Elle est partie discrètement comme elle a vécu.
Mais peut-on être ou rester discrète quand on a voué sa vie à la condition de la Femme dans les sociétés dites arabo-musulmanes, mais aussi dans toutes les sociétés où la femme est spoliée de ses droits ?
Yolande Geadah est une femme convaincante, mais surtout convaincue qu’une société ne peut et ne saurait progresser sans le respect des droits des femmes, sans le respect de leur dignité, sans le respect de leur intégrité, sans tout simplement cette égalité inconditionnelle entres les femmes et les hommes qui fait progresser les sociétés vers plus de justice et de progrès.
Au regard du patriarcat, de la religion et de la misogynie, naître femme est une fatalité et c’est là que la puissance de l’œuvre de Yolande prend tout son sens.
Yolande Geadah était une femme de terrain, une observatrice fidèle aux principes humanistes qu’elle avait toujours défendus.
Lorsque les droits des femmes sont déviés au nom de la bienveillance communautariste, Yolande prenait sa plume pour nous rappeler le danger qui guette les petites parcelles acquises par les femmes depuis les siècles.
Lors des débats autour des accommodements raisonnables, Yolande osa un essai Les accommodements raisonnables. Droit à la différence et non différence des droits où elle nous invitait à une réflexion sur les balises à mettre en place afin de préserver les droits et les valeurs qui nous sont chers telles que l’égalité des sexes et la laïcité. Elle termina son essai par cet emprunt au philosophe Michel Onfray : « Il ne faut pas laisser le communautarisme tuer la communauté. »
Yolande était une observatrice efficiente des faits sociétaux de son temps. Soutenue de ses recherches et de ses analyses fouillées, elle n’a jamais craint de prendre sa plume pour informer, dire et éveiller les consciences sur les dangers qui guettent les droits des femmes et sur cette égalité encore bien fragile entre les femmes et les hommes.
Dans son livre Femmes voilées, intégrismes démasqués au pluriel, Yolande Geadah, riche de ses séjours en Égypte, décrypte les tenants et les aboutissants de cette idéologie soutenue certes par les religieux à des fins de pouvoir et de dominations des peuples et surtout des femmes. Elle met aussi en lumière « l’hypocrisie des puissances occidentales dénonçant l’intégrisme des uns tout en continuant à appuyer l’intégrisme des autres nous prépare un réveil brutal. »
Dans son livre La prostitution, un métier comme un autre , Yolande Geadah s’est attaquée au « plus vieux crime au monde » tel que le définissait notre amie Diane Guilbault. Pour Yolande Geadah, il n’est pas question de nier que c’est une forme d’exploitation sexuelle et elle se disait interpellée par le discours déstabilisant en faveur de la reconnaissance du travail du sexe comme métier libre et consenti.
De par son expertise sur des sujets spécifiques aux femmes, Yolande Geadah publia plusieurs textes dans différents médias et rédigea trois avis pour le Conseil du statut de la femme
– La polygamie au regard du droit des femmes. 2010
– La prostitution : il est temps d’agir. 2012
– Les crimes d’honneur : de l’indignation à l’action. 2013
Yolande Geadah, intellectuelle avisée, infatigable et toujours volontaire pour faire avancer les droits des femmes, contribua au procès de la Loi sur la laïcité de l’État (Loi 21) à la Cour d’appel du Québec par son expertise inégalée basée sur sa connaissance du monde arabo-musulman.
Les personnes de l’envergure de Yolande Geadah ne disparaissent jamais. Elles restent des références et nous poussent à plus d’engagements pour les femmes d’ici et d’ailleurs qui luttent pour exister.
Généreuse, elle nous a laissé un travail colossal, fruit de ses recherches et de sa réflexion sur divers sujets toujours en lien avec les droits des femmes.
Le nom de Yolande Geadah ne peut rimer avec indifférence, mais se conjugue naturellement avec générosité et engagement.
Merci, Yolande, pour cet héritage, nous te promettons que nous en prendrons soin.
Tu resteras une guide et une amie aussi précieuse que généreuse.
Nos pensées vont vers ton mari, tes enfants ainsi que ta parenté.
À toi, Yolande !
Andrée Yanacopoulo,
Leila Lesbet,
Christine Lévesque,
Aude Exertier,
Nabila BenYoussef,
Luce Cloutier,
Ghislaine Gendron
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