Hormis quelques huguenots fanatiques, il s’en est trouvé très peu pour reprocher à Henri, roi de Navarre, d’avoir pris le parti d’abjurer sa foi protestante pour devenir roi du royaume de France sous le nom d’Henri IV. La boutade du Vert-Galant, «Paris vaut bien une messe…», est passée à l’histoire et sert de mesure quand il s’agit d’évaluer une situation à l’aune de la balance des inconvénients.
Or pour quiconque dispose d’un minimum de jugement politique, Jean-Talon, du nom de l’intendant, ne fait visiblement pas le poids devant Paris, et la France dans son sillage, quand on se prend à évaluer le prix à payer pour l’abandon de principes et de valeurs comme cette virginité que, dans le bon vieux temps, la nouvelle mariée affichait fièrement.
Il y a pourtant fort longtemps que Québec solidaire a jeté aux orties cette virginité dont il continue de se parer et de se réclamer, à temps et à contretemps.
Ainsi, c’est pour s’attirer quelques dizaines de votes – qui lui rapporteront quelque 2,62$ chacun – dans un comté qui regroupe les villes de Sillery et de Sainte-Foy, villes habitées tant par la petite bourgeoisie que la grande, que Québec solidaire, à l’instar du Parti libéral, a décidé d’acheter de la publicité sur Facebook alors que des organismes aussi éloignés idéologiquement que des Chambres de Commerce, des municipalités et des centrales syndicales appuient le mouvement de boycott. Comme celui de Pinocchio, le nez du candidat de QS s’est passablement allongé quand, en présence de son chef Nadeau-Dubois, il a affirmé sans rire que dans son porte-à-porte électoral, personne ne lui avait parlé de l’achat de publicité sur Facebook…
Ce n’est pas la première fois – et sans doute pas la dernière – que l’on voit de pseudos solidaires et des libéraux marcher main dans la main sur la voie du cynisme. On savait depuis longtemps que les libéraux n’ont rien à cirer de la décence et la probité, vertus dont ils ne se réclament d’ailleurs pas. Mais on ne s’attend pas à pareil comportement de QS, dont les représentants n’ont de cesse, comme les Romains, de déchirer leur robe prétexte sur toutes les tribunes pour dénoncer tout ce qui doit l’être.
Quoique!
Pour justifier cette décision, Nadeau-Dubois a déclaré que «les gestes symboliques ne règleront pas notre problème!» C’est oublier que depuis que l’homme est sorti des cavernes, les symboles ont nourri toutes les étapes de son cheminement. C’est Isabelle Hachey, dans La Presse, qui a mis le doigt sur l’inanité d’une telle affirmation. «À ce compte-là, manifester lors du Jour de la Terre, ça ne règlera pas la crise climatique. À quoi bon descendre dans la rue? Et puis, tant qu’on y est, pourquoi recycler nos bouteilles? Ça ne règlera pas notre problème de pollution, ça non plus. Aussi bien les jeter à la poubelle! Et voter? Pourquoi voter, au juste? Ça ne changera rien au résultat, un petit bulletin de plus ou de moins dans l’urne. Surtout si ce vote est destiné à un parti qui n’a aucune chance d’accéder au pouvoir… c’est symbolique, d’accord, mais à quoi ça sert?»
En passant, Québec solidaire s’est attiré les critiques de nombreux chroniqueurs et commentatrices dans la plupart des médias québécois. De tous les horizons politiques, à l’exception, bien sûr, de celles et de ceux engagés dans le wokisme jusqu’au cou. C’est ainsi que les Thomas Mulcair, Jean-François Lisée, Paul Larocque, Josée Legault, Mario Dumont, Réjean Parent, Mathieu Bock-Côté, Michel David, ont fustigé ces sépulcres blanchis. Peut-être y en a-t-il eu, mais malgré mes recherches, curieusement, je n’ai rien trouvé du côté de Radio-Canada…
Ce n’est pas d’hier que l’histoire de ce plat de lentilles échangé par Ésaü à son frère Jacob nous rappelle qu’il y a toujours un prix à payer quand on décide de troquer l’essentiel pour l’accessoire. Si elle a traversé les siècles, c’est qu’elle est révélatrice de ce qu’il advient des organisations ou des personnes qui renient leur raison d’être pour un avantage non seulement passager, mais discutable.
Un ami, fin observateur de la scène politique, me dit depuis longtemps que Nadeau-Dubois va finir au Parti libéral. Le mot «finir» prend ici tout son sens. Pierre Vadeboncoeur l’a déjà écrit au sujet de Jean Marchand, ci-devant président de la CSN et qui, devenu ministre fédéral, s’était dévoyé durant la Crise d’octobre : «Je n’aime pas les Beethoven qui finissent en Rossini!» Moi non plus!
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