Jean Ortiz, longtemps en poste à l’université de Pau, fils de républicain espagnol, vaillant syndicaliste opposé sans répit à la dégradation de l’enseignement supérieur et de la recherche, fidèle jusqu’au bout à la République espagnole et à l’Amérique latine anti-impérialiste – Fidel Castro et Cuba en tête –, vient de mourir d’une longue maladie invalidante. Il appartient à la catégorie, devenue rarissime dans l’Université française, fidèle à ses choix progressistes initiaux.
Jean Ortiz, longtemps en poste à l’université de Pau, fils de républicain espagnol, vaillant syndicaliste opposé sans répit à la dégradation de l’enseignement supérieur et de la recherche, fidèle jusqu’au bout à la République espagnole et à l’Amérique latine anti-impérialiste – Fidel Castro et Cuba en tête –, vient de mourir d’une longue maladie invalidante. Il appartient à la catégorie, devenue rarissime dans l’Université française, fidèle à ses choix progressistes initiaux.
L’introduction faite à son ouvrage de 2011, Guerrilleros et mineurs, rappelle sa contribution à la connaissance de l’Espagne républicaine, indissociable de son attachement au marxisme.
Jean Ortiz rend un bel hommage aux ouvriers républicains et révolutionnaires espagnols, qui ont tout sacrifié à l’espoir de construire dans une Espagne ravagée par les privilèges et la misère une société plus vivable. L’espérance en a été ruinée par la « guerre civile extérieure », livrée, via Franco, par le Reich nazi et l’Italie fasciste, et activement soutenue par la prétendue « non-intervention » franco-anglaise. Accueillis en « indésirables » par les chefs de la République française qui avaient tant contribué à étrangler la République, entassés dans les « camps de concentration » (c’est leur vrai nom) du Sud-Ouest, certains furent remis à Franco ou, en France, à l’occupant allemand, et voués à la mort. Les autres consacrèrent leur énergie, intacte, à la résistance inlassable, armée ou pas, à l’occupation allemande qu’ils avaient, par leur combat en Espagne, tenté d’éviter à la France. Puis ils se vouèrent aux luttes politiques et sociales d’un après-Libération qui vit sombrer l’espoir, tué dans l’œuf par les soutiens « occidentaux » acquis à Franco dès la guerre (de Gaulle compris), d’établir enfin une république progressiste en Espagne ; le sort des deux pays continuant d’être lié, l’avenir français de ces combattants ne ressembla pas non plus aux promesses du programme du Conseil national de la Résistance.
Tel « l’éternel guérillero » Enrique Ortiz Milla, celui qui avait « passé la frontière le 13 février 1939, les pieds gelés, par les Pyrénées enneigées, à Prats-de-Molho », ces vaillants ont immergé l’auteur depuis l’enfance dans leurs espérances et leurs combats, espagnols et français. Beaucoup d’historiens français ont au cours de ces dernières décennies rallié et servi, le plus souvent sans l’avouer, la classe des puissants. Jean Ortiz avoue sans fard les origines familiales et de classe de sa passion pour l’histoire, la vraie, puisée aux sources originales. Celles-ci ont toute leur place ici, auprès des témoignages de parents et amis, Espagnols d’origine devenus français, et Français de plus longue date, « communistes du Bassin de Decazeville et de l’Aveyron » : archives et récits se font écho avec bonheur.
On peut donc simultanément faire de l’histoire scientifique et juger pertinente la « 11e thèse [de Marx] sur Feuerbach » (« Les philosophes [et les historiens] n’ont fait qu’interpréter le monde de façon dissemblable, il s’agit maintenant de le transformer »). Il est juste et bon que les enfants et petits-enfants d’« indésirables » y tiennent toute leur part.
Salut, Ami.
Annie LACROIX-RIZ, sa collègue et camarade
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir