Les auteurs sont corédacteurs du Plan de la DUC et membres de GMob.
Invité à participer au sommet du climat à l’ONU, le premier ministre du Québec, François Legault, a été qualifié par l’ancien vice-président des États-Unis, Al Gore, de « héros de la lutte climatique ».
Trop heureux de recevoir cet honneur, notre premier ministre s’est empressé de le faire rejaillir sur la population, déclarant qu’on peut être fier comme québécois, puisque nous sommes les moins émetteurs de gaz à effet de serre (GES) en Amérique du Nord.
Depuis la publication de son Plan pour une économie verte, le premier ministre répète cette fausseté. Les rédacteurs du document avaient bien pris soin de choisir pour comparaison des juridictions qui nous avantageaient. Et le premier ministre, dans son jovialisme, en a oublié son cours de géographie 101, puisque le Mexique fait partie de l’Amérique du Nord. Et si, en 2019, le Québec émettait 9,0 t éq.CO2/hab , le Mexique, lui, en émettait 4,7, soit près de deux fois moins.
Mieux encore, notre premier ministre nous cache le fait qu’en 2019, notre moyenne par habitat était supérieure à celle de la Californie, de l’État de New York, et du District de Columbia. En 2020, nous tombions en 9e place ex aequo avec le New Hampshire et en 2021, au 7e rang, derrière le Massachusetts, le Vermont et le Maryland et les États susmentionnés. Sans oublier le Mexique!
Un héros, c’est quelqu’un qui fait preuve, dans certaines circonstances, d’une grande abnégation, qui est remarquable par sa bravoure et son sens du sacrifice. Qu’en est-il de l’héroïsme climatique de notre premier ministre et de son gouvernement?
– Avec un objectif de réduction de GES de 37,5 % pour 2030, en n’ayant identifié des moyens que pour la moitié de cet objectif, son Plan vert fait plutôt office de plante verte dans le domaine des plans pour soi-disant ne pas dépasser le + 1,5 °C fixé par l’Accord de Paris. Pourquoi ne pas restreindre la publicité sur les VUS, fortement majoritaires dans les ventes de véhicules individuels au Québec, et dont les GES font obstacle aux objectifs de son Plan vert? Son ministre de l’Environnement et de la lutte aux changements climatiques, Benoit Charette, a répondu que «ça ne fait pas partie du bouquet de mesures qu’on va implanter». Abnégation?…
– Pierre Fitzgibbon, superministre de l’industrie, a déclaré il y a quelques semaines qu’il faudrait réduire le parc automobile de façon importante afin que le Québec devienne carboneutre d’ici 2050. Legault a tempéré en disant qu’il fallait quand même être réaliste, que la densité de population ne permet pas d’avoir du transport collectif à l’échelle de la province. Bravoure?…
– Le ministre des Finances Girard a évoqué récemment l’idée d’un bonus-malus, comme augmenter les subventions sur les plus petites voitures et taxer les plus grosses voitures. M. Legault a répliqué «On pourra s’en reparler dans le cinquième mandat. Mais pour l’instant, il n’est pas question d’ajouter de taxes!» Sens du sacrifice?…
– Quand le comité d’experts indépendants qui conseille le ministre de l’Environnement a recommandé cette semaine à Québec de faire payer à l’industrie du camionnage les kilomètres parcourus sur les routes de la province et de développer le transport ferroviaire et maritime de marchandises, vu l’inefficacité des mesures gouvernementales actuelles, la réponse de sa ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, fut : «Nous n’irons pas de l’avant avec l’ajout d’une taxe kilométrique»… Parce que?… «Les Québécois sont déjà les plus taxés en Amérique du Nord.» Évidemment! …
Depuis son passage à la COP 26 à Glasgow en novembre 2021, M. Legault ne cesse de répéter que la crise climatique est une occasion d’affaires : projets d’usines de batteries vertes, d’aluminium vert, vente d’électricité, etc. Il parle de toujours plus d’énergies vertes, mais jamais de réductions d’énergie.
À New York, il a déclaré qu’on pouvait faire de l’environnement et de l’économie en même temps. Or, c’est justement cette économie telle qu’on la connaît qui nous a conduits au bord du précipice climatique et écologique. Et comme le PIB, la consommation de matière, l’énergie et les émissions de CO2 sont intimement liés, on ne peut conjuguer économie et environnement. Ni lui ni son gouvernement n’ont intégré cette réalité.
À écouter les ministres Legault, Guilbault et Trudeau, tous à New York, la situation s’améliore, le réchauffement serait moins pire qu’on ne le pensait il y a dix ans. Or, en 2023, la consommation mondiale d’énergie pulvérisera de nouveau tous les records de consommation d’énergie1 , la consommation de charbon2 et celle de pétrole pourraient battre leurs records absolus, ainsi que celle du gaz naturel, du moins au niveau de la production. Conséquence: les émissions mondiales de CO2 et de GES, croîtront forcément encore. On augmente au lieu de réduire.
Or, chacune des tonnes supplémentaires de CO2 que nous émettons contribue à nous rapprocher du dixième de degré supplémentaire qui risque de faire déclencher de nouvelles rétroactions positives, augmentant ainsi les perturbations. Vouloir s’adapter sans réduire est une cause perdue3!
Vous croyez vraiment que la situation s’améliore? La météo de 2023 n’est-elle pas assez parlante?…
Oui, les climatologues nous disent que le «meilleur» – en termes de catastrophes – est à venir et qu’il faudra des héros au gouvernail.
Que ce soit à Québec, à Ottawa comme ailleurs dans le monde, on cherche l’étoffe…
Pas des héros de pacotille.
1 https://financialpost.com/pmn/business-pmn/the-state-of-world-energy-explained-in-4-charts
2 https://www.iea.org/reports/coal-market-update-july-2023/demand
3 https://www.pressegauche.org/Vouloir-s-adapter-sans-reduire-est-une-cause-perdue
Source: Lire l'article complet de L'aut'journal