561 ans ou 641 ans ? Les dieux délibèrent…
3 août 2023 (16H45) – Je rappelle les faits, votre honneur : hier après-midi, dans la bourdonnante rédaction de l’organe que vous lisez, quelqu’un ou bien quelque inspiration venue des dieux eut l’idée de prendre l’absurde au pied de la lettre. (D’ailleurs, qui peut dire que qualifier l’absurde d’“absurde” n’est pas en soi une absurdité ? Qui ?) Puisque le texte d’Ilya Tchoukanov nous indiquait que les accusations cumulées et accumulées contre Trump lui réservaient potentiellement un séjour en prison de 641 ans, pourquoi ne pas utiliser cet élèment dans un titre devenu ainsi aguichant et énigmatique (« RapSit-USA2023 : les 641 ans du président ») ?
En effet, Tchoukanov écrivait, et ceci que nous avions repris dans notre texte :
« S'il est reconnu coupable de tous les chefs d'accusation, l'ancien président des États-Unis pourrait écoper jusqu'à 641 ans de prison (soit plus de 25 condamnations à perpétuité consécutives). »
Là-dessus, ou plutôt quelques heures et une nuit plus tard, je tombe en arrêt sur un titre dont je vais apprendre qu’il vient au départ d’un tweetX de l’équipe Trump, qui parle de “561 ans de prison”. Le tweetX fait effectivement l’objet d’un texte qui, lui aussi, utilise la peine de prison comme ‘argument’ :
« Trump dénonce une peine de 561 ans de prison » (“Trump warns of 561-year prison term”)
« Le 45e président américain a déclaré que les démocrates “tyranniques” le voulaient derrière les barreaux pour la durée de “six vies” » (“The 45th US president has said the ‘tyrannical’ Democrats want him behind bars for ‘six lifetimes’”)
Dans le détail de ce tweetX, on a l’habituelle argumentation contre le gang Biden et, effectivement, mention de certains aspects des peines demandées par l’accusation (le DoJ en l’occurrence). On comprendra que ‘Crooked Joe’ (ex-‘Sleepy Joe’, le qualificatif ‘Crooked’ [disons ‘canaille’, ‘scélérat’, etc.] étant passé de Hillary à Joe, il y a trois mois, par une déclaration officielle de Trump) désigne l’actuel président des États-Unis, ou POTUS-46.
« “Avec le DOJ corrompu de Crooked Joe qui a de nouveau accusé illégalement votre serviteur, les rapports indiquent que je pourrais maintenant faire face à 561 ANS de prison combinés à cause des chasses aux sorcières de la gauche”, a déclaré l'e-mail de collecte de fonds de Trump, rendu public par plusieurs médias américains.
» “Il n'y a qu’UN SEUL MESSAGE que quelqu'un peut envoyer en essayant de vous jeter en prison pendant 6 vies, et c'est la PEUR. La crainte que si vous votez pour le SEUL candidat qui vous place EN PREMIER, vous aussi pourriez être harcelé, inculpé et même ARRÊTÉ par le régime marxiste actuel à Washington”, ajoute le courriel.
» Trump a fait valoir que les “chasse aux sorcières sans fin” ne le concernaient pas mais privaient les Américains de leur liberté, et a exhorté ses partisans à "se tenir pacifiquement avec moi dans cette époque lugubre.” ».
Il y a une chose remarquable dans cette réaction typiquement trumpiste, – selon moi et ma façon de voir comme argument du propos. Il s’agit de l’absence totale du sens de l’absurde, – ou, si vous voulez entendre plus précisément, – l’absence du “sens de l’humour de l’absurde”. Trump est scandalisé qu’on lui inflige une telle peine, et il l’est parce qu’il a l’habitude de mesurer les choses en termes purement quantitatifs : 561 ans en prison, ou 641 si vous suivez Ilya-PhG, c’est vraiment du lourd ! L’indignation est sérieuse, argumentée, mais sans véritable soucis de la réalité par rapport à l’absurde et de l’absurde comme désintégrateur de la réalité : « …vous jeter en prison pendant 6 vies » !
Comprenez-moi bien : ce n’est pas à Trump que je pense vraiment dans ce cas. Trump c’est Trump : grande gueule, vulgaire, peu intéressé par la spéculation intellectuelle et la finesse du langage, préoccupé de frapper le plus vite et le plus fort. Il attrape au passage une masse d’arme qu’on lui destine et prétend s’en servir à son tour contre le lanceur. C’est donc essentiellement à l’équipe du procureur Smith qui travaille comme les résidents forcenés dans un hôpital psychiatrique, – combien sont-ils ? Plusieurs dizaines ? Plusieurs centaines ? – à accumuler les inculpations et les délits divers, parvenant ainsi à cette accumulation, 561 ou 641 ans de prison.
Je sais que devant de tels chiffres, on peut en rire, s’en moquer, hausser les épaules, secouer la tête, visser son index sur la tempe et ainsi de suite, – et se dire que tout cela n’a vraiment aucune importance ni la moindre signification… Pas du tout ! Il reste pour moi l’essentiel : ce qui est dit est dit, la narrative est en route, et l’on comprendra que, dans l’absolu qui est un des modes préférés de l’évolution du système de l’américanisme, monsieur Trump devrait, si le système fonctionnait selon la perfection conçue par les dieux inspirateur de l’américanisme, être désigné, jugé et condamné pour faire ses 561-641 années derrière les barreaux. Ni le juge, ni le procureur, ni les avocats ne rigolent ; ils débattent, ils argumentent, ils haïssent l’adversaire et la réalité.
L’Amérique en sa destinée d’être le système de l’américanisme a toujours fonctionné comme ça, parce qu’au départ c’est l’“empire de la communication”. Mais jusqu’ici, il y avait des garde-fous, des surveillants, des infirmiers spécialisés dans le traitement de la psychiatrie. Puis il y eut une révolution et les internés prirent le pouvoir ! Depuis, le Système et son rejeton du système de l’américanisme fonctionnent à ciel ouvert et folie découverte. 561-641 années ? Fuck, Trump devra les faire, et comment ! C’est en fait, résumé en une occurrence incroyable d’opportunisme pour la cause, l’explication que je défends, une démarche qu’on retrouve pour la guerre en Ukraine, entre ceux qui essaient de comprendre, de juger, de dénouer le vrai du faux des affrontements sur le terrain, et ceux qui sont sûr que Zelenski est une réincarnation de Guderian et que l’armée russe nous refait le coup de 1917 en emportant Poutine comme un torrent…
Note de PhG-Bis : « Pour bien situer la chose et suggérer les analogies, voici une citation d’un texte d’il y a deux jours :
» “Il faut lire à cet égard notre très longue série de textes sur ‘Le Trou Noir du XXème siècle’ où est décrit cet épisode, avec le Général George Marshall écrivant en décembre 1945 :
» “‘La démobilisation américaine de 1945 ne peut se comparer qu’à un seul autre cas dans l’histoire, celui de la désintégration de l’armée russe en 1917.’”»
La transition est toute faite, entre la crise de l’américanisme et l’Ukraine, les deux faces d’une même pièce crisique aux dimensions cosmique, – ‘Ukrisis’. Il y a finalement une extrême similitude entre ceux qui se disent, dans la fièvre et la plus complète indifférence pour l’absurde, qu’il faut accumuler les charges, les années de prison, les verdicts de perpétuité, pour être quitte le plus longtemps possible, jusqu’à au moins un millénaire, de ce diabolique ‘sonovabitch’ de Trump ; et ceux qui se confirment les uns les autres, avec des étoiles dans les yeux, que Mister Z est en train de réduire en rondelles de poussière ce cloaque de rouillures, cette usine à gaz de couards wagnériens, qu’est l’armée de Poutine, retournée, pulvérisée, anéantie, réduite en cendres éparses ainsi que son maître, “ce diabolique ‘sonovabitch’ de” Poutine.
De quelle similitude parlez-vous, de quelle « extrême sollicitude » ? Je l’ai trouvée dans un texte du 17 juillet de notre ‘Jolly Good Fellow’, Alastair Crooke, repris en traduction dans le ‘Sakerfrancophone’.
« L’hubris consiste à croire qu’un récit inventé peut, en soi, apporter la victoire. C’est un fantasme qui a envahi l’Occident, surtout depuis le XVIIe siècle. Récemment, le Daily Telegraph a publié une vidéo ridicule de neuf minutes prétendant démontrer que “les récits gagnent les guerres” et que les revers dans l’espace de combat sont accessoires : ce qui compte, c’est d’avoir un fil narratif unitaire articulé, à la fois verticalement et horizontalement, à travers tout le spectre – du soldat des forces spéciales sur le terrain jusqu’au sommet de la hiérarchie politique.
» L’essentiel est que “nous” (l’Occident) avons imposé un récit, tandis que celui de la Russie est “maladroit” – “Notre victoire est donc inévitable” .
» Il est facile de se moquer, mais on peut néanmoins y reconnaître une certaine substance (même si cette substance est une invention). La narration est désormais la façon dont les élites occidentales imaginent le monde. Qu’il s’agisse de l’urgence pandémique, de l’urgence climatique ou de l’urgence ukrainienne, toutes sont redéfinies comme des “guerres” . Toutes sont des “guerres” qui doivent être menées dans le cadre d’une narration unitaire imposée de “victoire” , contre laquelle toute opinion contraire est interdite.
» Le défaut évident de cet hubris est qu’il exige d’être en guerre contre la réalité… »
“561 ans ou 641 ans ?” L’erreur est de croire qu’il s’agit de la prison alors qu’il s’agit d’un hôpital psychiatrique. Du coup, Trump, qui a enfin compris, rit à gorge déployé et littéralement, s’étrangle de rire dans sa prison… Juste à temps, alors qu’on crut qu’il avait couru le risque de s’étouffer véritablement, – mais un garde en grande tenue et en fort grandes pompes, entra à ce moment dans la cellule, ce jour de novembre 2024, et lui annonça solennellement : “Monsieur le président, vous êtes élu ! Désirez-vous faire usage de votre privilège du droit de grâce présidentiel ?”.
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