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par Jim Rickards
Les lignes de bataille entre l’Occident et le «Sud» global sont désormais tracées. Il s’agit d’un monde multipolaire comme on n’en a plus vu depuis 1991, à la fin de la guerre froide.
Que s’est-il passé exactement lors du sommet des BRICS qui s’est tenu fin août en Afrique du Sud ? La réponse est qu’il s’est passé beaucoup de choses, avec des conséquences capitales pour le système monétaire international et la géopolitique en général. Pourtant, les détails les plus importants de l’histoire n’ont pas été largement rapportés et ont été enterrés sous les titres d’information habituels.
J’ai examiné le communiqué officiel de 26 pages issu du sommet des BRICS. C’est un bon document de référence, mais il est surtout rempli de phrases diplomatiques et de bonnes intentions. Il évoque «le respect et la compréhension mutuels, l’égalité souveraine, la solidarité, la démocratie, l’ouverture, l’inclusivité, le renforcement de la collaboration et du consensus».
Il ne s’agit là que de formules diplomatiques passe-partout que l’on retrouve dans presque tous les communiqués de réunions multilatérales. Certaines annonces importantes sont enfouies dans les 26 pages, mais il est possible d’obtenir plus d’informations auprès des médias et de mes sources personnelles. Le document officiel peut être mis de côté en toute sécurité, pendant que nous œuvrons en coulisses pour dénicher de vrais renseignements.
De nouvelles admissions à prévoir
Pour résumer, les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ont accepté officiellement d’admettre six nouveaux membres au sein du groupe. Il s’agit de l’Arabie saoudite, de l’Iran, des Émirats arabes unis, de l’Éthiopie, de l’Argentine et de l’Égypte. Ces pays deviendront membres des BRICS à compter du 1er janvier 2024. Il s’agit du premier changement dans la composition du groupe, depuis que l’Afrique du Sud a été admise dans le groupe initial en 2010.
Maintenant que le barrage pour introduire de nouveaux membres a été brisé, on peut raisonnablement s’attendre à ce que de nombreux autres pays figurant sur la liste d’attente (soit plus de 20 pays à l’heure actuelle) soient admis dans les années à venir, y compris des acteurs économiquement puissants comme la Turquie.
Ces admissions ont fait l’objet de nombreux va-et-vient entre les membres. La Chine a fortement insisté sur l’inclusion de l’Arabie saoudite, car le royaume est le plus grand fournisseur de pétrole de la Chine. La Russie a également soutenu la candidature de l’Arabie saoudite.
L’Inde s’y est d’abord opposée, avant d’accepter, en échange du soutien de la Chine à l’admission de l’Iran, qui est un proche allié de l’Inde. L’Afrique du Sud a fait pression sur le groupe pour qu’y soit inclus un autre membre de l’Afrique subsaharienne, ce qui explique l’inclusion de l’Éthiopie.
Le Brésil voulait s’assurer que l’Amérique du Sud ne soit pas négligée, et a ainsi négocié pour que l’Argentine, qui est un partenaire commercial majeur du Brésil, soit admise. L’Égypte semblait être un choix supplémentaire évident, à la fois en raison de l’importance commercial et stratégique du canal de Suez, mais aussi du fait des liens historiques étroits entre l’Égypte et la Russie, qui remontent aux années 1950.
Enfin, les Émirats arabes unis représentent un centre financier important (une considération essentielle dans le cadre de l’effort de dédollarisation) et s’inscrivent parfaitement dans le portefeuille de production pétrolière de l’Arabie saoudite, de l’Iran et de la Russie. En fin de compte, tout le monde a gagné quelque chose et un consensus a été trouvé.
La domination prévue des BRICS+
En ajoutant l’Arabie saoudite au groupe, les BRICS ont désormais sous leur tente deux des trois plus grands producteurs de pétrole au monde (la Russie et l’Arabie saoudite, le troisième membre du trio étant les États-Unis). L’inclusion des Émirats arabes unis et de l’Iran aux côtés de l’Arabie saoudite et de la Russie fait des BRICS une «OPEP+ de facto», lorsqu’il s’agit de dicter la production et les prix du pétrole.
La population combinée des BRICS+ s’élève à 3,6 milliards d’habitants, soit 45% de la population totale de la planète. Les BRICS+ dominent également la production et les échanges d’une longue liste de ressources naturelles, notamment les céréales, le soja, les terres rares, l’uranium, le titane, l’aluminium et l’or. Les BRICS+ possèdent deux des trois plus grands arsenaux d’armes nucléaires au monde (la Russie et la Chine, les États-Unis étant l’autre membre du trio).
La puissance des BRICS+ va bien au-delà des simples mesures de production, ou de la population. Si vous regardez la carte ci-dessous, vous verrez que les BRICS contrôlent désormais le golfe Persique et le détroit d’Ormuz (Arabie saoudite, Émirats arabes unis et Iran), le canal de Suez (Égypte), le détroit de Magellan (Argentine) et une grande partie de la masse continentale de l’Eurasie (Russie, Chine, Inde et Iran).
Cet effort est loin d’être achevé et la marine américaine domine toujours les mers. Les liaisons de transport entre Shanghai et Rotterdam sont encore à l’étude. Mais la vision des BRICS+ en ce qui concerne les stratégies de domination mondiale sur terre et sur mer est à couper le souffle.
En bref, que ce soit en termes de population, d’armement, de production économique, d’énergie, de ressources naturelles ou de masse terrestre, les BRICS+ sont désormais en mesure de défier le G7 et d’autres économies développées pour faire entendre leur voix en matière de géopolitique, d’économie et d’ordre mondial.
Ce défi deviendra plus tangible à mesure que les BRICS compteront de nouveaux membres à l’avenir. Les lignes de bataille entre l’Occident et le «Sud global» sont désormais tracées. Il s’agit d’un monde multipolaire comme on n’en a plus vu depuis 1991, à la fin de la guerre froide. Le rêve mondialiste est mort.
La nouvelle monnaie mondiale attendra
Qu’en est-il des projets de création d’une nouvelle monnaie mondiale des BRICS, qui servirait d’abord de monnaie d’échange entre les membres, puis de monnaie de réserve ?
La déclaration du sommet BRICS XV est presque totalement silencieuse sur ce point. Il y a quelques références positives aux rôles respectifs de la Nouvelle banque de développement (NDB) et de l’arrangement de réserve contingente (CRA), mais il s’agit d’entités existantes qui ne marquent pas de nouvelles initiatives.
Le fait qu’une nouvelle monnaie mondiale n’a pas été mentionnée dans ce communiqué public ne signifie pas qu’elle n’a pas été discutée en privé. Cela signifie simplement qu’aucun consensus n’a été trouvé.
La Chine rêve toujours de faire du yuan une monnaie d’échange mondiale et de créer une sorte de «pétroyuan». L’Inde fait toujours pression pour que sa roupie soit plus largement acceptée dans les échanges bilatéraux. L’Afrique du Sud n’est pas un acteur mondial important dans ce débat. Seuls la Russie et le Brésil semblent déterminés à créer une véritable alternative au dollar pour le commerce mondial et les réserves.
Ces questions devront être résolues.
Il est important de noter que la taille d’une union monétaire est la clé de son succès. L’euro en est un parfait exemple. Vingt pays utilisent actuellement l’euro comme monnaie nationale. L’euro est également une monnaie de réserve mondiale (avec une part d’environ 26% des actifs de réserve libellés en euros) parce qu’il est librement convertible en dollars américains et en d’autres monnaies de réserve telles que le franc suisse, la livre sterling et le yen japonais.
C’est pourquoi l’élargissement de la composition des BRICS fait partie intégrante de la vision d’une nouvelle monnaie mondiale. Concevoir et lancer une nouvelle monnaie ne signifie pas grand-chose sans un groupe important de partenaires commerciaux prêts à l’adopter et à l’utiliser dans les échanges quotidiens.
L’adhésion de nouveaux membres des BRICS est un pas important vers la création de ce grand groupe, et donc une étape essentielle dans l’adoption d’une nouvelle monnaie mondiale destinée à rivaliser avec le dollar, voire à le supplanter.
Le processus a commencé.
source : La Chronique Agora via France-Irak
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