par Gilbert Doctorow
Dans ces pages, j’ai plusieurs fois fait remarquer que la ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock, du parti des Verts, pratiquait en Allemagne une politique étrangère radicalement russophobe. Pour que personne ne croie à tort que les opinions de Mme Baerbock sur la Russie sont strictement les siennes, permettez-moi de vous rappeler que les Verts allemands étaient le bloc le plus violemment anti-russe au Parlement européen il y a une douzaine d’années ou plus. À cet égard, ils étaient en concurrence étroite avec le parti de l’Alliance des démocrates et des libéraux (ADLE) dirigé par l’ancien premier ministre belge Guy Verhofstadt, un autre détracteur de la Russie qui dissimulait son animosité en se liant d’amitié avec des Russes anti-Poutine tels que Boris Nemtsov.
Mais en termes de rhétorique vicieuse, je pense que les Verts, avec des eurodéputés comme Rebecca Harms, ont eu le dessus. En 2012, ils faisaient activement campagne pour une version européenne de la loi Magnitsky, par laquelle les États-Unis ont imposé des sanctions sévères à la Russie pour des accusations forgées de toutes pièces de violations des droits de l’homme. Elles n’ont pas réussi à frapper durement la Russie avant 2014 et l’annexion de la Crimée, mais elles ont fait de leur mieux.
Comme nous le savons tous, grâce aux roulements de tambour des partis centristes allemands, l’Alternativ fuer Deutschland est un parti d’extrême droite aux tendances néo-fascistes. Si vous avez des doutes, il suffit de demander au comité éditorial du Financial Times et il vous répondra en approuvant cette interprétation. Cependant, nous avons ici un autre cas de propagande en miroir, où les allégations sont plus appropriées à ceux qui les font qu’à ceux qui en sont la cible. Ce que je dis, c’est que les Verts allemands anti-russes sont le véritable parti extrémiste de la droite avec des tendances néo-fascistes, tandis que l’AfD pro-russe est un défenseur de la souveraineté allemande contre les forces d’occupation américaines. Le rejet par les Verts de la contrition d’après-guerre pour les péchés de leurs pères et grands-pères s’exprime dans la nouvelle attitude «plus sainte que toi» à l’égard de la Russie et du revanchisme.
La marque des Verts s’est construite sur l’environnementalisme. Mais les Verts au pouvoir en Allemagne ont sacrifié avec enthousiasme leurs politiques respectueuses de l’environnement sur l’autel de la guerre avec la Russie. Dans le sillage d’une crise énergétique nationale précipitée par le rejet des hydrocarbures russes, les Verts ont ramené les générateurs au charbon. S’il y a quelque chose de respectueux de l’environnement dans les politiques du gouvernement Baerbock, c’est bien la désindustrialisation en cours de l’Allemagne grâce au départ des capacités de production vers des pays où les conditions énergétiques et réglementaires sont meilleures.
***
La marque de fabrique cajoleuse et pro-environnementale des partis Verts européens leur a valu un succès particulier auprès des jeunes lors des élections législatives de 2019 dans toute l’Europe. Ici, en Belgique, ils ont obtenu de bons résultats dans les trois régions qui constituent le royaume. Dans la région de Bruxelles-Capitale où j’habite, ils ont joué un rôle majeur dans la formation de coalitions gouvernementales. Dans ma commune d’Ixelles, ils sont les patrons de l’administration locale.
Qu’ont-ils donc obtenu au pouvoir pour rendre notre vie quotidienne plus «verte», c’est-à-dire moins polluée, plus compatible avec la nature et plus durable ? Ma réponse est sans équivoque : à tous égards, les politiques intérieures promues par les Verts sont aussi détachées du bien-être économique de la population et de la joie de vivre que la politique étrangère menée par Baerbock en Allemagne est détachée des véritables intérêts économiques, voire sécuritaires, de son pays.
Parmi les diverses politiques intérieures de la Belgique auxquelles je pense, il y a la guerre contre les automobiles et l’accès routier à nos villes qui étouffent effectivement les économies locales sans raison, la mise en œuvre de programmes en faveur de la biodiversité qui n’ont qu’un effet cosmétique tout en contribuant à la destruction de parcs et de forêts qui ont mis des siècles à se développer.
Je me concentrerai ici sur cette dernière conséquence des politiques des Verts belges, puisque c’est précisément à ce sujet que s’est produit hier un incident qui m’a incité à rédiger la présente critique.
Au cours de la dernière décennie et demie pendant laquelle les questions des Verts ont façonné les politiques environnementales de la Région de Bruxelles-Capitale et du territoire environnant de la Flandre, la Forêt de Soignes, connue comme le poumon de la ville d’une part et d’autre part comme la destination préférée des Bruxellois pour les week-ends d’équitation et les promenades à pied, est devenue un terrain vague jonché de débris.
Certes, ce parc est surveillé par des gardiens de l’environnement qui sont habilités à faire respecter les règles d’utilisation du parc et qui, cette année, sont vêtus d’uniformes verts élégants et portent quelque chose qui s’apparente à des chapeaux de tyrolien. Mais les règles qu’ils mettent en œuvre sont pour le moins farfelues et ne s’attaquent pas du tout à la dégradation continue de la forêt.
Lorsque je suis arrivé à Bruxelles en 1980, la Forêt de Soignes était encore vierge, si l’on peut dire. Je l’ai parcourue en grande partie à cheval lors de promenades dominicales au sein d’un groupe organisé par une écurie publique située à l’orée du bois. Il fallait faire attention, car la forêt était peuplée de tamias, d’écureuils et d’autres petites bêtes qui font facilement fuir les chevaux. La forêt était également un lieu de cueillette de baies, de champignons et d’autres produits comestibles, selon les goûts de chacun.
Plus important encore, la Forêt de Soignes ressemblait à ce qu’elle était au XVIIIe siècle, lorsqu’elle fut plantée comme la plus grande forêt de hêtres d’Europe. De magnifiques arbres centenaires créaient une cathédrale en plein air qu’il était agréable de contempler en toutes saisons.
Deux cents ans de tradition ont été balayés par les Verts et d’autres écologistes lorsque le nouveau principe de la biodiversité a pris le pouvoir au cours du nouveau millénaire.
Les hêtres ont des racines peu profondes et les tempêtes de vent et de pluie extraordinaires qui ont traversé la région en cette ère de changement climatique font des ravages. Mais les politiques de retour à la nature dictées par les Verts ont eu pour conséquence pratique que les arbres tombés sont laissés là où ils sont tombés et qu’ils pourrissent. Le sol de la forêt est aujourd’hui rempli de ces débris. Sans les fortes précipitations de la Belgique, cette forêt s’enflammerait comme une bougie lors d’une vague de chaleur comme celle qui frappe actuellement le sud de l’Europe.
Le remplacement des hêtres abattus par les leurs est exclu grâce au credo de la biodiversité. Mais la notion même de biodiversité est bafouée par une autre réalité : la forêt est devenue morte pour la vie animale. Il n’y a plus d’écureuils, plus de tamias, plus d’oiseaux dans la forêt aujourd’hui. La seule vie animale qui bouge est celle des limaces.
Je ne peux pas dire dans quelle mesure la disparition des petits animaux de la forêt est due à la politique des Verts ou à toute autre politique humaine. Mais cela remet en question tout le concept de gestion forestière pratiqué aujourd’hui. De plus, le sol de la forêt, autrefois propre, est maintenant obstrué aux promeneurs non seulement par des débris d’arbres mais aussi par une vaste prolifération d’orties et de buissons.
Certains de ces buissons ont de la valeur, et j’étais occupé à récolter cette valeur hier lorsque j’ai cueilli quelques kilogrammes de mûres pour faire le lot de confiture de mûres de cette saison. Alors que je quittais la forêt, j’ai été interpellé par un jeune homme d’une vingtaine d’années portant l’un des nouveaux uniformes de garde forestier. Il s’est précipité sur moi, de peur que je ne m’échappe à l’arrêt de bus voisin avec mon sac de trophées.
Ce garde forestier m’a demandé d’ouvrir mon sac, manifestement dans l’espoir que j’avais ramassé des bolets et que je pourrais ainsi recevoir une convocation pour payer l’amende de 500 euros pour braconnage. Cela ajouterait une plume de plus à son chapeau tyrolien.
Bien que déçu, il m’a sermonné sévèrement en me disant qu’il était interdit de prendre quoi que ce soit dans la forêt. Si vous voulez cueillir des mûres, faites-le dans votre jardin, m’a-t-il dit.
«Mais alors, qui mangera les mûres de la forêt ?» demandai-je dans ma seule et faible tentative d’argumenter avec lui. «Les insectes ?»
«Oui, les insectes», dit-il avec satisfaction. «Et si je vous surprends encore une fois à faire cela, vous serez condamné à une amende !»
Je n’ai pas poursuivi la discussion, bien qu’il y a un an, lors d’un contrôle similaire des gardes forestiers sur ce que je prenais dans la forêt, ils m’ont dit gentiment que j’avais bien fait, que les mûres faisaient une excellente confiture.
Maintenant, permettez-moi de prendre du recul et de soulever la question des champignons, dont la cueillette est interdite depuis plus d’une décennie par des avertissements largement affichés à l’entrée des allées menant à la forêt. Cette interdiction est également censée servir les intérêts de la biodiversité, comme si les cueilleurs de champignons pour un déjeuner en omelette allaient de quelque manière que ce soit endommager le stock de champignons. En Russie, toute la population est folle de champignons et nettoie les forêts chaque automne, mais les petits champignons repoussent l’année suivante sans perte de fécondité. En Belgique, les champignons «protégés» ne remplissent que le ventre des limaces et diminuent en nombre et en qualité d’année en année.
La dégradation de la Forêt de Soignes dit-elle quelque chose de l’idiotie imposée à la population bruxelloise par nos Verts et autres écolos au pouvoir ? Elle dit, à mon sens, que l’environnementalisme n’a rien à voir avec l’environnement et tout à voir avec la prise et la conservation du pouvoir.
source : Gilbert Doctorow
Adblock test (Why?)
Source : Lire l'article complet par Réseau International
Source: Lire l'article complet de Réseau International