par Jacques Henry
À la fin du néolithique correspondant à l’émergence de l’âge du bronze c’est-à-dire au cours des derniers millénaires de l’Holocène, le changement du climat s’acheminant vers un refroidissement après l’optimum dit de l’Holocène, se caractérisa par une instabilité des précipitations, abondantes puis suivies de sécheresses dévastatrices. Cette instabilité débuta vers 4200 ans avant l’ère commune en Europe mais également en Asie et plus particulièrement en Chine. Les études de «proxys» tels que les pollens et la variation du pourcentage de l’oxygène-18 dans les calcites des grottes et l’analyse des carottages des sédiments accumulés dans diverses grottes et alluvions, 147 au total, ont permis de reconstituer les fluctuations des températures.
Dans la plaine centrale de la Chine ces études ont encouragé les scientifiques à étudier des fouilles archéologiques pour tenter d’étayer cette hypothèse d’une instabilité météorologique (cf. la note à ce sujet en fin d’article). Un site a focalisé l’attention des archéologues. Il se trouve au sein de la localité actuelle de Pingliangtai situé près d’un affluent de la rivière Huai dans la plaine de Huanghuaihuai elle-même située dans le bassin du puissant Fleuve Jaune. Ce site archéologique est une petite ville, Pingliangtai, protégée par une sorte de rempart de terre de forme carrée située sur une éminence modeste au milieu d’une plaine sujette aux inondations lors des précipitations capricieuses suivies invariablement de périodes de canicule et de sécheresse.
Cette ville, bien qu’elle date de plus de 4000 ans avant l’ère commune, paraît remarquablement organisée pour faire face à la mousson :
Les larges espaces séparant les enfilades d’habitations construites en lignes droites comportaient des fossés de drainage des eaux de pluie (schéma [a] de l’illustration, le quartier des constructions habitées figure dans la partie [b] de l’illustration). La découverte archéologique la plus extraordinaire est la présence de tubulures en terre cuite permettant d’évacuer les eaux de pluie vers la grande chaussée (espace matérialisé en jaune) traversant la ville du nord au sud bordée de fossés plus profonds. La deuxième illustration est un autre système de tuyauterie évacuant l’eau de la grande avenue vers l’extérieur de l’enceinte.
Les éléments de terre cuite étaient emboités les uns à la suite des autres. Il s’agit de la plus ancienne construction d’assainissement connue réalisée entre 4100 et 3950 avant l’ère commune. Les fouilles ont mis à jour de nombreux restes de ces éléments de canalisations qui ont évolué au cours des années de construction, 150 ans c’est long, près de cinq générations de l’époque, passant de simples vases évasés sans fond jusqu’à des éléments standardisés comme celui présenté ci-dessous :
Enfin un exemple des poteries découvertes dans les tombes du cimetière de cette même ville :
Le site de Pingliangtai n’est pas unique en Chine puisqu’à la même époque dite de la culture Longshan le site de Liangchengzhen dans la province de Shandong a révélé le même type de tuyaux de drainage des eaux de pluie. Que se passait-il en Europe à cette même époque, autour de 4200 ans avant l’ère commune ? C’était l’apogée du royaume de Sumer (qui disparaîtra quelques centaines d’années plus tard) et le développement de celui de l’Égypte pré-pharaonique avec la culture Naqada dans la vallée du Nil, la création de Suse dans l’Iran actuel. En Europe la civilisation minoène émergeait à peine avec une industrie néolithique présente dans l’île de Santorini qui disparaîtra plus tard avec l’explosion du volcan du même nom. Rien dans la France et l’Italie actuelles. Les îles britanniques étaient pratiquement inhabitées. Il est donc évident que la Chine s’acheminait vers une puissance régionale d’une importance qui alla par la suite devenir croissante avec la mise en place tant de l’écriture que de l’apparition d’un pouvoir central autoritaire qui existe toujours aujourd’hui.
source : Nature Water parue le 14 août 2023 et Nature Water (informations supplémentaires)
Note
La période d’instabilité du climat qui suivit l’optimum de l’Holocène fut précédée d’une baisse des températures telles qu’elles ont pu être déterminées par analyse de la teneur en oxygène-18 dans les spéléotèmes collectés dans six grottes réparties autour des bassins du Fleuve Jaune et du Yangtsé. Cette instabilité fut caractérisée par de fortes précipitations suivies par des périodes de sécheresse se prolongeant parfois durant plusieurs années consécutives. Le même tableau se retrouve en Europe et dans le nord du continent africain avec en particulier un reverdissement de toute la région saharienne depuis l’Atlantique jusqu’à la Mer rouge à la faveur de cet optimum de l’Holocène. Au cours du refroidissement qui suivit et en quelques millénaires seulement cette région redevint désertique. À l’échelle géologique une instabilité s’est dès lors installée : une alternance d’épisodes froids suivis d’épisodes plus chauds toujours documentés par divers proxys comme la nature des pollens et la teneur en oxygène-18 dans les spéléotèmes et les sédiments. Aujourd’hui encore cette instabilité du climat existe et se poursuivra pendant un petit millénaire et alors la planète Terre entrera dans un nouvel épisode de glaciation. Si on se réfère aux anciens cycles de Milankovitch la fin d’une glaciation se caractérise par une remontée brutale des températures provoquant une fonte soudaine des calottes glaciaires, l’optimum de l’Holocène, mais ce pic de températures était par le passé très court, toujours à l’échelle géologique, et il est hasardeux de tenter de faire des projections pour imaginer un retour rapide ou lent d’une nouvelle période de glaciation. Aucun scientifique honnête s’y hasarderait. Ce qui est certain est un retour programmé d’une nouvelle glaciation et nul ne sait quand la baisse généralisée des températures se fera sentir ni dans quel état se trouvera alors l’humanité …
source : Jacques Henry
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