L’auteur est professeur émérite, Département de biologie, Université d’Ottawa.
Alors que la communauté trans fait souvent l’objet d’articles dans les médias québécois et canadiens, on a tendance à associer les objections face à l’idéologie du genre (ou le transgenrisme) à de la haine qui aurait sa source principale dans la droite religieuse américaine ou dans l’ultraconservatisme.
Or, cet enjeu est plus complexe et mérite d’être discuté.
Il est vrai que les personnes trans ont droit au respect et que de les dénigrer est transphobe. Mais, amalgamer la critique du transgenrisme à une haine des personnes trans est un raccourci injustifié qui ne vise qu’à faire taire un débat légitime dans une société fière de sa liberté d’expression
Équité et prudence
Dans plusieurs pays, dits progressistes, incluant le Québeci , les lois stipulent que l’autoidentification du genre suffit à modifier l’identifiant « sexe » sur les documents légaux, et ce, sans égard pour le sexe biologique. Ainsi, un homme peut se proclamer femme (ou femme-trans) pour avoir accès aux toilettes, prisons ou vestiaires réservés aux femmes. Se battre pour protéger des espaces sécuritaires et l’équité dans les sports féminins est légitime et n’a rien à voir avec de la transphobie.
Le transgenrisme prétend que la distinction entre mâle et femelle est une construction sociale qui s’inscrit dans un continuum entre masculinité et féminité. L’appartenance à un genre serait le résultat d’une réflexion personnelle profonde, indépendante du sexe « assigné » à la naissance. Tous les intervenants (parents, médecins et autres) n’auraient d’autres choix que d’accompagner la personne dans son affirmation de genre. Cette approche serait la seule solution au mal-être de l’individu ; tout accroc à ce cheminement pouvant mener au suicide.
Or, plusieurs pays ont récemment adopté une approche plus prudente dans les protocoles liés aux soins d’affirmation de genre. Ils l’ont fait pour répondre à des inquiétudes valides et, surtout, pour tenir compte de l’incertitude des connaissances actuelles sur les effets à long terme de la prise de bloqueurs de puberté et d’hormones du sexe opposé. La Norvège, la Suède, la Finlande et la Grande-Bretagne limitent maintenant la prise de ces médicaments chez les mineurs à des contextes de recherche cliniqueii. Certains projets de loi dans les états américains ont des visées similaires. Il n’est pas antitrans d’être prudent en ce qui regarde la santé des enfants.
Ainsi, la National Health Service (Angleterre) a récemment modifié son protocole concernant le traitement de la dysphorie de genre chez les mineursiii, passant de l’approche « affirmative » (utilisée au Canada) à une approche plus holistique et thérapeutique. L’approche affirmative s’appuie sur l’autodiagnostic des patients comme point de départ du traitement. Or, il appert que, dans la hâte d’affirmer l’identité de genre, des comorbidités (p. ex., l’autisme, la dépression, les troubles de l’alimentation) ont été ignorées. N’y a-t-il pas un problème éthique pour un médecin d’accepter, sans sourciller, l’autodiagnostic d’un patient pour justifier la mutilation d’un corps autrement sain ? Ne devrait-il pas considérer d’autres solutions ? Doit-on y voir une peur d’être ostracisé ? Le silence de nos médecins sur ce sujet est inquiétant.
S’il est navrant de voir la droite religieuse et conservatrice brandir leurs dogmes dans ce débat, l’attitude de la gauche nord-américaine, avec sa quête obsessive d’inclusivité teintée parfois par une ignorance flagrante des faits et de la science, n’est pas plus réjouissante.
Mais, il y a de l’espoir. Ainsi, le parti travailliste britannique, un parti de gauche et grand défenseur du transgenrisme, a récemment modifié son discoursiv. Tout en se portant à la défense de cette minorité, il admet maintenant que le sexe est distinct du genre, que des garanties sont nécessaires pour « protéger les femmes et les jeunes filles des prédateurs qui pourraient abuser du système » et il s’oppose maintenant à une simple autoidentification pour changer le statut légal du sexe. Voilà comment la gauche peut à la fois reconnaître l’existence d’une minorité en difficulté tout en acceptant l’importance du sexe biologique dans les politiques publiques.
La réalité du sexe
On lit fréquemment maintenant que le genre est « assigné » à la naissance. C’est faux. C’est le sexe qui est constaté à la naissance et il l’est sans aucune ambiguïté dans 99,98 % des cas. Le sexe est une réalité binaire, immuable et inscrite dans chacune des cellules du corps. Il cause la formation de femelles (femmes) capables de produire des ovules (et d’enfanter) ou de mâles (hommes) capables de produire des spermatozoïdes.
Ce sont là des faits qui correspondent à la réalité sexuelle de millions d’autres espèces sexuées. Arguer contre cette réalité biologique est de la pseudoscience. Aucun humain ne peut devenir ou se transformer en l’autre sexe.
Il est désolant de voir que, par souci d’acceptation de la diversité, on enseigne à nos enfants que le sexe est « assigné » à la naissance ou que l’enfant peut se fier entièrement à son ressenti pour savoir s’il est un garçon, une fille ou autre, et ce, sans tenir compte de son sexe biologique.
Pour la très grande majorité, le genre est un concept sans conséquence puisqu’il est en accord avec le sexe à la naissance. Alors, pourquoi l’école ne se contente-t-elle pas de célébrer l’appartenance sexuelle, la diversité à l’intérieur de chaque sexe, les différences entre les sexes et surtout, le libre choix de chacun de s’exprimer comme il l’entend, et ce, en tout respect ? Cela m’apparait plus productif que d’imposer et de propager une pseudoscience dans des esprits en développement.
i Code civil du Québec, Article 71.
ii https://www.forbes.com/sites/joshuacohen/2023/06/06/increasing-number-of-european-nations-adopt-a-more-cautious-approach-to-gender-affirming-care-among-minors/?sh=4f6ea157efbd
iii https://www.engage.england.nhs.uk/specialised-commissioning/gender-dysphoria-services/
iv https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2023/08/uk-trans-rights-labour-party/674944/
Source: Lire l'article complet de L'aut'journal