par le général Dominique Delawarde
Il y a un an, j’écrivais à mes amis un billet pour leur expliquer l’état de la dette US.
En une année, la situation de cette dette US s’est considérablement détériorée avec la guerre en Ukraine et le rythme de cette détérioration s’est même accéléré.
Souvent surpris des propos très approximatifs de mes interlocuteurs lorsqu’on évoque la dette états-unienne et les principaux créanciers des USA, je vais donc tenter de refaire un point actualisé sur la question dans les lignes qui suivent.
La dette US totale comprend : les dettes des ménages, des entreprises, des 50 États de l’union, des institutions locales, des institutions financières et enfin la dette fédérale.
Au 29 août 2022 cette dette totale US se monte à 102 015 milliards de dollars soit 372% du PIB US, 97% du PIB mondial, 35 fois le PIB français…
Elle a donc augmenté de près de 10 000 milliards de dollars en 1 an (depuis mon dernier point de situation du 17 août 2022), beaucoup plus rapidement que les trois années précédentes ou l’augmentation annuelle n’était que de 6000 milliards de dollars par an…)
Sur ce montant considérable, la dette fédérale, celle de l’État US, dont on parle le plus souvent en géopolitique, n’est que de 32 817 milliards de $, en augmentation de 2163 milliards en 1 an, soit 121,8% du PIB US, le 29 août 2023. Elle n’était que de 22 356 milliards de $ (105,5% du PIB) en juin 2019.
Elle continue de croître au rythme de 5,6 milliards de dollars par jour (moyenne sur les 12 derniers mois). On réalise sur ce seul chiffre que les soutiens militaires et financiers US à l’Ukraine ne peuvent se faire que par un accroissement continu et significatif de la dette, ce qui a conduit l’agence de notation Fitch à dégrader la note de l’économie US, après l’agence Standard and Poors qui l’avait déjà fait en 2011 et l’agence chinoise Dagong qui l’avait fait en 2018.
Cette dette fédérale est, pour 76,9%, détenue par les Américains eux-mêmes (fonds de pensions, épargne des citoyens, compagnies d’assurance, institutions financières privées ou étatiques). La question n’est plus de savoir si ce système de fonctionnement de l’économie US fondé sur un océan de dettes va s’effondrer, mais quand
Les États étrangers créditeurs ne détiennent que 7563 milliards de dollars de dettes fédérales états-uniennes au 30 juin 2023 (dernier chiffre connu) soit 23,1% de la dette fédérale US. Cette proportion de la dette US détenue par l’étranger est désormais en baisse, probablement en raison d’un manque de confiance dans la solvabilité du pays débiteur (les USA) et par crainte de nombreux pays de se faire geler leurs avoirs en cas de sanctions unilatérales US. C’est à la fois peu et beaucoup, notamment en cas de crise économique mondiale résultant d’une faillite US.
Quels sont les continents et les pays les plus exposés au produit financier de plus en plus toxique que devient la dette US ?
• https://ticdata.treasury.gov/resource-center/data-chart-center/tic/Documents/table3b
Commentaires DD : Un désengagement notable des grands créditeurs d’Asie peut être observé sur une seule année.
Le Japon a réduit son exposition à la dette US de 127 milliards de $ soit 10% de la dette détenue.
La Chine continentale a réduit son exposition de 103 milliards de $ soit 10% de la dette détenue.
L’Arabie saoudite, qui vient d’adhérer aux BRICS, a réduit son exposition de 11 milliards de $ soit 10% de la dette détenue.
À l’inverse, la quasi-totalité des alliés de l’OTAN volent au secours du dollar, liant totalement leur avenir à celui des USA. C’est le cas du Canada qui a augmenté son exposition de 65 milliards soit +32% ; de l’UE (Belgique) qui a augmenté son exposition de 59 milliards soit +22% ; du Royaume-Uni qui a augmenté son exposition de 55 milliards de $ soit +9% ; de l’Espagne qui a augmenté son exposition de 27,5 milliards soit +102% ; de la Pologne qui a augmenté son exposition de 27,5 milliards soit +78%, du Luxembourg qui a augmenté son exposition de 22,5 milliards soit +8%, de l’Italie qui a augmenté son exposition de 6,5 milliards soit +7%… etc.
Ce qui est stupéfiant, c’est de voir l’Ukraine, déjà écrasée par sa propre dette extérieure du fait de la guerre, (voir l’excellent article sur la dette ukrainienne) s’exposer toujours plus au produit toxique qu’est devenu la dette US. L’Ukraine qui ne possédait que 8,2 milliards de dette US en juin 2022, a augmenté son exposition de 13,6 milliards de $ en 1 an, soit +166%.
D’autres pays de l’OTAN, plus rares, plus prudents ou plus désargentés, réduisent leur exposition à la dette US. C’est le cas de la France qui réduit son exposition de 18 milliards de $ sur un an, de la Suède qui réduit son exposition de 6 milliards de $.
Il apparaît donc que le premier créancier des USA est bien désormais l’ensemble UE+UK+Norvège+Ukraine qui détient plus de 2415 milliards de dollars de dette US, chiffre en hausse constante, et non la Chine+Hong Kong qui n’en détiennent plus que 1032 milliards, chiffre en baisse progressive et quasi-continue depuis début 2018.
En clair, en cas de crise économique, monétaire et/ou boursière, partant des USA, c’est l’UE qui se trouverait la plus exposée, après les USA, aux conséquences immédiates d’un effondrement du dollar, de la bourse et/ou de l’économie US.
Il est vrai que la Chine perdrait, avec les USA, son troisième partenaire commercial, derrière l’UE et l’Asie, et serait durement affectée, elle aussi. Mais la Chine dispose d’un immense marché intérieur et surtout d’un gigantesque marché planétaire en développement rapide (Routes de la Soie, BRICS, OCS) qui lui permettrait sans doute de s’en sortir moins mal que d’autres…
Notons aussi que les paradis fiscaux (Îles Caïmans par exemple) regorgent de dettes US. Le blanchiment d’argent et la corruption se portent donc toujours très bien dans le monde.
La comparaison du tableau de juin 2022, ci-dessus, avec celui de mars 2019, ci-dessous, est édifiante. On réalise que seuls les pays de l’OTAN, à l’exception de la Turquie dont l’exposition à la dette US est quasiment nulle (2 milliards de $) et de la France, et quelques alliés asiatiques (Singapour, Taïwan, Corée du Sud) ou océaniens (Australie, Nouvelle Zélande) s’accrochent encore au dollar et viennent le soutenir en achetant toujours plus de dettes US et en liant ainsi leur sort à celui des États-Unis.
La quasi-totalité des autres pays se désengage (Chine et Japon, bien sûr, mais aussi Afrique et Amérique latine), sans parler de la Russie et de ses amis (Biélorussie, Iran, Venezuela, Syrie, Cuba …etc.) qui ont abandonné le dollar depuis longtemps.
L’exposition des pays de l’UE +UK+Norvège à la dette US est en forte croissance depuis 2019.
Commentaires DD : Rien de bien surprenant à ces tableaux et à leur comparaison. L’engagement du Royaume Uni, principal allié, voire complice des USA, a plus que doublé en 4 ans. Il est de 2,5 fois supérieur à celui de la France en 2023 pour un PIB quasi-équivalent. Le Royaume-Uni continue donc, plus que jamais, de lier son destin à celui des USA.
L’Allemagne, avec un PIB supérieur de 36% à celui du Royaume-Uni se montre beaucoup plus prudente en s’exposant 7 fois moins… La France qui s’exposait moins que l’Allemagne le 30 avril 2017 (élection du président Macron) à 67 milliards contre 75 milliards, s’expose désormais beaucoup plus à 218 milliards contre 95… alors que le PIB allemand est de 47% supérieur à celui de la France. Cherchez l’erreur…
Depuis l’arrivée de Emmanuel Macron au pouvoir, l’exposition française à la dette US a presque quadruplé passant de 67 milliards de dollars le 30 avril 2017 à 237 milliards le 30 juin 2022 avant de redescendre un peu. La France a donc pris beaucoup de risques pour participer au sauvetage du soldat «dollar» et par conséquent de l’hégémonie de son allié US.
Il est vrai que la France n’a désormais guère le choix. Alors que sa dette explose depuis l’an 2000, et plus encore depuis 2017, sa bourse (CAC 40) est toujours plus sous contrôle des fonds de pension américains et notamment de BlackRock, fondé par des membres de la diaspora new-yorkaise.
Comme tous les fonds de pension US, BlackRock détient aussi de la dette US en quantité non négligeable. Si le système US de la dette «à la Madoff» venait à s’effondrer, BlackRock serait évidemment impacté, et donc le CAC 40 aussi… On comprend tout l’intérêt de la France à soutenir le système fou de la dette US «à la Madoff» dont l’effondrement provoquerait le sien…
Notons, au passage, que Madoff, était membre de la diaspora néoconservatrice, comme le sont les fondateurs de BlackRock, comme l’étaient Marthe Hanau et Stavisky, en France, à la veille et au lendemain de la crise de 1929 (ces deux derniers n’étaient pas néoconservateurs…) ou comme le sont bon nombre des milliardaires qui possèdent et/ou contrôlent les GAFAM, les laboratoires pharmaceutiques et la majorité des médias mainstream occidentaux.
Notons encore que Janet Yellen, secrétaire au Trésor US est également un membre éminent de la diaspora néoconservatrice comme tous ses prédécesseurs, nominée au palmarès mondial de l’influence du Jerusalem Post. C’est donc elle qui gère la dette US (à la Madoff) et concocte les sanctions ou pressions tous azimuts prises dans le cadre des guerres économiques et/ou commerciales à visée géopolitique (Russie, Iran, Syrie, Turquie, Venezuela, Chine, Mexique, UE, North Stream 2, etc.).
Il est vrai aussi que notre pays est soumis aux pressions très fermes de lobbies transnationaux, de multinationales, de grandes concentrations médiatiques et de pouvoirs politiques trans et supra-nationaux d’obédience néoconservatrice, très engagés dans la finance internationale, qui le «contraignent» quelque peu pour ce qui concerne sa politique économique et financière et, bien évidemment, sa politique étrangère. On me dit souvent : «l’explosion de la dette n’est pas un problème dans la mesure où l’on sait bien qu’elle ne sera jamais remboursée. Une bonne petite guerre permettra de remettre les compteurs à zéro, comme après la crise de 1929». Nous y sommes, ou nous en approchons, peut être… Il n’est pas impossible que cette prophétie peu rassurante finisse, hélas, par se réaliser, dans un réflexe de «fuite en avant» de ceux qui ont déjà beaucoup perdu, qui savent qu’ils vont tout perdre s’ils ne tentent rien, et qui n’ont plus grand-chose à perdre…
Source : Lire l'article complet par Réseau International
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