La pénurie de main-d’œuvre du personnel professionnel dans les réseaux de la santé est devenue un phénomène mondial. En 2016, il manquait 19 millions de personnes, et la situation s’est détériorée après la pandémie de COVID-19.
Tel est le constat qu’a fait d’entrée de jeu la secrétaire générale de l’Internationale des services publics (ISP), Rosa Pavanelli, lors d’une réunion des syndicats affiliés de l’ISP Amérique du Nord qui s’est tenue à Washington les 7 et 8 septembre derniers, en prévision du congrès de l’ISP qui aura lieu en octobre à Genève.
L’une des priorités de ce congrès sera la lutte à la privatisation et la promotion des services publics de qualité. D’où le cri du cœur de la secrétaire générale qui s’inquiète de l’effet des pénuries de main-d’œuvre sur la qualité et l’accessibilité des services publics.
Selon l’ISP, cette pénurie de main-d’œuvre est exacerbée par l’iniquité fiscale, les entreprises multinationales ne payant pas leur juste part d’impôts. De nombreux rapports de l’OCDE et de l’ONU démontrent en effet que de nombreuses entreprises pratiquent de l’évitement fiscal en déclarant leurs profits dans les paradis fiscaux.
Cet évitement fiscal et ces inégalités entraînent des conséquences désastreuses sur les revenus des États et, par voie de conséquence, sur le financement des services publics, notamment en santé et en éducation. Plusieurs États présentent alors la privatisation des services publics comme solution à l’accès aux services de santé et d’éducation.
L’ISP appuie les efforts faits par l’OCDE afin de rendre la fiscalité internationale plus équitable. Cependant, ces efforts se heurtent à des gouvernements de droite de plus en plus nombreux. Par exemple, le gouvernement italien dirigé par la première ministre d’extrême droite, Giorgia Meloni, a réduit l’imposition des revenus élevés sans toucher à l’imposition des gens à revenu modeste.
Migrations mondiales et recrutement des personnels de santé
Plusieurs pays du Nord aux prises avec des pénuries de main-d’œuvre dans le secteur de la santé ont trouvé comme solution d’aller recruter des professionnels de la santé dans les pays du Sud, accroissant ainsi les inégalités entre pays du Sud ceux du Nord.
Selon les données de l’Organisation internationale du travail, il y a douze fois plus de personnes qui travaillent dans le secteur de la santé dans les pays à haut revenu comparativement aux pays à revenu modeste. Ce recrutement dans les pays du Sud s’est accru avec la pandémie.
L’Allemagne, par exemple, a négocié un accord bilatéral avec le Brésil pour le recrutement d’infirmières. Les syndicats, qui n’ont pas été impliqués dans la négociation de cet accord, dénoncent la prétention qu’il y aurait un surplus d’infirmières au Brésil. C’est faux, dénoncent les syndicats, puisque les ratios infirmières/patients ne sont pas respectés.
L’ISP ne dit pas qu’il faut arrêter toute migration du personnel de la santé du Sud vers le Nord. Mais elle souhaite que cela se fasse de manière encadrée. Genevieve Gencianos, chargée du programme Migration à l’ISP, donne en exemple l’Accord bilatéral sur le travail des infirmières entre l’Allemagne et les Philippines. « Cet accord vise à réduire la pénurie d’infirmières en Allemagne et le taux de chômage des infirmières aux Philippines, explique-t-elle. Il est géré par un comité de monitoring conjoint dans lequel les syndicats des deux pays sont engagés. L’implication des organisations syndicales dans ce type d’entente est essentielle », insiste-t-elle.
Cet accord bilatéral est basé sur les conventions de l’ONU qui couvrent les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, sur les normes du travail dans le domaine des soins de santé de l’Organisation internationale du travail (OIT), et sur le code de pratique de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur le recrutement international du personnel de la santé.
L’ISP plaide en faveur d’une gouvernance de la migration des travailleuses et travailleurs de la santé qui soit basée sur les droits, qui soit socialement juste et soutenable, et qui laisse une place importante au dialogue social.
Capitalisme et fonds de pension
La gestion des fonds de pension est aussi devenue un enjeu majeur, car certains de leurs investissements favorisent la privatisation et de marchandisation des services publics.
« Les fonds de pension canadiens sont considérés comme des leaders dans ce secteur, affirme Kevin Skerrett du Syndicat canadien de la fonction publique. Ainsi, le gouvernement Bolsonaro a fait un appel d’offres, il y a quelques années, pour privatiser les services publics d’eau à Rio de Janeiro au Brésil. Or, c’est un fonds de pension canadien qui a gagné cet appel d’offres et a décidé d’investir dans ce projet. Quand nous avons appris cela, plusieurs syndicats canadiens ont dénoncé cette situation, dont le SCFP, NUPGE et le CTC. »
Que pouvons-nous faire comme organisations syndicales à ce sujet ? « L’une des avenues possibles concerne la gouvernance des fonds de pension. Les organisations syndicales doivent obtenir un droit de regard. L’impératif des fonds de pension ne doit pas être uniquement l’obtention des meilleurs rendements. »
Les syndicats et une transition juste
La transition juste constitue une autre priorité qui sera discutée au congrès de l’ISP. « La crise climatique est multicausale, a expliqué le secrétaire général adjoint de l’ISP, David Boys. Mais un élément important est le contrôle des grandes compagnies multinationales sur les décisions gouvernementales. Nous voyons aujourd’hui les résultats de décennies de déni des changements climatiques par les grandes corporations. »
Le travail de l’ISP consiste à mener des recherches sur les impacts des changements climatiques sur la justice économique, la justice sur les lieux de travail et sur le genre ainsi que des campagnes de sensibilisation et de plaidoyer auprès des gouvernements.
Toutefois, pendant que les organisations syndicales réclament des services publics plus forts, pour les services d’eau, la santé et l’éducation, la Banque Mondiale et le Fonds monétaire international font pression sur les gouvernements du Sud global pour qu’ils réduisent leurs dépenses dans les services publics et accordent des contrats à des compagnies privées.
Le Congrès de l’ISP
Le Congrès de l’ISP débutera le 14 octobre à Genève. Cinq organisations syndicales québécoises y seront représentées : la CSQ, la FIQ, l’APTS, le SFPQ et le SPGQ.
Source: Lire l'article complet de L'aut'journal