« Le Canada n’a a pas d’identité propre ; il n’y a pas de culture dominante au Canada et (…) cela fait de nous le premier État post-national ». Justin Trudeau (1971 -), dans une entrevue au New York Times Magazine, le 10 novembre 2015.
« À ceux qui fuient la persécution, la terreur et la guerre, sachez que le Canada vous accueillera, indépendamment de votre foi. La diversité est notre force –#Bienvenue au Canada », Justin Trudeau (1971- ), dans un message sur Twitter, le 28 jan. 2017.
« Le multiculturalisme institutionnel [au Canada]… a été une mauvaise idée dès le début et, avec le temps, il apparaîtra probablement comme l’une des plus grandes erreurs de la politique publique récente au Canada ». Robert Fulford (1932- ), journaliste canadien, (dans le journal Globe & Mail, le 19 février 1997).
« Le multiculturalisme chez nous menace les États-Unis et l’Occident ; l’universalisme à l’étranger menace l’Occident et le monde. Tous les deux nient le caractère unique de la culture occidentale. » Samuel P. Huntington (1927-2008), politologue américain, (dans son livre ‘Le choc des civilisations’, 1996 en anglais et 2000 en français).
« Un niveau d’immigration supérieur à la capacité d’intégration ou d’assimilation d’une société n’est pas une immigration, mais une invasion. » Rodrigue Tremblay (1939- ), (le 10 février, 2023).
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Il est important de revenir sur le référendum tenu au Québec, le 20 mai 1980, et sur le coup de force du gouvernement fédéral canadien du temps qui s’en est suivi pour dépouiller le Québec de droits et pouvoirs historiques.
1- Un plébiscite plutôt qu’un véritable référendum
Il faut dire, concernant le référendum tenu au Québec en 1980, que ce fut davantage un plébiscite qu’un véritable référendum. En effet, le gouvernement québécois du Premier ministre René Lévesque n’avait mis sur le bulletin de vote que sa seule option constitutionnelle, excluant les autres.
Siégeant alors à l’Assemblée nationale du Québec, j’étais en désaccord avec le plébiscite du gouvernement Lévesque car je le trouvais trop risqué géopolitiquement parlant. D’autant plus que le gouvernement fédéral du Premier ministre Pierre Elliott Trudeau ne s’était nullement engagé à respecter le résultat d’une telle consultation populaire. (Il faut rappeler que dans la tradition britannique, les référendums ne sont que consultatifs. )
En effet, j’estimais qu’en cas d’une défaite prévisible, une telle rebuffade de l’option du gouvernement du Québec par l’électorat pourrait placer le Québec à la merci du gouvernement fédéral canadien de Pierre Elliott Trudeau. Dans les faits, ce fut ce qui arriva.
À l’automne 1979, j’ai publié un livre ‘La Troisième Option’, dans lequel je proposais une renégociation du pacte fédéral, avant le rapatriement de l’Acte de l’Amérique du nord britannique de 1867, afin que le Québec puisse avoir un statut d’autonomie dans la nouvelle entente et avoir tous les pouvoirs spéciaux et prérogatives nécessaires à sa pérennité, compte tenu de son statut de seul territoire à majorité francophone, à l’intérieur de la fédération canadienne.
2- Pour être vraiment démocratique le référendum de 1980 aurait dû compter plus q’une seule option constitutionnelle pour le Québec
En toute logique démocratique, un véritable référendum au Québec (comme celui tenu à Terre-Neuve en 1948, lequel comportait un choix entre trois options), aurait dû compter aussi trois options soit : A- celle du gouvernement du Parti québécois; (un mandat de négocier l’option de la Souveraineté-Association telle que explicitée dans un ‘Livre Blanc’) ; B- l’option d’un fédéralisme renouvelé de Claude Ryan (expliquée dans le ‘Livre Beige’ du Parti libéral du Québec) ; et C- un statut d’État autonome de type confédéral pour le Québec (avec les pouvoirs tels que explicités dans le livre ‘La Troisième Option’).
Si aucune option n’avait obtenu 50% des voix au premier tour, un second tour aurait été nécessaire (comme ce fut le cas à Terre-Neuve en 1948). L’exercice aurait été conforme au principe démocratique, car le résultat aurait reflété le choix majoritaire du peuple.
À l’époque, il ne semblait pas nécessaire de placer sur les bulletins de vote l’option connue de Pierre Elliott Trudeau. Cette dernière était, au mieux, le statu quo, et au pire, un fédéralisme davantage centralisé au niveau fédéral, avec des pouvoirs réduits pour le Québec. La raison étant qu’il était connu que cette option était rejetée par une grande majorité de la population québécoise. De plus, elle n’était point défendue par aucun parti ou membre de l’Assemblée nationale du Québec.
3- La défaite référendaire du gouvernement du Parti Québécois, le 20 mai 1980, ouvrit la porte au rapatriement et à la modification de la constitution canadienne, sans la participation du Québec et sans l’acceptation du Gouvernement du Québec et de sa population
La défaite référendaire du gouvernement Lévesque, avec un résultat sans équivoque de : Oui: 40% ; Non: 60%, fut ce qui fournit un prétexte utile au gouvernement fédéral de P. E. Trudeau d’annoncer qu’il entendait procéder unilatéralement au rapatriement de l’Acte de l’Amérique du nord britannique (AANB) du Parlement britannique, et d’y ajouter des éléments nouveaux qui se traduiraient par une diminution importante des droits historiques et des pouvoirs du Parlement du Québec.
Dans un tel contexte, tant le gouvernement du Québec que l’opposition officielle se trouvaient dans une position très désavantageuse pour faire échec au gouvernement fédéral et empêcher qu’il aille de l’avant avec son projet unilatéral.
D’une part le chef du camp du Non, M. Claude Ryan, avait moralement ‘gagné’ le plébiscite de 1980, mais il n’était pas au pouvoir pour défendre son option en faveur d’un fédéralisme renouvelé, avec des pouvoirs accrus pour le Québec. D’autre part, le Premier ministre fédéral Pierre Elliott Trudeau était en poste à Ottawa et il pouvait tirer profit de la situation et vouloir imposer sa propre option constitutionnelle, laquelle n’avait jamais été discutée et débattue démocratiquement durant la période référendendaire québécoise de 1980.
C’est un fait que le le Premier ministre Lévesque a probablement manqué de jugement, en ne démissionnant pas après sa défaite référendaire, mais celà ne justifiait en aucun cas que le gouvernement fédéral veuille modifier unilatéralement la constitution canadienne, sans l’accord du Québec, et de retirer de force au Parlement québécois des droits et des pouvoirs historiques.
4- Le ‘Groupe des huit’ et le rôle de la Cour Suprême fédérale
Une autre démarche du gouvernement Lévesque à cette époque, en plus de ne point démissionner après sa défaite référendaire, fut de se joindre à sept autres gouvernements provinciaux pour former le Groupe des huit, dans le but de faire échec aux visées constitutionnelles unilatérales du gouvernement fédéral.
Comme je l’explique avec plus de détails dans mon livre ‘La régression tranquille du Québec, 1980-2018’, Fides, 2018, il a suffi au premier ministre canadien pour isoler le gouvernement du Québec et pour rallier les neuf provinces anglophones à sa cause, de faire des concessions mineures à ces dernières. Cela se produisit lors d’une nuit fatidique au Château Laurier à Ottawa, connue au Québec comme étant la ‘Nuit des longs couteaux’ du 4 novembre 1981, et cela, en l’absence des représentants du gouvernement québécois.
C’est ainsi que le Québec et sa population devinrent les victimes d’un ‘coup de force’ constitutionnel historique, lequel pava la voie à l’adoption de la Loi constitutionnelle de 1982, officiellement ratifiée le 17 avril 1982 par la Reine Elizabeth II. Cette loi, imposée au Québec et sans avoir jamais été signée par le gouvernement du Québec, ni acceptée par le peuple québécois lors d’un référendum constitutionnel en bonne et due forme, a retranché des pans entiers de droits et de pouvoirs historiques. Ce fut le cas notamment, en matières de langue, d’éducation, de culture et de laïcité, en vertu de l’esprit du Code civil du Québec, lequel date de l’Acte de Québec de 1774. Il s’agit de domaines qui relevaient auparavant de sa compétence et qui sont nécessaires pour assurer sa survie dans le temps comme seule province à majorité francophone dans la fédération canadienne.
Il faut dire que la Cour suprême du Canada, un organe exclusivement fédéral, (contrairement à ce qui existe en Allemagne où un semblable tribunal est composé de juges à moitié nommés par le gouvernement central et à moitié par les länders ou provinces), contribua pour beaucoup à l’injustice faite au Québec en 1982. En effet, elle statua arbitrairement, le 28 septembre 1981, que le droit de veto traditionnellement exercé à plusieurs reprises par le Québec, une des quatre provinces signataires du pacte confédéral de 1867, et dont les modifications reposaient sur la règle de l’unanimité jusqu’alors, n’avait pas un fondement légal mais uniquement politique.
Cette interprétation lui permit de conclure que le rapatriement de la constitution canadienne de Londres et sa modification en profondeur pouvaient se faire pourvu qu’un « nombre suffisant » de gouvernements provinciaux soient d’accord, sans tenir compte des intérêts et prérogatives de la seule province à majorité francophone au Canada, le Québec.
La Loi constitutionnelle de 1982 a conféré d’importants pouvoirs à la Cour suprême du Canada, laquelle avait déjà profité du rapatriement des pouvoirs du Conseil Privé de Londres, en 1949, pour non seulement statuer sur la forme des lois adoptées démocratiquement par les parlements, mais aussi sur le fond.
Depuis, le gouvernement du Québec, notamment en matières de langue, d’éducation, de culture et de laïcité, tous des domaines qui relevaient auparavant de sa compétence exclusive, sont depuis soumis à l’arbitraire d’un gouvernement des juges fédéraux non élus, lequel organe peut modifier ou même renverser des lois adoptées démocratiquement.
L’idéologie politique du multiculturalisme insérée dans la Loi constitutionnelle de 1982 — laquelle faut-il le rappeler n’a jamais été signée par le gouvernement du Québec — a aussi servi de justification pour l’adoption d’une politique fédérale d’immigration super massive de remplacement de population, en très grande majorité intégrée au Canada anglais. Cette politique de surimmigration est l’œuvre du gouvernement fédéral libéral de Justin Trudeau, depuis 2015.
Le Canada est le seul pays au monde qui a constitutionnalisé une telle idéologie de multiculturalisme, de nature intrinsèque changeante ou facultative. À terme, cette idéologie est une menace au pouvoir politique du Québec et à la survie même de la nation canadienne-française dans son ensemble.
La centralisation politique et juridique au niveau fédéral canadien, injustement imposée au Québec depuis 1982, tend de facto à ramener le Québec, seul foyer majoritaire des francophones dans la fédération canadienne, au statut d’une colonie intérieure, soumise politiquement aux diktats du Canada anglais. Il en résulte une entorse majeure à la justice, à la démocratie et au droit des peuples de s’autogérer.
Une telle centralisation politique et juridique accrue et imposée de force a fait reculer les droits et pouvoirs historiques du Québec et de sa population, de plus de 100 ans, soit depuis l’adoption de l’Acte de l’Amérique du nord britannique de 1867.
Conclusion
Conséquemment,
Étant donné que la Loi constitutionnelle de 1982 a imposé, de force, une réduction des droits et pouvoirs historiques du Québec, notamment en matières de langue, d’éducation, de culture et de laïcité, tous des domaines qui relevaient auparavant de sa compétence exclusive, et qui sont nécessaires pour assurer sa survie dans le temps comme seule province à majorité francophone ;
Étant donné que le Québec n’est pas une province comme les autres, parce qu’étant la seule province à majorité francophone au Canada et parce qu’il est inadmissible qu’on lui ait retiré de force des droits et pouvoirs existentiels, sans son consentement ;
Étant donné qu’une telle situation est susceptible de mener à terme, à la louisianisation du Québec et possiblement à sa disparition en tant que seul État à majorité francophone à l’intérieur de la fédération canadienne ;
Étant donné que ni le gouvernement du Québec, ni la population québécoise, n’ont été directement et démocratiquement consultés sur l’acceptation ou non de la Loi constitutionnelle de 1982 ;
Il s’en suit que des correctifs de nature politique doivent être apportés avant que des dommages irréparables ne résultent de la mise en tutelle du gouvernement du Québec et de l’assujettissement de la population québécoise à la majorité anglo-canadienne.
Par conséquent, le Parlement du Québec se doit de déclarer solennellement qu’il n’a jamais entériné la Loi constitutionnelle de 1982 et proclamer, dans les meilleurs délais, qu’il est un État autonome à l’intérieur de la fédération canadienne, avec tous les droits historiques et pouvoirs nécessaires à sa survie et à son développement.
Notons qu’il ne s’agit nullement d’un statut injustifié dans les circonstances, dans l’histoire et dans le droit, car il existe de tels états ou régions autonomes dans une quarantaine de pays dans le monde, tous établis pour permettre à d’importantes minorités linguistes de survivre en toute justice et de prospérer dans la paix.
Rodrigue Tremblay
Le Prof. Rodrigue Tremblay est professeur émérite d’économie à l’Université de Montréal et lauréat du Prix Richard-Arès pour le meilleur essai en 2018, La régression tranquille du Québec, 1980-2018, (Fides). Il est titulaire d’un doctorat en finance internationale de l’Université Stanford. Il est associé de recherche au CRM (Centre de recherche sur la mondialisation).
On peut le contacter à l’adresse suivante : [email protected]
Il est l’auteur du livre de géopolitique Le nouvel empire américain et du livre de moralité Le Code pour une éthique globale, de même que de son dernier livre publié par les Éditions Fides et intitulé La régression tranquille du Québec, 1980-2018.
Site internet de l’auteur : http://rodriguetremblay.blogspot.com
Source : Lire l'article complet par Mondialisation.ca
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