîtra tant qu’on aura pas résolu ce problème.
Que font ceux qui ont été prompts à condamner, et à juste raison dès lors qu’il s’agit d’actes commis contre les populations civiles, qu’ont-ils fait pour contribuer à la solution du drame palestinien ? Ce drame, encore une fois, il a trois quarts de siècle d’existence. La plupart des Palestiniens n’ont jamais vu ni connu la paix. Quelles ont été les initiatives de l’Union européenne en la matière ? La dernière initiative, c’est 1999, la déclaration de Berlin de l’Union européenne, qui appelait à une solution et qui proposait un certain nombre de pistes. Mais concrètement, où s’est opérée véritablement la pression sur les protagonistes pour arriver à une solution ? On a parié, la communauté internationale tout entière, à Moscou comme à Washington, à Pékin comme à Paris, on a parié sur l’extinction progressive de ce conflit, sous l’effet du désespoir. Ceci ne marche pas. Nous sommes dans un siècle où la conscience sociale l’emporte sur le jeu politique, où le social est proactif et le politique est réactif.
De même, il y a eu quand même, depuis janvier 2023, 250 Palestiniens qui ont été tués, qui n’étaient pas tous des terroristes, qui étaient aussi des femmes et des enfants : la communauté internationale a été muette.
Journaliste : on paye aussi cette lâcheté ?
Mais bien sûr. On paye le fait qu’on arrive pas à concevoir qu’un homme vaut un homme ; qu’un humain vaut un humain. Et que la peine, la douleur d’une famille palestinienne, elle est identique à la peine et à la douleur d’une famille israélienne. Et le sentiment que l’on a dans la région, c’est qu’il y a une inégalité de traitement et une certaine indifférence par rapport aux causes du mal.
Cependant, ne faisons pas comme si Bertrand Badie était isolé. Dans un article précédent, nous avons aussi relayé l’extrait d’une intervention de Dominique Moïsi, dont les origines ne sont pas sans liens avec le monde juif, comme on s’en doute. Un géopolitologue à la longue carrière, largement derrière lui, qui n’a pas peur de déplaire, et qu’on peut difficilement accuser d’antisémitisme – encore qu’à l’heure actuelle tout soit possible. Le propos insiste moins sur la détresse palestinienne, mais il ne l’oublie pas. Nous vous proposons aussi d’écouter ce chercheur, cette fois-ci in extenso.
Il y aurait aussi quelques autres exemples, dont on pourrait résumer les interventions par quelques bribes de vérité qu’on ne souhaite pas oublier au milieu de mille précautions langagières pour montrer que l’on se place tout de même dans le camp du bien. Laissons-les de côté.
Source: Lire l'article complet de Égalité et Réconciliation