Tout pour la filière batterie

Tout pour la filière batterie

L’auteur est syndicaliste.
 

Les premiers ministres Trudeau et Legault ont procédé à l’annonce, en grande pompe, du plus gros investissement manufacturier privé de l’histoire du Québec, selon les dires de M. Legault.

Le fabricant suédois de modules de batteries pour voitures électriques Northvolt va construire une usine sur des terrains situés sur le territoire des municipalités de Saint-Basile-le-Grand et de McMasterville en Montérégie.

Il s’agira d’un investissement avoisinant le 7 milliards $, dans lequel les paliers de gouvernements fédéral et provincial seront partenaires à hauteur de 2,7 G $ pour la construction et jusqu’à un maximum de 4,6 G $ en subventions pour la fabrication des batteries. Cette méga-usine occupera la superficie de 75 terrains de football, avec une extension possible jusqu’à 320 terrains de football. À terme, 3 000 emplois seront créés et ces travailleuses et travailleurs fabriqueront un million de batteries par année.

Cette annonce s’ajoute à une série d’annonces d’investissements des gouvernements du Canada et du Québec depuis quelques mois dans ce qu’on appelle la « filière batterie » et d’autres sont prévus.

En janvier, l’entreprise Recyclage Lithion faisait part de son intention de procéder à l’ouverture, dans un horizon de 12 à 18 mois, d’une usine commerciale de recyclage de batterie Lithium-ion et, par la suite, d’une usine d’hydrométallurgie qu’elle appelle un « hub ». Au mois de février, c’était la construction d’une usine de composantes de batteries du consortium GM-POSCO. Au mois d’août, un investissement à Bécancour de 644 millions $ pour la construction d’une usine Ford qui produira des cathodes. Quelques jours plus tard, une autre annonce, cette fois à Granby, par Volta Energy Solution, une filiale de Solus Advanced Materials, de l’installation de la première usine de feuilles de cuivre pour batteries de véhicules électriques au pays.

Le premier ministre Legault a déclaré à cette occasion : «On est en train de bâtir, au Québec, un leader mondial de l’économie verte, moins de GES, plus de richesse, et, en même temps, on s’occupe de l’environnement et on crée de la richesse, on crée des emplois passionnants pour nos jeunes.»
 

Des mises en garde

Cette vague d’annonces successives d’investissements semble, à première vue, de bon augure pour le Québec. Mais, avec le temps, j’ai appris que l’on constate vraiment la valeur de ce qu’une vague nous apporte seulement après qu’elle soit passée.

Déjà, des personnes sonnent l’alarme. Le directeur parlementaire du budget à Ottawa a procédé à l’analyse des investissements de 28,2 milliards $ d’ici 2032 des gouvernements du Canada et de l’Ontario pour la construction des usines de batteries de Stellantis-LG Energy Solution et Volkswagen. Il arrive à la conclusion que ces investissements seront rentables seulement à compter de 2043 plutôt qu’en moins de cinq ans comme prévu par les gouvernements au moment de leur annonce.

Laurent Ferreira, le grand patron de la Banque Nationale, reconnaît ne pas être fan des milliards donnés aux entreprises étrangères. Selon lui, les gouvernements Trudeau et Legault ne font pas le bon choix en taxant les entreprises canadiennes pour ensuite subventionner des entreprises étrangères. Ils devraient plutôt soutenir les entreprises canadiennes.

Ici, je me permets un petit commentaire. Ce ne sont pas seulement les taxes payées par les entreprises canadiennes qui servent à subventionner la venue au Québec d’entreprises étrangères, mais surtout les impôts des travailleuses et travailleurs. Faut-il également rappeler que, selon une étude de l’IRIS parue en 2022, les profits des entreprises canadiennes n’avaient jamais été aussi élevés en plus de vingt ans?

Ces derniers jours, une pétition d’environ 700 noms a été déposée au conseil municipal de McMasterville. On voit apparaitre un mouvement citoyen qui s’oppose au projet de la méga-usine de Northvolt. Plusieurs craignent les retombées négatives pour leur environnement et déplorent le peu d’informations reçues sur ce projet.

Le manque de logements a également été soulevé, le taux d’inoccupation dans toutes les villes autour du futur site de la méga-usine est bien en deçà de ce qui sera nécessaire pour accueillir tous ces nouveaux habitants.

Nous n’en sommes qu’à l’étape des annonces et déjà des drapeaux rouges s’agitent pour mettre en garde nos gouvernements. Est-ce que tout ce beau monde a raison de sonner l’alarme? On ne le sait pas vraiment. Je ne crois pas que le directeur parlementaire du budget, le grand patron de la Banque National et les signataires de la pétition ou ceux qui s’inquiètent de l’absence d’habitations disponibles aient complètement tort. En fait, malheureusement, seul le temps nous le dira et il sera alors trop tard pour rectifier.
 

Un voyage de rêve

Pour ma part, quand j’entends toutes ces annonces d’investissements et que je vois l’enthousiasme de M. Legault, je reste perplexe. Ça sonne faux à mes oreilles. C’est comme si on offrait un voyage de rêve à une personne qui est seule, blessée et mal alimentée. C’est beau et attrayant un voyage de rêve, mais ce dont cette personne a besoin, c’est d’être soignée et nourrie, et de présence humaine.

M. Legault nous a habitués à nous dire et offrir ce qu’il considère être bon pour nous sans trop se préoccuper de nos réels besoins. M. Legault nous a dit que les maternelles quatre ans seraient une bonne chose sans se préoccuper du reste du réseau scolaire et des places insuffisantes en CPE.

M. Legault nous a dit que les maisons des ainées étaient une bonne chose sans se préoccuper que la majorité des personnes ainées désirent le maintien à leur domicile et non de résidences pour personnes âgées qui souffrent de sous-financement chronique.

M. Legault nous a dit que les LAB-écoles étaient une bonne chose sans se préoccuper des écoles actuelles qui tombent en décrépitude.

Toutes ces belles idées de la CAQ de M. Legault, prises isolément, ont beaucoup de sens, mais misent dans le contexte des besoins actuels de la société québécoise, elles n’en ont plus.

Il en est de même de l’idée de placer le Québec comme leader mondial dans la fabrication de batteries. Prise isolément, cette idée a beaucoup de sens, mais mise dans le contexte de la société québécoise qui a besoin, entre autres, de services publics efficaces, d’un système de santé public accessible et de haute qualité, et d’un système scolaire public où toutes les personnes qui le fréquentent puissent avoir une chance égale de s’instruire, de s’éduquer, de s’épanouir comme être humain, elle en a beaucoup moins.

La population québécoise souhaite également pouvoir se loger, se nourrir et de divertir convenablement sans se ruiner.

Monsieur Legault, vous avez raison de vouloir placer le Québec comme leader mondial de la filière batterie, mais si vous le faites sans vous préoccuper des réels besoins de la population, vous êtes comme la personne qui offre un voyage de rêve à une personne seule, blessée et mal alimentée.
 

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Source: Lire l'article complet de L'aut'journal

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