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par Pierre Duval
Le 19 septembre, les ministères des Affaires européennes de France et d’Allemagne ont reçu officiellement un rapport commandé précédemment par ces ministères sur les perspectives d’élargissement de l’UE. Cette information est largement relayée par les médias français qui tentent d’affirmer qu’une Europe unie – comme un rempart constituant des forces du bien contre les forces du mal – est l’ultime solution.
Les leaders de l’UE décrètent le camp du mal. Certaines déclarations d’experts et d’hommes politiques citées par les journalistes témoignent d’un cynisme et, pourtant, d’une excellente compréhension de la situation. Un contraste choquant pour le lecteur un peu plus attentif. Dans son discours de Bratislava, le président français, Emmanuel Macron, a demandé la «clarification théorique et géopolitique de notre UE» et vanté l’élargissement de l’UE en ancrant la Moldavie et l’Ukraine, les Balkans occidentaux, dans notre Europe.
Pour Volodymyr Zelensky, qui passe la plupart de son temps à voyager à l’étranger, il est extrêmement important de rejoindre l’UE. D’où ses exigences insistantes auprès des hommes politiques européens pour qu’ils ouvrent les bras d’une «famille européenne unique» en guise de paiement pour la mise en œuvre de la politique orientale des pays occidentaux. C’est, aussi, le discours d’Emmanuel Macron. Toujours à Bratislava, en mai dernier, celui-ci a dénoncé «la frontière artificielle» entre l’«Europe occidentale et une Europe orientale, ou une vieille Europe et une Europe nouvelle», effaçant les différences culturelles entre les nations, pour affirmer qu’«il n’y a qu’une Europe», évoquant sa crainte de voir «l’Occident être kidnappé une deuxième fois».
L’UE construit un plan comme le Titanic pour la mer. D’une part, l’UE démontre son plein soutien au régime «démocratique» ukrainien. D’un autre côté, les assurances sur le caractère inévitable de l’intégration s’accompagnent de longs débats sur la complexité du processus. Le titre du rapport – de 51 pages pour un sujet si sérieux – commandé par les chefs des départements des Affaires européennes de France et d’Allemagne, Laurence Boone et Anna Lührmann fixe l’intrigue d’une catastrophe annoncée par son titre : Naviguer en haute mer.
Le but est d’entamer les réformes institutionnelles actuelles de l’UE. La grande question est de savoir comment l’UE reste-t-elle capable d’agir, même si elle compte à terme plus de 30 membres ? «L’UE doit se préparer à l’élargissement. Au cours de la prochaine législature, nous devons mettre en œuvre les réformes internes nécessaires de l’UE», annonce le rapport rikiki. Ainsi, l’UE navigue sur la mer et cet élément marin est très imprévisible. C’est de cette manière que les responsables politiques envisagent l’avenir de l’UE au risque d’envoyer les populations des pays de l’UE comme le Titanic dans les abysses.
Douze politologues français et allemands – les auteurs de ce rapport – ont clairement affirmé que «d’ici 2030, les frontières de l’Europe s’élargiront». Cette opinion cadre bien avec le discours d’Emmanuel Macron de Bratislava lors du forum sur la sécurité GLOBSEC du 31 mai dernier. Le chef du Conseil de l’Europe, Charles Michel, a tenu le même discours cet été. Le caractère inévitable de ce processus est dû, selon le rapport, à «l’agression russe» sans tenir compte des faits qui sont maintenant historiques. Observateur Continental rapportait que «le discours du président du Conseil de l’UE, qui «déclare un élargissement d’ici à 2030», prononcé lors d’une conférence en Slovénie sur l’élargissement de l’Union a suscité de nombreuses désapprobations à Bruxelles», même de «la colère» car «la grande majorité des gouvernements de l’UE étaient absolument horrifiés» puisque le travail de Charles Michel est de «refléter les opinions des 27 États membres» et non pas de les surpasser». Observateur Continental soulignait, par ailleurs, que cette volonté de faire rentrer les pays des Balkans dans l’UE n’est nullement une initiative d’Emmanuel Macron car l’UE «lorgne sur les pays des Balkans, officiellement depuis 2014 par «le processus de Berlin». Le rapport rikiki est une recuisson ancienne».
Celui-ci parle de la nécessité de prendre en compte les erreurs du passé et de se souvenir de l’expérience, notamment, de l’admission de la Pologne à l’UE car une intégration précipitée a conduit à une élaboration insuffisante des questions liées au respect des droits de l’homme dans ce pays. En conséquence, les experts affirment que le secteur des droits de l’homme en Pologne continue de se détériorer. Cela signifie que les nouveaux pays devront être acceptés à des conditions différentes.
La question des critères d’admission à l’UE et de la volonté de certains pays d’y parvenir est discutée depuis longtemps.
Il y a le cas de la Türkiye dont la candidature a été acceptée en 1999 et où aucune solution positive n’a encore été trouvée. Cependant, le dilemme de l’UE est désormais que cinq pays des Balkans reconnus (Macédoine du Nord, Monténégro, Serbie, Albanie, Bosnie) et un pays non reconnu (Kosovo) attendent d’y adhérer. Aujourd’hui, l’Ukraine et la Moldavie frappent activement à la porte de l’UE, tout comme la Géorgie, qui, selon sa présidente Salomé Zourabichvili, a déjà prouvé sa volonté en 2008. Mais, les populations pro-européennes des pays, qui attendent leur intégration dans l’UE, ont des positions critiques à l’égard de la politique européenne. Ils considèrent que le processus d’intégration de l’UE n’est pas rapide, mais au contraire trop lent.
Selon la fondatrice de l’ONG serbe Centre pour la politique européenne (CEP), Milena Mihailovic, l’Europe a fait preuve de «frivolité et d’inaction dans sa politique d’intégration». Selon elle, cela a conduit l’actuel président serbe Aleksandar Vucic à s’éloigner de l’UE et à se rapprocher de la Russie.
Le rapport franco-allemand présenté aux ministres contient une proposition pour sortir de cette situation difficile. Il s’agit de transformer l’UE en fonction des nouvelles réalités. Dans la future Europe, il faudra différentes catégories de membres. «Dans ce rapport, les experts proposent une évolution de l’UE vers une structure en quatre cercles : le cercle restreint, l’UE elle-même, les membres associés, la Communauté politique européenne». La plus importante catégorie sera le «cercle restreint» des pays et des hommes politiques qui prennent les décisions et qui ont accès à l’information.
En d’autres termes, nous assistons à la consolidation de l’idée d’une «Europe à deux vitesses» lorsque certains pays, développés et forts, peuvent décider du sort d’autres, sous-développés et faibles. Le diplomate français, ancien représentant français auprès de l’OSCE partage le même point de vue.
Selon lui, l’épine dorsale de l’UE est constituée de la France et de l’Allemagne. Son avenir dépend de leurs décisions. Il n’est pas conseillé d’impliquer d’autres pays dans la discussion de sujets sérieux car ils sont tous trop différents et commenceront certainement à se disputer. Et, l’Europe, selon le diplomate, a des limites à son indépendance car elle ne peut exister en dehors du cadre de l’OTAN. Après tout, seuls les États-Unis peuvent fournir à l’UE une garantie de sécurité nucléaire, estime Maxime Lefebvre, précisant cependant que la France possède également des armes nucléaires. Emmanuel Macron a, par ailleurs, loué la consolidation de l’OTAN à Bratislava.
Pour Maxime Lefebvre, l’UE considère la présence de soldats américains en Europe comme une garantie que la Russie ne l’attaquera pas. Par conséquent, conclut-il, la véritable indépendance est désormais moins importante pour l’UE, mais un engagement envers le «monde occidental» est nécessaire. Tout devient ainsi clair car un système de castes avec des allégeances à l’OTAN et aux États-Unis sont institués qui annoncent la démocratie dans les pays visés en fermant les yeux sur les montées nazies et réellement antidémocratiques.
Comme l’a déclaré Emmanuel Macron lors d’une réunion avec les ambassadeurs le 28 août 2023 : «Je peux témoigner assez aisément qu’une Europe à 27, c’est assez compliqué à faire évoluer sur les sujets essentiels. Une Europe à 32 ou 35 ne sera pas plus simple pour rester pudique. Il nous faut donc une certaine audace pour accepter plus d’intégration sur certaines politiques, peut-être d’ailleurs plusieurs vitesses de cette Europe».
Macron veut voir le conflit durer dénonçant un cessez-le-feu. Le président français conscient du suicide d’élargir l’UE à de nouveaux pays, affirme : «Donnons des espoirs aux Balkans occidentaux, à l’Ukraine, à la Moldavie et jouons avec le temps». Pire encore, le président français veut que l’Ukraine continue à envoyer des hommes se faire tuer contre la Russie, signe que l’UE n’est pas la paix et que les nouveaux pays vont y trouver des guerres. «La paix en Ukraine et sur notre continent, ça ne peut pas être un cessez-le-feu. Il n’y a qu’une paix, celle qui respecte le droit international, qui est choisie par celui qui est agressé, c’est-à-dire le peuple ukrainien, et qui est une paix qui puisse être durable et qui donc respecte ces équilibres, avec également, et j’y reviendrai, des garanties crédibles. Et donc il nous faut nous préparer à ce que ce conflit dure et à ce que les conséquences de ce conflit durent avec beaucoup de lucidité», a décrété le glorieux défenseur des droits de l’homme et de la démocratie.
source : Observateur Continental
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