Mais l’ennemi c’est le peuple !
Volet 1
par Mendelssohn Moses
Dans ce premier de deux volets synthétisant de récentes publications à la gloire des réseaux «Stay-Behind» de l’OTAN, voici d’abord l’essai intitulé «Retour au futur : Conceptualiser le rôle des Forces spéciales de l’OTAN au XXIe siècle» (Back to the Future : Designing the Role of NATO Special Operations in the 21st Century).
Paru sur le site de l’Atlantic Forum, l’article est rédigé par deux individus nominalement de nationalité italienne, déployés auprès du NATO Special Operations Headquarters (NSOHQ) : Gabriele Pierini, civil, ex-Commission européenne, ex-attaché du Consulat US à Florence, et le Lt, Col. Leonardo Doddi, Directeur adjoint auprès de NSOHQ.
«Nominalement» Italiens, car se dévouer avec autant d’ardeur au sein d’un dispositif militaire qui piétine la souveraineté de l’Italie tendrait à les qualifier autrement.
Quoiqu’il en soit, l’article est à lire dans le contexte du notoire White Paper des agences privées de sécurité publié en juin 2020 «The New Normal 2.0 : Private Security and COVID-19 in Europe» dont on ne se lasse pas de citer le passage suivant (p. 20) ; les agences privées y sont proposées sous l’angle de forces d’opérations spéciales pour le maintien de l’ordre en Europe occidentale :
«Menaces pour la sécurité publique : La pandémie a exposé la vulnérabilité de nos Infrastructures critiques. Dans l’évènement où surviendrait au cours de l’année à venir une crise économique majeure, celle-ci pourrait entraîner une intensification des activités de crime organisé et aussi de la turbulence sociale. Des manifestations de masse contre les mesures visant à contenir SARS-CoV-2, manifestations qui ont déjà eu lieu dans plusieurs pays européens, sont le premier signal de la polarisation et radicalisation potentielle de segments de nos sociétés et démontre comment des extrémistes tant de gauche que de droite, environnementalistes radicaux et criminels pourraient tirer profit des manifestations pour piller et détruire. Selon l’Europol Terrorism Situation and Trend Report 2020 la protection de l’espace public, ce sont les rassemblements de masse et l’Infrastructure Critique qui devra continuer à être la priorité. Pour répondre de façon appropriée à ces défis et garantir la sécurité publique le maintien de l’ordre va vraisemblablement devoir s’appuyer sur des agents privés de la sécurité bien formés et en nombre conséquent. Le risque d’une crise de sécurité s’ajoutant à la crise sanitaire est bien réelle tandis que le préjudice que cela pourrait porter à nos démocraties serait effroyable».
«(…) Pour véritablement mettre en œuvre le Continuum de Sécurité et permettre aux sociétés privées de sécurité et à leurs travailleurs de fournir des services essentiels, les autorités publiques doivent : engager le dialogue avec les Sectoral Social Partners nationaux au sein de l’industrie privée de la sécurité afin que [nous puissions] ensemble relever les défis les plus urgents qui affectent le déploiement sécurisé (safe) et efficace des deux millions d’agents de la sécurité privés sur toute l’Europe».
«(…) CoESS et son sectoral Social Partner UNI Europa ont rédigé une première liste de recommandations dans une Déclaration conjointe. Garantir le déploiement sans entrave des agents de la sécurité privée en cas de nouveaux confinements afin qu’ils puissent continuer à assurer leur mission – ainsi que le propose la Commission européenne».
En effet, Pierini et Doddi s’adressent à la question du Continuum de Sécurité, qui dans leur jargon, s’appelle «whole-of-society-approach» – englobant la société comme un tout, ou Comprehensive Defence (CD).
La question qu’ils posent est le rôle des Special Operations Forces (SOF) «en temps de paix et de crise» ; le concept de crise reste sans définition. Les membres de l’Alliance et leurs «partenaires» (sic) également non définis, doivent être recalibrés pour «répondre aux nouveaux défis qui sont caractérisés par l’incertitude et qui exigent une approche whole-of-society».
URGENT – OTAN cherche délateurs près de chez vous !
Selon Pierini et Doddi, l’OTAN ne peut plus se fier sur les seules «actions des différents gouvernements», mais doit chercher tout autant «la participation active des citoyens, en raison de l’incertitude concernant l’éventuelle émergence de nouvelles menaces».
En autres mots, trouver des délateurs et des espions dans la société civile face à l’inconnu qu’est le potentiel de réflexion du citoyen lambda. Par ailleurs, seule l’OTAN sait qui sera le prochain ennemi à abattre, puisque cette «incertitude» dépend aussi des exigences financières de l’industrie de l’armement US/RU.
Apparemment, NSHQ aurait publié un manuel sur Comprehensive Defensive en 2020, que nous n’avons pas encore pu étudier, et qui indiquerait aux gouvernements comment réagir face à des évènements «naturels, accidentels ou malveillants» … des groupes dans la société soutiennent les moyens d’informer le public (….) et crée les conditions de confiance, cohésion et motivation.
Les SOF de l’OTAN vont intervenir «dans des environnements ambigus et sensibles», à la demande d’un Allié ou “partenaire”» (sic) (…). «Les SOF pourront être intégrées aux institutions gouvernementales et internationales en temps de paix ou lors d’une crise en phase d’escalade, afin de (…) promouvoir la collaboration inter-agence et inter-ministérielle (…) seconder les forces de l’ordre (…) aider les civils, et intensifier l’inter-opérabilité entre les forces de l’OTAN et de l’UE».
Tout le monde aura compris qu’il s’agit de déployer les SOF de l’OTAN à l’intérieur même de chaque nation, à l’insu du peuple concerné, en dictant aux Quislings sur place comment déployer les forces de l’ordre etc.
Etant donné que ce type d’article est toujours publié après la mise en place des dispositifs concernés, il est permis de supposer que tout cela est désormais opérationnel à 99%.
«L’OTAN peine à identifier l’adversaire» – puisque c’est le peuple
Après avoir cité les «succès» des forces spéciales européennes – dans les faits, des défaites écrasantes stratégiques sur le moyen et long terme (Oman, Afghanistan etc.)., Pierini et Doddi en viennent au noyau dur : «avec la fin de la guerre froide, il est devenu ardu pour l’OTAN d’identifier des adversaires» (sic), poussant à se reconvertir dans «l’agilité» et les expéditions punitives, plutôt que sur la défense et la dissuasion.
Louable franchise, jusqu’à un certain point.
Quel équilibrisme ! Car il s’agit d’aller plus loin, et d’indiquer aux «stakeholders» (terme que nos auteurs ne définissent pas non plus ; on va dire «parties prenantes») les orientations à adopter à travers les divers plans de l’appareil répressif, sans toutefois réveiller ce Grand Endormi qu’est le peuple.
Puisque l’ennemi désormais patent n’est autre que le peuple européen qu’il soit russe ou occidental, Pierini et Doddi reconnaissent qu’il ne peut y avoir de Déclaration de guerre ; en conséquence, c’est en temps de paix qu’il faut que l’OTAN agisse, pour notamment «définir des indicateurs (sic) d’activités malveillantes, par exemple en dépistant des cyber-attaques militarisées (weaponised)(…)». Et ils proposent d’établir des «cellules régionales», dites «regional fusion cells», afin de «synchroniser et coordonner le renseignement régional, le maintien de l’ordre, et des activités militaires irrégulières». Soulignons qu’aucun détail n’est donné sur la composition des regional fusion cells ni pourquoi ce terme fut choisi.
Pour ceux qui se plaisent dans l’exercice de l’ironie, une conversation avec Pierini et Doddi sur les «regional fusion cells» et les émeutes de juillet 2023 dites «de banlieue» en France, serait sans doute un jeu drolâtre de sous-entendus.
Nous venons ensuite à un étrange paragraphe rédigé en Novlangue ; n’arrivant pas à l’interpréter, nous le reproduisons tel quel :
«Les SOF des Alliés et “Partenaires” (sic) doivent, en coordination avec l’OTAN, (…) s’adapter afin d’efficacement recruter (engage, sic) les différents publics de l’OTAN. Les objectifs de dissuasion de l’OTAN seraient mieux servis par une coordination plus étroite (…) en ce qui concerne la diffusion des messages stratégiques des activités nationales des SOF, qui n’auraient pas jusqu’alors été divulguées comme étant une activité entreprise par l’OTAN».
N’étant pas un spécialiste du domaine, Papa Mendelssohn s’abstiendra de formuler, du moins à voix haute, une hypothèse sur ces lignes qui pourtant n’augurent rien de spécialement bienveillant.
Pierini et Doddi terminent en soulignant que les activités (en ordre chronologique) du Western Union Clandestine Committee, Clandestine Planning Committee et de l’Allied Clandestine Committee, quoique théoriquement sous la coupe des services secrets des forces armées de chaque pays européen, étaient «fréquemment utilisées par l’OTAN» et de facto conduites par les services de renseignement de l’Angleterre et des USA.
Tels ces «grands patriotes» de l’OAS … ?
En tout cas, les Années de Plomb en Italie, les assassinats des grands magistrats-instructeurs au fait des liens entre la Mafia et les Suspects Habituels (Alessandrini, Borsellino, Falcone, Dalla Chiesa … la liste est longue, mais quand on aime, on ne compte pas ?), le cas d’Enrico Mattei et d’Aldo Moro, le sabotage de la Gare de Bologna … rien de cela ne semble avoir terni l’enthousiasme des grands patriotes que sont Pierini et Doddi.
SOF et la provocation de «dilemmes stratégiques» pour la Russie
Sur le plan plutôt militaire, il ne s’agit plus simplement de «répondre aux crises» mais d’adopter une approche «historique, confronter les adversaires dans un environnement non-permissif et fermé/protégé (non-permissive and denied) en profondeur et en largeur».
Puis vient l’énigmatique conclusion : pour Pierini et Doddi, les SOF en Ukraine se sont avérées un échec au moins depuis 2014 avec l’émergence des Républiques populaires de Lougansk et Donetsk. Désormais, il s’agira d’agir en amont par d’autres techniques, «une approche préventive, visant à entraver l’adversaire (…) dans tous les domaines de guerre dont la cyper-espace et le cosmos. La combinaison des capacités SOF avec d’autres outils tant militaires que non-militaires, provoquera des effets stratégiques dont le but final est de créer des dilemmes stratégiques éventuellement multiples, afin d’empêcher la survenue d’un fait accompli comme celui en Ukraine orientale en 2014».
Aucun mention du fait que l’Ukraine est ni dans l’OTAN, ni dans l’UE, mais c’est un détail.
Car l’Ukraine est sans aucun doute le territoire le plus labouré par les cultivateurs de l’OTAN, ses forces spéciales et leurs prédécesseurs pro-NSDAP depuis les années 1940. Les documents déclassifiés le prouvant sont particulièrement nombreux par exemple celui-ci datant de 1958, sans parler du plus récent «A Defence Plan for the Ukraine» de Barry R. Posen.
Avec un déploiement aussi massif des SOF depuis 80 ans, l’OTAN eût pu espérer… quoi, au juste ? Que la réalité physique, matérielle, que des centaines d’années d’histoire, s’évanouissent dans le métaverse face à quelques Bandéristes entraînés par les SAS ?
Cependant, fidèle à la doctrine «double down on insanity», Pierini et Doddi proposent rien de moins que de réinventer les SOF au sein de l’OTAN en maniant d’une part les technologies «émergentes et perturbatrices (disruptive)» pour contrer la «mésinformation, désinformation etc.», et d’autre part, de revenir (back to the future) si besoin aux méthodes traditionnelles : opérations clandestines, infiltration, création de réseaux, intégration dans la société civile, «sans nécessairement utiliser des technologies de communication ou de navigation». Ces cellules doivent être réduites en taille (smaller footprint) afin «d’opérer de manière persistante dans différentes régions».
Selon les sources du Colonel Douglas MacGregor qui ont pu analyser les images satellites de l’ex-Ukraine début août, 125 000 tombes auraient été fraîchement creusées. Le Colonel pense qu’environ 400 000 jeunes ukrainiens sont morts depuis février 2022, et le triple d’hommes blessés. Pour nos auteurs de «Back to the Future» ce palmarès serait-ce le petit prix à payer pour la «réinvention» de l’OTAN ? Telle leur vision de l’avenir pour l’Europe occidentale ?
We should be told.
*
Le deuxième volet présentera un article paru en 2021 sous la plume de Tamir Sinaï, chercheur israélien attaché au George C. Marshall Fund, fond qui vient d’être désigné par Scott Ritter dans Agent Zelensky comme le centre de recrutement pour ces «influenceurs».
Mendelssohn Moses
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
Source: Lire l'article complet de Réseau International