Les compagnies minières sont sous pression avec la forte demande pour les métaux et les minéraux critiques qui alimente la transition énergétique mondiale. Elles se voient ainsi contraintes à un double impératif, celui d’accroître rapidement la production tout en décarbonant leurs processus d’extraction, de raffinage et de production. Il est permis de croire que le deuxième sera escamoté au profit du premier.
L’illustration de cette pression et des attentes sous-jacentes vient de l’engagement des investisseurs dans le potentiel de croissance de ces sociétés minières. Dans son rapport annuel L’industrie minière en 2023 : l’ère de la réinvention, qui sonde les 40 plus grandes compagnies minières du monde, la firme de services-conseils PwC retient que la capitalisation boursière de ces entreprises a triplé en 2022, passant de 400 milliards de dollars américains à 1200 milliards. Pourtant, leur chiffre d’affaires est demeuré élevé, mais stable, l’an dernier, à 711 milliards, alors que les coûts et l’incertitude économique ont réduit les marges d’exploitation de 32 % à 29 %.
Vu autrement, les transactions portant sur ces minéraux représentent 66 % du total des fusions et acquisitions des 40 plus grandes compagnies minières en 2022. Leur composition a considérablement changé, la valeur des transactions de minéraux critiques ayant augmenté de 151 % par rapport à 2021. En tant que métal clé permettant l’électrification et les énergies renouvelables, « le cuivre a été le produit phare de l’année, représentant 85 % de toutes les transactions de minéraux critiques et 56 % de l’activité de fusions et acquisitions du Top 40 », écrit PwC.
L’on s’attend à ce que les minéraux critiques soient vitaux pour la société et l’industrie minière pour au moins les prochaines années. Or la route devant elles est parsemée d’obstacles et de défis.
En amont, selon l’Enquête 2022 réalisée par PwC auprès de plus de 4000 chefs de direction dans le monde, plus du tiers des chefs de direction du secteur minier (35 %) considèrent que leur entreprise sera fortement ou extrêmement exposée aux risques liés au climat au cours de cinq prochaines années. D’autant que de nombreuses opérations minières se déroulent dans des environnements chauds, secs et éloignés.
En aval, la production minière et métallurgique entraîne d’importantes émissions de carbone. Les procédés miniers représentent 4 à 7 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, selon GlobalData. La décarbonation orientera donc les décisions d’affaires pendant des décennies.
Difficile décarbonation
Mais cette décarbonation est subordonnée aux forces géopolitiques, à la concentration géographique des ressources, au temps pour mettre en oeuvre de nouvelles productions minières ou encore à la qualité déclinante des ressources dans certaines régions. « En raison de l’incertitude géopolitique persistante, de la transition rapide vers les technologies d’énergie propre et de l’importance de ces deux enjeux pour la sécurité nationale et la stabilité économique, les gouvernements du monde entier ont pris des mesures rapides pour sécuriser leur approvisionnement en minéraux essentiel. Ce faisant, ils ont considérablement modifié les règles du jeu », écrit PwC.
Les pénuries prévues d’approvisionnement en minéraux critiques soulèvent un défi d’accès aux ressources dans une transition nécessitant davantage de minéraux critiques extraits. L’influence croissante de la géopolitique sur l’industrie minière mondiale pourrait imposer un nouvel ordre du jour dans un monde où il faut composer avec une Chine exerçant une influence, voire une domination sur de grands pans de la chaîne d’approvisionnement en minéraux et métaux stratégiques, et ce, même si les réserves se trouvent en grande partie dans d’autres pays.
Bref, dans un monde sans politiques internationales de normalisation environnementale des pratiques d’exploitation minière — maintes fois dénoncées par les collectivités locales pour leur effet sur la déforestation, la destruction d’écosystèmes —, la pollution de l’air et la contamination de l’eau pourraient être amplifiées.
Tout au plus ce poids de l’influence géopolitique viendra-t-il mettre l’accent sur le recyclage, dans une optique d’économie circulaire orientée vers la réutilisation.
Le charbon toujours dominant
Afin d’illustrer davantage cette difficile décarbonation d’une industrie stratégique, « pour la première fois depuis 2010, le charbon a été le principal contributeur au chiffre d’affaires total du Top 40, passant de 23 à 28 % », fait ressortir PwC.
Le charbon comptabilisait plus de revenu du Top 40 que tout autre produit minier, les gouvernements ayant choisi d’ajouter de la capacité de production au charbon dans un contexte de crise énergétique mondiale. Qui plus est, l’Agence internationale de l’Énergie a rappelé que la consommation mondiale de charbon a touché un sommet « historique » en 2022 et devrait de nouveau flirter avec un « niveau record » cette année.
Dans cet éternel jeu d’équilibre entre la protection de l’environnement et la sécurité énergétique, on peut voir de quel côté le balancier penche.
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Source : Lire l'article complet par Le Devoir
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