“Ce qui s’est passé ici est une parodie de justice, ce qu’ils font, c’est de l’ingérence électorale” : Donald Trump s’adresse aux médias à l’aéroport d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie, après s’être rendu à la prison du comté de Fulton, le 24 août 2023. Quelques heures après avoir été placé brièvement en état d’arrestation dans une prison de Géorgie. L’ex-président américain est à ce moment-là inculpé de tentative de manipulation de la présidentielle de 2020. Face aux journalistes, il dénonce un « simulacre de justice ». “C’est une thématique assez classique chez Donald Trump, explique Rudy Rechstadt. Il dénonce un complot politique dont la justice serait le bras armé, crie à la “chasse aux sorcières”, à la “persécution” et retourne l’accusation en faisant le procès public de la procureur Fani Willis, de l’Etat de Géorgie, qui l’a inculpé”. Mais l’ex-président américain a été inculpé par un grand jury qui n’est pas aux ordres de la procureure. Enfin, ce qui lui est reproché à Trump, c’est d’avoir tenté de manipuler le cours de l’élection dans l’Etat de Géorgie.
“Le discours complotiste autour de la justice va s’accentuer avec le calendrier judiciaire chargé de Trump”, estime de son côté Tristan Mendès France.
Du “cabinet noir” aux “juges rouges”
Le 23 mars 2017, François Fillon, alors candidat de la droite à la présidentielle, accusait, dans une interview sur France 2, le président de l’époque, François Hollande, d’orchestrer des fuites contre lui. “L’idée qui prévalait à l’époque, c’était celle d’un complot à la fois politique, médiatique et judiciaire », explique Rudy Reichstadt. “C’est toujours assez inquiétant de voir des personnages de premier plan comme ça encore une fois pousser un narratif et un récit complotiste assez classique qui est d’imaginer qu’il y a une sorte de cabinet noir mystérieux, qui comploterait dans l’ombre, qui chercherait à coordonner, manipuler la justice contre lui, remarque Tristan Mendès France. C’est à la fois un argument facile et dangereux parce qu’il jette la suspicion sur toute une institution : la justice.”
Nicolas Sarkozy a lui aussi pu avoir un discours pour le moins ambigu durant l’affaire des écoutes contre des juges “militants” qui voulaient “le terrasser politiquement”. “Qu’on me comprenne bien : il ne s’agit pas de dire que les magistrats seraient des êtres à part qui vivraient dans un monde éthéré, loin du tumulte de la politique, qu’ils ne sont pas traversés comme tout le monde de croyances, de biais, etc, poursuit Rudy Reichstadt. En démocratie, on peut tout à fait contester la manière dont une instruction est menée, la sévérité d’une peine infligée, critiquer la manière dont la justice s’applique et se souvenir que la justice est un pouvoir comme un autre, à l’instar du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif. Mais on ne peut pas reprocher à des juges d’appliquer la loi, et c’est le contraire qui serait anormal.”
Dans cet épisode, retour aussi sur les procédures baillons, et l’instrumentalisation de la justice par la complosphère.
« Quand les complotistes font le procès de la justice », c’est le 51e épisode de Complorama avec Rudy Reichstadt, directeur de Conspiracy Watch, et Tristan Mendès France, maître de conférence et membre de l’observatoire du conspirationnisme, spécialiste des cultures numériques. Un podcast à retrouver sur le site de franceinfo, l’application Radio France et plusieurs autres plateformes comme Apple podcasts, Podcast Addict, Spotify, ou Deezer.
Source: Lire l'article complet de Conspiracy Watch