Un coup d’État dans un pays africain pauvre n’est pas inédit, mais le contexte géopolitique actuel lui confère une importance mondiale.
Par Timur Fomenko, analyste politique
Source : RT, 2 août 2023
Traduction : lecridespeuples.fr
L’armée du Niger, pays d’Afrique de l’Ouest, a renversé le gouvernement par un coup d’État, ouvrant la voie à une nouvelle confrontation avec l’Occident. Le Niger se trouve dans une situation similaire à celle de la plupart des États d’Afrique de l’Ouest, avec la France, son ancienne puissance coloniale, qui continue à exercer son pouvoir financier et militaire sur le pays et à s’ingérer dans ses affaires intérieures.
C’est pourquoi le coup d’État a été populaire, certains manifestants demandant le départ de la France et l’arrivée de la Russie. Dans le nouvel environnement géopolitique dans lequel nous vivons, les États africains disposent désormais d’un plus grand espace politique et d’options pour se débarrasser de l’influence occidentale. Le Niger, pays enclavé, appauvri et déchiré par la guerre, mais riche en matières premières, est en passe de devenir une nouvelle frontière.
À l’époque de l’unipolarité américaine, les États d’Afrique étaient à la merci de l’Occident. Pauvres, désespérées et instables, de nombreuses nations africaines ont été contraintes de compter sur leurs anciens suzerains coloniaux, ainsi que sur les États-Unis, pour obtenir diverses formes d’assistance. C’était particulièrement vrai à l’époque de la « guerre contre le terrorisme », lorsque des insurrections islamistes menaçaient la sécurité de leurs populations. Les forces spéciales françaises et américaines ont été déployées pour combattre les terroristes dans les États d’Afrique de l’Ouest, par exemple lors d’un horrible enlèvement dans un hôtel au Mali en 2015. Toutefois, cette assistance, qu’elle soit financière ou militaire, était assortie de l’obligation pour les États africains de respecter les conditions idéologiques de l’Occident – une forme de néocolonialisme.
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Mais le monde a changé. Le contexte de la guerre contre le terrorisme est révolu et nous vivons désormais dans un environnement géopolitique dicté par une concurrence acharnée entre des pays puissants – principalement les États-Unis et leurs « alliés » face à des rivaux tels que la Chine et la Russie. Cet environnement signifie que les États africains ont désormais d’autres « options » pour obtenir de l’aide, ce qui leur permet de maximiser leur propre autonomie politique et leur espace plutôt que de céder aux conditions idéologiques d’un autre pays. Par exemple, les États africains utilisent de plus en plus le groupe Wagner pour assurer la sécurité plutôt que l’aide occidentale, tandis que l’initiative chinoise « Nouvelle route de la soie » signifie également que les États africains ne peuvent plus être exploités par des organisations telles que le FMI.
Dans ces circonstances, les militaires étant les acteurs politiques les plus forts dans des pays instables comme le Niger, ils ont la possibilité de prendre le pouvoir et d’être protégés de la prédation occidentale, car dans ce système international, les États-Unis ne peuvent plus mener d’interventions militaires unilatérales directes. C’est ainsi que des gouvernements et des armées ont profité d’une réaction anti-française dans toute l’Afrique de l’Ouest pour commencer à chasser la présence des anciens maîtres coloniaux. En l’espace d’un an, l’armée française a été expulsée du Mali et du Burkina Faso. Le Niger devrait être le prochain. Toutefois, le risque d’une guerre civile soutenue par la France demeure.
Si le coup d’État au Niger devait finalement réussir, les nouvelles autorités ont l’intention d’établir des relations plus étroites avec la Russie, qui peut devenir un nouveau garant de la sécurité, beaucoup moins compliqué. Si la Chine fournit généralement une assistance économique et infrastructurelle aux États africains, ainsi qu’une garantie de non-intervention et un soutien à la souveraineté nationale, elle est moins ouverte et moins encline à fournir un soutien militaire spécifique pour écraser les insurrections, ce qui est davantage le créneau de la Russie.
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Bien entendu, le Niger a également une importance stratégique. Bien qu’il soit facile de le considérer comme un pays enclavé et appauvri au milieu du désert, le Niger possède un stock important de ressources naturelles, notamment de l’uranium, du charbon, de l’or, du minerai de fer, de l’étain, des phosphates, du pétrole, du molybdène, du sel et du gypse. Ses réserves d’uranium sont parmi les plus importantes au monde, ce qui est absolument essentiel pour l’énergie nucléaire. C’est pour cette raison que la France n’est pas disposée à céder le Niger sans se battre, et qu’un conflit potentiel par procuration se profile à l’horizon. Si les intérêts soutenus par l’Occident dans le pays sont vaincus, la perte stratégique du Niger en termes de ressources serait énorme, et il est très probable que la Chine prendrait l’avantage sur l’Occident dans le processus.
Tout cela a fait du Niger la nouvelle frontière la plus improbable du monde. Si les discussions sur les coups d’État et les guerres civiles en Afrique peuvent sembler ordinaires aux yeux du public occidental, elles se déroulent désormais dans un nouvel environnement géopolitique largement perçu comme une nouvelle guerre froide. L’attitude condescendante de l’Occident à l’égard de l’Afrique, un continent qui aspire à l’indépendance et à la prospérité, fait des ravages. Des portes s’ouvrent à d’autres acteurs, et c’est pourquoi nous en sommes ici aujourd’hui.
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