Le 7 mars 2023, le gouvernement canadien, suivant celui des États-Unis, demandait une consultation dans le cadre du chapitre sanitaire et phytosanitaire de l’Accord de libre-échange Canada, États-Unis et Mexique (ACEUM) afin de remettre en cause un décret adopté par le gouvernement mexicain qui bannit le maïs blanc transgénique de la production des tortillas et de la masa. Tout comme le font les grandes compagnies d’OGMs, le gouvernement canadien invoque un « manque de preuves scientifiques » quant à leurs impacts sur la santé humaine.
Pourtant, par exemple en France, aucun OGM n’est admis à la culture à des fins commerciales depuis 2008 et l’étiquetage des produits contenants des OGMs est quasi-généralisé dans les pays européens. Le Mexique fonde sa décision sur une vaste gamme d’études indépendantes, contrairement à celles utilisées par le Canada ou le Québec, qui n’ont souvent pas été révisées par des pairs et sont recommandées par l’industrie elle-même.
De plus, à l’occasion d’un Dialogue économique de haut niveau en juin, le Canada souhaitait remettre en cause la récente réforme du code minier proposée par le Mexique. Même si cette réforme est beaucoup trop timide selon plusieurs groupes, elle limiterait la durée maximale des concessions minières, réglementerait l’exploitation de l’eau par les compagnies minières et protégerait davantage le droit des communautés à être consultées. Selon l’Ambassade du Mexique au Canada, cette réforme vise à « réduire l’impact sur l’environnement, assurer la conservation de l’eau pour la consommation humaine et à protéger les communautés locales et autochtones, des enjeux qui font partie des priorités partagées entre le Mexique et le Canada ». Ne sont-ce pas là effectivement des objectifs qu’une bonne partie des populations du Mexique et du Canada souhaiterait voir prendre le pas sur les intérêts économiques de grandes compagnies minières, dont plusieurs sont notoirement liées à de graves violations des droits humains ou à des désastres environnementaux?
Par de telles interventions, le Canada continue de menacer la souveraineté alimentaire et la protection des territoires et de l’environnement, n’hésitant pas à intervenir dans les affaires internes du Mexique pour défendre des intérêts corporatistes canadiens. Encore une fois, comme ce fut le cas historiquement en Amérique latine, les intérêts des compagnies minières et des multinationales de l’agribusiness prennent le dessus sur le bien commun (tant au Mexique qu’au Canada), sur la protection de l’environnement, la souveraineté alimentaire, la santé publique et les droits des communautés, bien loin des beaux discours canadiens sur la lutte contre les changements climatiques et la transition juste.
Rappelons que la paysannerie mexicaine, en très grande partie autochtone, s’est faite la gardienne de plus d’une soixantaine de variétés de maïs depuis des siècles. Il ne s’agit donc pas ici uniquement d’une question sanitaire ou économique, mais aussi de défendre la diversité culturelle et biologique face à un modèle agricole industriel homogénéisant. Selon Timothy Wise (Institute for Agriculture and Trade Policy), depuis l’Accord de libre-échange Nord-Américain (ALENA,) « les exportations de maïs des États-Unis ont augmenté de 400%, ce qui a engendré une chute des prix jusqu’à 66% pour les producteurs au Mexique, un désastre qui a découragé la production domestique, et a occasionné la dépendance aux importations pour le Mexique, qui représentent maintenant 38%, limitant la souveraineté et la sécurité alimentaires ».
Plutôt que d’exporter des pratiques toxiques et passéistes, nous demandons instamment au gouvernement canadien d’adopter des comportements cohérents avec une transition juste, qui allient justice écologique et sociale pour toutes et tous. Pour nos organisations, le Canada doit respecter les décisions souveraines du Mexique et ne pas s’opposer au bannissement du maïs génétiquement modifié et du glyphosate; il devrait également admettre qu’il est urgent de limiter et d’encadrer le pouvoir des compagnies minières canadiennes, à l’étranger comme ici même.
Luc Allaire, président du Centre international de solidarité ouvrière (CISO)
Amélie Nguyen, coordonnatrice du Centre international de solidarité ouvrière (CISO)
Alliance du personnel technique et de santé (APTS)
Collectif de convergence citoyenne Ahuntsic-Cartierville
Comité de solidarité Trois-Rivières (CSTR)
Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL)
Conseil central Montréal métropolitain – CSN
Conseil central Saguenay Lac-Saint-Jean – CSN
Conseil régional FTQ Montréal métropolitain
La Convergence populaire
Syndicat canadien de la fonction publique – Québec
Syndicat des Métallos
Unifor-Québec
Source: Lire l'article complet de L'aut'journal