« Cela fait quelque temps que je m’inquiète de la manière dont la CIA a été détournée de la mission qui lui avait été assignée à l’origine. Elle est devenue une arme opérationnelle et parfois un instrument utilisé pour conduire la politique du gouvernement. »
Harry S. Truman (1884-1972), 33 e président des États-Unis (1945-1953), (dans un éditorial intitulé “Limit CIA Role to Intelligence”, The Washington Post, le 22 décembre, 1963, p. A11).
[La CIA] « S’est tellement éloignée de sa mission initiale… Lorsque j’ai mis en place la CIA, je n’avais pas imaginé qu’elle serait impliquée, en temps de paix, dans des opérations de cape et d’épée… La dernière chose dont nous avions besoin, c’était bien que la CIA se lance dans des opérations subversives dans les affaires des autres pays. »
Harry S. Truman (1884-1972), Idem.
« Je pense que [la création de la CIA] fut une erreur. Et si j’avais su ce qui allait se passer, je ne l’aurais jamais fait.»
Harry S. Truman (dans une interview avec son biographe M. Merle Miller, dans les années 1960).
« Il faut bien comprendre que la mission première de la CIA est de parcourir le monde et de provoquer des guerres. »
Jesse Ventura (James George Janos) (1951- ), ancien lutteur professionnel, acteur, auteur et gouverneur de l’État du Minnesota, 1999-2003, (dans « Jesse Ventura suggère que les États-Unis pourraient être à l’origine de la violence au Moyen-Orient », le 15 septembre, 2012)
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Le vendredi 21 juillet 2023, le président Joe Biden (1942- ) annonça une décision de mauvais augure : il éleva William Burns, le directeur de la Central Intelligence Agency (C.I.A.), au rang d’un ministre de son Cabinet. Cela fit du directeur de la CIA le deuxième officier du renseignement du gouvernement Biden, aux côtés de la directrice du renseignement national, Avril Haines.
Cela pourrait être plus qu’un simple geste symbolique pour récompenser un allié politique. En fait, cela pourrait être un message indiquant que l’administration Biden prévoit de s’impliquer davantage dans les affaires étrangères dans un proche avenir, surtout si la guerre en Ukraine devait passer d’une guerre par procuration à un conflit militaire américano-russe ouvert.
Cela pourrait aussi indiquer que le président américain, confronté à un faible taux d’approbation dans les sondages, en soit arrivé à la conclusion que la seule façon pour lui de remporter un deuxième mandat serait de mener une campagne politique en tant que commandant en chef. Cela a très bien fonctionné pour le président George W. Bush (1946- ) lors de la campagne présidentielle de 2004, après l’invasion militaire de l’Irak par son gouvernement, en mars 2003, sous de faux prétextes. En effet, il a été démontré qu’il est plus facile pour les politiciens américains d’être réélus lors d’élections en temps de guerre.
Une brève histoire de la CIA
Le président Harry S. Truman (1884-1972) a créé la CIA en 1947. Son objectif dès le début était de créer un petit bureau de collecte de renseignements pour que le président américain soit au courant des affaires mondiales. Mais la CIA est devenue aujourd’hui une sorte de gouvernement secret pour les affaires étrangères, au sein du gouvernement américain. Son budget annuel, aux alentours de 100 milliards de dollars, est supérieur aux budgets des trois quarts des pays du monde.
L’une des missions de la CIA au fil du temps, outre de faire la collecte de renseignements et de l’espionnage, a été de mener des opérations clandestines, y compris des actes illégaux, pour faire avancer les intérêts américains dans le monde. Ils sont nombreux les Américains qui ne sont pas au courant que de telles opérations secrètes sont menées en leur nom.
Le président Harry S. Truman, qui a fondé la CIA, a écrit qu’il était profondément déçu de la dérive de l’organisation
Le 22 décembre 1963, un mois seulement après l’assassinat du président John F. Kennedy, l’ancien président Truman a pris ouvertement position dans le cadre d’un éditorial dans le Washington Post, dans lequel il révéla qu’il avait de sérieuses appréhensions quant au rôle croissant de la CIA au sein du gouvernement américain.
En effet, l’ancien président et initiateur de la CIA craignait qu’elle ait été « détournée de la mission qui lui avait été assignée à l’origine » (collecte et analyse de renseignements) et qu’elle soit « devenue une arme opérationnelle et parfois un instrument utilisé pour conduire la politique du gouvernement. »
La conclusion de Truman était aussi fort accablante : « Il y a quelque chose dans le fonctionnement de la CIA qui jette une ombre sur notre position historique et je pense que nous devons le corriger. »
Ce que le président Truman et d’autres penseurs américains ont craint, c’est que les États-Unis ne deviennent un empire militaire anarchique, mus par un orgueil impérial égoïste. En effet, un empire militaire en état de guerre perpétuel, aussi bien déguisé soit-il, ne peut pas rester une démocratie, car cela va à l’encontre des valeurs de liberté et de démocratie à l’intérieur.
Conclusion
Les sages paroles et avertissements du président Truman résonnent aujourd’hui, surtout suite à l’annonce que l’actuel président américain a élevé le directeur de la CIA au rang de ministre dans son Cabinet.
Le président Joe Biden ne semble pas avoir les mêmes appréhensions quant au danger pour la démocratie américaine d’impliquer directement la CIA dans l’élaboration de la politique étrangère américaine. Ce n’est pas la première fois qu’il prend ses distances avec les traditions américaines. En fait, lors de la formation de son cabinet, en 2021, il a renié la tradition de nommer un civil au poste de secrétaire à la Défense lorsqu’il a plutôt choisi de nommer le général de l’armée à la retraite, Lloyd Austin, à ce poste.
Avec de telles décisions, le président Joe Biden révèle peut-être ses préférences pour une Amérique impériale, en contradiction avec ce que le président Harry S. Truman avait prévu lorsqu’il a créé la CIA. Il est peut-être plus militariste et plus belliciste que beaucoup ne le pensent.
Rodrigue Tremblay
Le Prof. Rodrigue Tremblay est professeur émérite d’économie à l’Université de Montréal et lauréat du Prix Richard-Arès pour le meilleur essai en 2018, La régression tranquille du Québec, 1980-2018, (Fides). Il est titulaire d’un doctorat en finance internationale de l’Université Stanford.
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Il est l’auteur du livre de géopolitique Le nouvel empire américain et du livre de moralité Le Code pour une éthique globale, de même que de son dernier livre publié par les Éditions Fides et intitulé La régression tranquille du Québec, 1980-2018.
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