L’urgence d’une vraie constitution initiale

L’urgence d’une vraie constitution initiale

Avis. — Le présent texte est une réplique au texte de Réjean Forget, « Pas urgent, la constitution ».

Pourquoi et comment remplacer la constitution fédérale

Ladite constitution actuelle du Québec n’est qu’un appendice de celle du Canada depuis 1867, une loi britannique édulcorée par son importation unilatérale en 1982, qui a réduit le pouvoir de l’Assemblée nationale, notamment en matière linguistique.  Toute constitution de tradition britannique n’est qu’un amas hétéroclite d’éléments de lois, de conventions et de coutumes.  Ainsi, complice de cette importation contre la volonté du Québec, la Cour suprême du Canada a allègrement supprimé son droit de véto constitutionnel, pourtant une tradition qui avait été reconnue jusque-là (cf. La bataille de Londres par Frédéric Bastien, Éditions du Boréal, 2013).  Commodité hypocrite : non écrit, il fut juridiquement facile de jeter ce droit virtuel à la trappe.  Pour comble d’insulte, seule la version anglaise de la constitution dans son intégralité (et quelques dispositions de la version française) est reconnue comme officielle.  Il est inadmissible de soumettre le peuple québécois à une constitution de langue étrangère !

Au surplus, la version de 1867 de la constitution canadienne concernant le partage des compétences n’est plus respectée depuis longtemps par le gouvernement fédéral lui-même, puisqu’il n’a de cesse d’envahir les champs de compétence des provinces, avec le vol du pouvoir de taxation directe (impôts sur les revenus et la richesse des particuliers et des sociétés) depuis la Seconde Guerre mondiale.  Cet énorme pouvoir de dépenser anticonstitutionnel du fédéral permet d’offrir au Québec l’aumône du pauvre, c’est-à-dire le miroir aux alouettes qu’est la péréquation, qui ne berne et culpabilise que les soumis sans ressort.

Ainsi, dans le contexte pernicieux actuel, il n’y a même plus franchement de constitution canadienne, seulement une apparence de constitution.  Or, tout peuple doté d’un État a besoin d’une constitution saine et claire.  Le peuple du Québec doit donc se doter de sa propre constitution.  Une constitution entièrement écrite et succincte à la française, comme le préconise le professeur de droit constitutionnel et ancien vice-premier ministre Jacques-Yvan Morin (« Une constitution nouvelle pour le Québec — le pourquoi, le contenu et le comment sur la constitution », Revue québécoise de droit constitutionnel, 2008).

L’Assemblée nationale du Québec, après une consultation populaire, doit établir dans cette constitution tous les pouvoirs qu’elle juge nécessaires à la survie du peuple québécois.  Quel contenu ?  On s’inspirera de l’étude de l’IRAI de 2022 (citée dans mon article précédent, « La Constitution du Québec : une idée-force »), qui indique les champs de compétence qui devraient relever exclusivement du Québec, spécialement ceux qui reçoivent un appui majeur de la population, surtout chez les francophones.  Par exemple, l’immigration devrait relever du Québec selon un appui général de 60 %, mais de 67 % chez les francophones.  

Il y a urgence nationale : depuis le référendum de 1995, le fédéral a mis en place le piège de la noyade migratoire.  Cette dernière est maintenant appliquée en mode accéléré afin d’anéantir la nation québécoise, en la réduisant au statut de groupe ethnique parmi les autres, dès le milieu du présent siècle… sur notre propre territoire national.

Certes, après l’avènement de l’indépendance du Québec, il sera opportun d’adopter une nouvelle version de la constitution québécoise idoine au nouveau statut.  Mais dans le contexte actuel, une constitution initiale est impérative.  En fait, pour les souverainistes, elle deviendra un tremplin vers l’indépendance.  Il s’agit de reprendre l’édification de l’État du Québec, abandonnée après le premier ministre Daniel Johnson père, sans demander de permission à qui que ce soit.  Par des gestes, des moyens, des mesures osant la transgression du statu quo afin de nous rendre favorables le rapport de force avec le régime canadien.

Que ce soit pour atteindre l’indépendance ou adopter une constitution initiale avant elle, il faudra une bonne dose de courage à la fois au sein de la classe politique et de la population.  À titre de souverainiste, je suis convaincu que la soif de liberté s’amplifiera naturellement avec l’acte refondateur de l’adoption d’une constitution qui soit de nous, par nous, pour nous-mêmes.

Les autres arguments

Dans l’enquête de l’IRAI de 2022, il s’agissait de prendre le pouls de la population quant aux pouvoirs qu’elle juge essentiels pour le Québec.  Ainsi, on constate que la population est plus lucide sur le défi existentiel du Québec que sa classe politique.  Il est stérile de reprocher à l’IRAI de ne pas avoir posé des séries d’autres questions sur différentes options… pour rabattre la population dans la souricière du référendum avec l’option du sempiternel statu quo dont on veut se débarrasser. 

En particulier, l’analyse de Réjean Forget a le défaut de dénoncer cette étude comme une astuce.  Il s’agit là d’une intériorisation de la culpabilité entretenue par l’ennemi fédéral de notre peuple, avec à la clé la contagion de ce virus chez les autres militants souverainistes.  Dans son sens favorable, l’astuce est définie ainsi : « adresse déployée pour échapper à des circonstances difficiles » ; avec ces synonymes : « finesse, subtilité » (CNRTL).  Il faut en finir avec l’autocensure de la réflexion et de l’action.  Le propos de Réjean Forget me rappelle cependant un événement du passé sur lequel je reviendrai.

L’argument positif que la Colombie-Britannique possède une constitution écrite nous est utile pour une simple raison formelle : on ne pourra refuser au Québec qu’il adopte la sienne.  Certes, la constitution de la Colombie-Britannique est une coquille vide, parce qu’il s’agit évidemment d’une province anglophone.  Dès que les Québécois inscriront la langue française comme langue commune et langue de l’État ainsi que la culture québécoise dans leur constitution, celle-ci contredira intrinsèquement la doctrine multiculturaliste du régime canadien, nous redonnant ainsi la primauté du dynamisme politique, malgré Ottawa.

Rejeter la stratégie perdante du passé

Contrairement à sa mission, le Parti québécois n’a pas fait la promotion de l’indépendance pendant un demi-siècle, sauf au cours de l’année qui a précédé les deux référendums sur la souveraineté (tel que le répète l’ancien ministre Gilbert Paquette).  Au pouvoir, le PQ s’est contenté d’être un bon gouvernement provincial ; il a sombré dans le progressisme compensatoire.  Le PQ a donc raté la pédagogie de l’indépendance, en ses volets théorique et pratique.  La pédagogie pratique consistant à agir unilatéralement contre les menées d’Ottawa.  Parce que la liberté vient en l’exerçant.  Sans demander de permission.  Comme la chance, le dynamisme se provoque.

Il faut rejeter la formule de la pensée magique : Référendum gagnant = indépendance.  C’est prendre l’instrument pour le but.  Le référendum n’est qu’une voie parmi d’autres, comme une élection générale portant sur ce thème ou un vote majoritaire à l’Assemblée nationale.  Ensuite, il faudra une déclaration d’indépendance suivie d’une reconnaissance de pays clés dans le monde.  Ce processus pourrait être long.

Les référendums sur la souveraineté furent problématiques parce qu’en posant une question appelant un Oui ou un Non, cela signifiait tout ou rien.  En fait, en boutade, j’affirme que ce fut moins que rien parce que le Québec a reculé après leur échec.  Si le deuxième (1995) fut volé par la tricherie fédérale, le premier (1980) fut tenu parce que promis, quoique le premier ministre René Lévesque savait qu’il allait le perdre.

Pourtant, le ministre Rodrigue Tremblay avait offert une voie de sortie, un référendum à trois options, qui aurait respecté cette promesse (La 3e option, Éditions France-Amérique, Montréal, 1979) :

1.  Un statut de souveraineté-association (l’option de René Lévesque).

2.  Un statut de fédéralisme renouvelé (à être défini par le camp fédéraliste).

3.  Un statut d’autonomie dans une véritable confédération (retour à la constitution de 1867, mais avec un accroissement de pouvoirs pour le Québec et les provinces).

La beauté de ce référendum : il aurait fait avancer le Québec, même avec l’option 2 gagnante.  Et concernant celle-ci, les représentants fédéralistes auraient dû s’entendre entre eux pour concrétiser cette option pendant la campagne ; s’ils n’y arrivaient pas, les deux autres options en profitaient.  Astucieux ?  Assurément !

Un référendum de type tout ou rien est carrément suicidaire, surtout depuis l’adoption de la Loi (dite) sur la clarté, qui permet aux fédéraux d’établir les critères de validité d’un référendum québécois après-coup.  Bref, un Non collectif serait un Non, mais un Oui collectif serait un Non quand même.  La voie référendaire est devenue piégée.

Contradictoirement, Réjean Forget admet que la route vers l’indépendance pourrait s’avérer longue, même si la souveraineté est urgente !  C’est précisément la raison pour laquelle il faut une constitution initiale comme adjuvant au projet souverainiste afin de relever le défi existentiel qui nous incombe.  Une formule hyper gagnante : un trajet raccourci vers l’indépendance.

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Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec

À propos de l'auteur Vigile.Québec

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