Cela fait tout l’été qu’on nous inocule dans la cervelle qu’il faudrait se rendre au cinéma pour y regarder les films de la poupée Barbie et le biopic d’Oppenheimer, mais personne ne s’est arrêté un instant pour réfléchir au sens de ces deux navets.
Déjà, la temporalité. Je ne suis pas introduit aux arcanes de cet immense bordel cocaïné et wokisé qu’est Hollywood, mais je suis certain qu’il s’agit d’une stratégie de marketing visant à faire croire que les gens « de goût » et « intelligents » iront forcément visionner Oppenheimer, tandis que les « idiots » et les « sans-dents » iront voir Barbie. En réalité, et c’est cela qu’ils visaient dès le début, c’est exactement l’inverse qui se produit. Barbie a été vendu comme étant un film à contre-pied, à prendre au second degré, sciemment kitch, ce qui a poussé tout un tas de personnes « de goût » à aller visionner Barbie avant Oppenheimer, tandis que les sans-dents sont allés voir Oppenheimer pour se donner un ton avant d’aller à la séance suivante pour visionner la bourrine asexuée Barbie.
Les producteurs jouent donc avec cette stratégie pour mobiliser les spectateurs, qui seront contents d’avoir dépensé une fortune pour aller voir deux films ridicules. On pourrait même affirmer que les producteurs se sont mis d’accord pour se faire réciproquement promotion, sans le dire explicitement.
Personne ne semble avoir réfléchi à la signification de ces deux films, disais-je plus haut. Et pourtant, c’est fondamental, car ils viennent dire quelque chose de cette fin de cycle que vit l’Occident, seul cas connu de suicide collectif jubilatoire.
Barbie et Oppenheimer sont ni plus ni moins deux films qui racontent la fin du monde. Barbie est la narration du cataclysme social ; Oppenheimer est la narration du cataclysme atomique.
Barbie est l’histoire de la poupée éponyme qui doit sauver son monde du patriarcat. Le film a été encensé par les féministes du monde entier, ce qui laisse songeurs quant à l’effondrement de ces mouvements. Le Capital a récupéré les mouvements féministes pour les diluer en un flot de fringues roses et de narcissisme béat et autovalidant. Barbie est le film qui représente sans aucun détour le monde tel que le fantasment les wokes : des femmes interchangeables et superficielles et des hommes castrés et soumis car potentiellement dangereux. On croyait qu’il s’agissait en quelque sorte d’un film à prendre au second degré ; erreur, car il est très sérieux (le wokisme, surtout féminin, est, en tant que nouvelle forme sécularisée de puritanisme calviniste, incapable de développer les nuances et les subtilités propres au second degré), et il est à prendre au pied de la lettre.
Quelle est l’essence de cette poupée ? Barbie est un être vide et autocentré, une monade qui ne peut dialoguer avec rien d’autre que l’image qu’elle renvoie d’elle-même. Elle, elle et encore elle – tout ce qui sort de son univers étroit est ontologiquement dangereux. L’Occident s’est enterré dans la Grotte de Platon et a bouché l’entrée avec du béton armé. C’est le progressisme Instagram, TikTok et OnlyFans. Il y a vraiment de quoi s’étonner de l’effondrement de l’amour propre de certaines féministes occidentales qui s’identifient à cet objet nihiliste qu’est Barbie, fétiche créé aux États-Unis dans les années 50 pour dresser les jeunes filles à ressembler au modèle que le Capital leur imposait et qu’aujourd’hui encore tout un tas d’idiotes suivent en croyant que ce serait un modèle d’émancipation féministe.
Oppenheimer. Là, on est vraiment dans l’univers des inversions des valeurs. Un biopic qui présente un scientifique carriériste, communiste, Européen et imbuvable qui construit la bombe nucléaire et puis fait semblant d’avoir des scrupules. La démocratie libérale dans le monde, larguée sur les civils. Car oui, ces enfoirés d’Etats-uniens n’ont pas largué deux bombes nucléaires sur les armées japonaises, eh non !, ils l’ont fait sur deux villes qui n’avaient aucun intérêt stratégique et surtout qui étaient des villes peuplées de civils. Que Dieu maudisse les Etats-Unis et tous ses collabos aux noms des civils japonais, irakiens, vietnamiens, syriens, libyens et afghans qu’ils ont massacrés.
Aller voir Oppenheimer sans questionner ne serait ce qu’un instant le sens de ce film, ce qu’il raconte, et ses implications, et avoir l’outrecuidance de l’apprécier car « c’est un film de Nolan, et moi, je suis quelqu’un d’intelligent » ne relève pas seulement d’une stupidité inouïe mais également d’une faute morale profonde et condamnable. Oppenheimer dévoile l’essence de la technique selon les termes de Martin Heidegger, qui est celle de la Gestall, traduit par « arraisonnement ». Non seulement la technique moderne n’est pas neutre comme le pensent tous les imbéciles qui vivent au rythme de leurs smartphone, mais en plus nous ne la contrôlons plus – elle nous a échappé. Oppenheimer est présenté comme étant une sorte de magicien qui a trouvé le moyen de dévoiler (au sens heideggérien du terme) l’énergie atomique porteuse de paix et liberté à l’américaine, et qui finira par incinérer des civils, c’est-à-dire des bébés, des femmes et des vieillards, pas des soldats, et ainsi inaugurer un nouvel empire millénaire de laideur et de nihilisme. C’est peut-être le seul point intelligent de ce film, car oui, Oppenheimer était bel et bien un magicien, mais un magicien noir, un sorcier totalement envahi par la technique et sa destructivité. « Une révolution scientifique » titrait le 7 août 1945 le quotidien Le Monde…
C’est donc en cela que Barbie et Oppenheimer représentent les deux faces de notre époque. Il s’agit de deux narrations nihilistes qui éventrent la dignité de l’homme à travers ce que l’Occident a pu produire de plus dégueulasse et destructif. Il n’y a aucune étincelle de vie dans ces deux narrations, aucun espoir, seulement des discours creux, des ricanements et de la prétention esthétique bonne à couvrir avec un verni l’épouvantable laideur contemporaine.
En 1935, Carl Gustav Jung écrivait dans son célèbre article Essai sur Wotan que « Wotan le vagabond est en mouvement. » Le psychiatre suisse voulait dire par-là que l’archétype de Wotan avait ressurgi en Allemagne, et que cela n’allait pas sans conséquences destructrices. Aujourd’hui, face à l’emprise de la technique moderne, à son exaltation et au pitoyable théâtre woke qui émerge de cette catin qu’est devenue la civilisation occidentale, nous pouvons affirmer que « Loki le malin est en mouvement ».
Maxence Smaniotto
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