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Quand l’armée française jette 61 fois un Français en pâture aux cadres de l’armée américaine.
par Aymeric Monville
De retour du Xinjiang, je relis le volumineux rapport antichinois de 654 pages qu’avait diffusé, il y a deux ans, l’Institut de recherche stratégique de l’école militaire (IRSEM). Fort de cinquante autoproclamés chercheurs et comptant un relais de l’OTAN, officier supérieur de l’armée des États-Unis, l’institut parrainait ce pavé censé alerter sur les «machiavéliennes» opérations de la Chine et sur ses complices français dénoncés selon la méthode de McCarthy.
Deux ans plus tard, j’ai donc eu la facétie d’étudier les preuves avancées par le rapport concernant les informations à propos des Ouïghours puisque je reviens donc de la région de Chine, où ce peuple majoritairement musulman et parlant une langue turcique représente près de 45% de la population.
Pour ladite stérilisation forcée des femmes ouïghoures, l’unique source n’était autre que Adrian Zenz, un évangéliste allemand d’extrême-droite dont la détestation des pays socialistes, et notamment de la Chine, est proverbiale et qui n’a pas mis un pied au Xinjiang depuis 2007.
Pour les esclaves dans le champ de coton du Xinjiang, la source n’est autre que l’ASPI, l’Australian Strategic Policy Institute financé par le département d’État, le ministère des Affaires étrangères des États-Unis.
Pour les organes dits «halal» prélevés sur des prisonniers ouïghours et vendus à l’étranger, la source dudit rapport était le magazine «Vice», dont l’enquête était si probante qu’elle affirmait : «Toutes nos sources ont affirmé que les cadavres étaient brûlés pour éviter toute preuve».
Maxime Vivas avait pourtant déjà alerté un an avant la parution du rapport sur ces failles, dans son livre «Ouïghours pour en finir avec les fake news». Il montrait également le cas de médecin Enver Tohti, qui avait affirmé avoir prélevé en 1994 un organe sur un Ouïghour vivant, en vue du trafic vers l’Arabie saoudite. Le médecin avait dû à peine une semaine plus tard, en mars 2019, retirer ses allégations sur protestation de Riyad. Le professeur Albert Ettinger, dans une recension du livre de Vivas, se demandait d’ailleurs à juste titre, pourquoi cet Enver Tohti, malgré ses «aveux», n’avait fait l’objet d’aucune enquête judiciaire alors qu’il vit désormais aux États-Unis.
Inutile de rappeler que le média sur lequel avaient été proférées ces élucubrations du médecin Tohti n’est autre que «Radio Free Asia», une station de radio gérée par le «Broadcasting Board of Governors», agence fédérale supervisée par le département d’État, le ministère des Affaires étrangères des États-Unis.
Quant aux «trois millions de Ouïghours internés», ce qui ferait près d’un tiers de la population (10 millions), ce chiffre, qui d’ailleurs varie beaucoup au cours dudit rapport, apparaît dans une phrase du rapport dépourvue de note. Ce qui indique que le rapport de l’IRSEM n’a fourni aucune source, à moins qu’il ne faille aller à la note de bas de la phrase d’après, et là on retrouve comme source l’incontournable Adrian Zenz.
J’ai donc voulu, moi aussi, me rendre au Xinjiang.
Le rapport de l’IRSEM racontait que les Ouïghours «n’osent pas adresser la parole aux étrangers» ; j’ai pu constater le contraire à chaque coin de rue.
Le rapport parlait de «sinisation forcée» ; j’ai vu tous les panneaux officiels bilingues ou sinon trilingues, anglais-ouïghour-mandarin, dans les aéroports.
Le rapport parlait de religion persécutée, alors que j’ai vu, à Kashgar comme à Urumqi mosquées, madrasah, quartiers réhabilités, Ouïghours portant fièrement leurs vêtements traditionnels, etc.
Si trois millions de Ouïghours avaient été internés, soit près d’un tiers de la population, il est évident qu’il en aurait résulté une diminution drastique, visible à l’œil nu, de la population masculine majeure et valide, la plus susceptible, là-bas comme ailleurs, de faire l’objet d’une incarcération. Bref je n’aurais pas vu, dans les rues des grandes villes où je suis passé en long et en large en ce mois d’août 2023, que massivement des femmes, des enfants, des vieillards en masse, et une population hagarde, abandonnée, bref des villes en état de siège. Alors qu’au contraire j’ai été frappé par le développement, le tourisme, l’activité dans les rues, la liberté de chacun de sortir quel que soit son sexe. Trois millions d’internés, cela aurait donné ce qu’a tristement connu, en proportion, la Biélorussie, la république soviétique qui, en plein sur la ligne de front, avait le plus souffert de l’attaque nazie. Soit la perte d’un homme majeur sur deux, et je peux dire que là-bas tout le monde s’en souvient encore.
Bref, après pareils exploits d’un «institut» qui compte plus de cinquante chercheurs, la solution, visiblement était de pallier l’absence totale de sérieux par un pensum de 654 pages, «meubler» en quelque sorte. C’est ainsi que, de façon très baroque, comme un chien dans un jeu de quilles, je faisais mon entrée dans ce rapport qui jugeait alors bon d’avertir la France entière d’une simple rencontre de l’éditeur que je suis à l’ambassade de Chine, rencontre qui avait donné lieu à une banale photo-souvenir postée par l’ambassade.
Quant à Maxime Vivas, alors qu’une lecture approfondie et non strictement policière de son ouvrage sur les Ouïghours aurait préservé nos enquêteurs du ridicule, il a au contraire été littéralement crucifié, jeté en pâture aux cadres de l’armée américaine à qui était destiné ce rapport. Il a été cité plus de soixante fois. D’origine d’une famille antifranquiste espagnole, il a été traité en «mauvais Français», pour reprendre l’expression immonde du maréchal Pétain, et ce, par des Français écrivant en priorité pour une armée étrangère. Ça ne vous rappelle rien ?
Bruno Guigue, à l’époque, avait tout dit du rapport de l’IRSEM :
«C’est désespérant. En France, nous n’avons pas de masques, pas de vaccins, pas d’industrie, pas de monnaie, pas de croissance, pas de politique budgétaire, pas de défense indépendante, pas d’entreprises publiques, pas d’État souverain. Heureusement, nous avons des «experts» qui pondent un pavé de 650 pages pour critiquer ceux qui ont tout ce que nous n’avons pas».
Vu qu’il s’agit de rien de moins qu’un institut de l’École militaire, on peut clairement se poser la question de savoir si, au plan militaire, l’armée française est bien informée ou si elle n’est pas victime de provocateurs visant à justifier la folie belliciste des États-Unis. N’oublions pas que ce rapport a même été relayé, à l’époque, par toute la presse aux ordres, qui n’a pas hésité à traîner nos propres concitoyens dans la boue et à se livrer à une véritable opération d’intimidation. Je tiens à dire solennellement que jamais nous ne laisserons notre pays détruit par la bêtise à front de taureau des propagandistes de Washington. Désormais, l’heure est aux explications.
PS : En écrivant cet article, j’ai une pensée pour un homme intègre, le contre-amiral (2s) Claude Gaucherand, qui a bien voulu préfacer, en 2022, notre livre de première réponse à l’IRSEM «Les Divagations des antichinois en France». Qu’il en soit remercié.
source : Le Grand Soir
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