par Gilbert Doctorow
Dans des articles antérieurs qui remontent à 2014, lorsque j’ai visité Riga à l’occasion de ses célébrations en tant que capitale culturelle de l’Europe, j’ai dénoncé la violation par la Lettonie des dispositions relatives aux droits de l’homme figurant dans l’acquis de l’UE (NDLT : ensemble du corpus juridique de l’UE), ce qui en fait l’État d’apartheid du continent européen. La question portait sur le retrait de la citoyenneté lettone à la plupart des russophones lorsque la Lettonie est devenue un État souverain en 1991.
Le principe invoqué dans la loi sur la citoyenneté était d’exclure tous ceux qui n’étaient pas Lettons avant le début de la Seconde Guerre mondiale. Il était dirigé contre les nombreux russophones qui se sont installés en Lettonie après la guerre, lorsque la RSS de Lettonie a attiré des travailleurs dans ses usines industrielles et ses installations portuaires en plein essor, ainsi que de nombreuses familles de militaires affectées aux installations navales de la région.
Au fil des décennies, les russophones ont été intégrés dans la société lettone et, lorsque l’URSS était sur le point d’éclater, nombre d’entre eux ont soutenu leurs concitoyens lettons dans la lutte pour l’indépendance vis-à-vis de Moscou, y compris dans la lutte armée. C’est ce qui m’a été ouvertement avoué en 2014 lors d’une conversation avec l’adjoint au maire de Riga chargé des événements de la capitale culturelle, qui a déclaré que les décisions de 1991 en matière de citoyenneté étaient une erreur, mais une erreur qui ne pouvait pas être corrigée maintenant, car ce serait perçu comme une concession à Poutine.
L’effet des lois sur la citoyenneté datant de l’indépendance de la Lettonie signifiait, en pratique, que plus de 300 000 russophones qui étaient officiellement enregistrés comme Lettons dans leurs passeports soviétiques devenaient apatrides. Les apatrides représentaient environ 15% de la population totale, et un pourcentage considérablement plus élevé dans la capitale, Riga. L’intention était clairement de procéder à un nettoyage ethnique.
En tant que non-citoyens, les russophones ont été soumis à de sévères restrictions économiques et sociales. Leur droit à la propriété a été limité. L’accès à certaines professions telles que la banque leur était interdit. Leur accession à des postes de responsabilité dans le monde des affaires était restreinte. Cette situation d’apartheid a été comprise par les membres du comité de l’Union européenne qui ont étudié la candidature de la Lettonie à l’admission dans l’Union en 2004, mais dans les tractations politiques qui ont permis l’invitation de 10 nouveaux États membres cette année-là, la violation flagrante de l’acquis par la Lettonie a été ignorée.
Les mesures de nettoyage ethnique prises par les législateurs lettons n’ont pas produit les résultats escomptés. La grande majorité des russophones de Lettonie sont restés dans le pays. La destination logique de l’émigration, la Fédération de Russie, était, dans les années 1990, en pleine désintégration économique, sociale et politique et n’avait pas de ressources à octroyer pour faciliter l’arrivée des Lettons. Même les soldats et officiers russes de retour d’Allemagne de l’Est n’ont pas été logés convenablement ou n’ont pas reçu d’aide financière. Les russophones apatrides de Lettonie sont donc restés sur place. Année après année, au cours du nouveau millénaire, les autorités ont multiplié les nouvelles lois discriminatoires pour rendre leur situation encore plus intolérable. De nouvelles lois linguistiques ont progressivement limité, puis interdit l’utilisation du russe dans les écoles et les établissements d’enseignement supérieur. Diverses organisations d’apatrides ont manifesté contre ces changements, mais en vain.
C’est dans ce contexte que s’inscrit ce que je vais décrire : l’expulsion forcée de Lettonie de certains russophones par les autorités lettones, qui commence demain, le 1er septembre.
Jusqu’à présent, le nombre absolu de personnes sur le point d’être expulsées n’est que de 5000 à 6000, car la dernière mesure en date vise les détenteurs de cartes de séjour qui possèdent également des passeports de la Fédération de Russie et qui n’ont pas réussi les examens prouvant leur maîtrise de la langue lettone. Comme condition secondaire pour ne pas être expulsé, le groupe ciblé est obligé de soumettre par écrit sa condamnation des politiques de la Fédération de Russie en ce qui concerne la guerre en Ukraine. En vertu de la législation lettone en vigueur, les lettres seront envoyées demain pour ordonner aux destinataires de quitter le pays dans un délai de trois mois.
En pratique, les autorités russes affirment que les expulsions visent principalement les retraités qui ont passé des décennies en tant que citoyens, puis en tant que résidents officiellement enregistrés en Lettonie.
Il est juste de dire que ce dernier tour de vis contre la population russophone de Lettonie laisse présager de nouveaux outrages russophobes dans le pays.
Je porte cette question à votre attention, car votre voix de protestation est sollicitée. Un appel à diverses organisations internationales chargées de la protection des droits de l’homme attend de nouveaux signataires. L’appel est adressé au haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, F. Türk, au Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, D. Mijatović, et au Haut-Commissaire de l’OSCE pour les minorités nationales, K. Abdrakhmanov. Toute personne intéressée à se joindre à cet appel peut m’envoyer un message via la fonction Contact de ce site et je la mettrai en contact avec les organisateurs de l’appel.
source : Gilbert Doctorow
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