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par Régis de Castelnau
L’actualité des affaires frauduleuses impliquant la Macronie et son système, est permanente. Pas une semaine ne se passe sans que l’on apprenne l’existence de scandales qui dans n’importe quelle démocratie digne de ce nom devraient déboucher sur des mises en cause judiciaire des protagonistes.
Elles impliquent en général le président de la République en exercice, témoignant ainsi de son rapport à l’action publique ou l’intérêt général de la Nation n’a aucune place, au profit d’une vision de l’État comme étant au service des grands intérêts privés.
Corruption : les affaires en cadence
La France donne ainsi l’impression de participer au grand concours du pays le plus corrompu d’Europe. Le maillot jaune est actuellement porté par l’Ukraine, mais il semblerait que nous souhaitions nous emparer de la première place.
Le départ de Marlène Schiappa du gouvernement vient de donner discrètement un petit regain d’actualité à l’affaire du «fonds Marianne» qui avait vu le sommet de l’État organiser frauduleusement une opération visant à arroser «les copains» de fonds publics en spéculant sur l’émotion provoquée par la décapitation de Samuel Paty.
Nous avons dit dans ces colonnes, ce que l’on pouvait penser de la dimension juridique et judiciaire de ce dossier en pointant une fois de plus un florilège d’infractions pénales gravissimes. Force est de constater trois mois plus tard que ce scandale d’État n’a provoqué que ce qui est devenu une routine. Marlène Schiappa chargée de l’organisation de l’opération frauduleuse et cible d’une campagne médiatique a d’abord été prestement soutenue par le président de la République et le premier ministre. Puis passée à la moulinette d’une commission parlementaire d’enquête n’allant pas au fond des choses et acceptant de la transformer en fusible. Et enfin exfiltrée du gouvernement à l’occasion d’un remaniement général en attendant probablement une confortable pantoufle. Forcée par le scandale, la justice a été contrainte d’ouvrir une information judiciaire. L’instruction a immédiatement adopté un rythme paisible et il ne s’est rien passé. Tout le monde ne s’appelle pas François Fillon.
Il y a eu ensuite le scandale «Uber files» où la publication d’un certain nombre de documents établissait que le ministre de l’économie Emmanuel Macron avait été aux petits soins pour une entreprise américaine lui permettant de bénéficier d’évolutions juridiques exorbitantes, et ce dans le dos du gouvernement auquel il appartenait et qui y était hostile. Là aussi, enquête parlementaire et rapport assassin concernant le système Macron et l’implication personnelle de son chef. Mais rapport qui une fois de plus se dispensait d’une analyse de la qualification juridique pénale de l’attitude du chef de l’État. En effet Emmanuel Macron s’est mis au service de l’entreprise Uber et à usé de son influence pour lui faire obtenir des avantages juridiques facilitant son activité. La question qu’il faut immédiatement se poser, c’est si cette influence a eu des contreparties. En effet, si d’une quelconque manière l’entreprise américaine a par la suite soutenu directement ou indirectement la stratégie politique de Emmanuel Macron on est en présence du fameux «trafic d’influence» prévu et réprimé par l’article 432-11 du Code pénal. Qu’il convient de citer intégralement :
«Est puni de dix ans d’emprisonnement et d’une amende de 1 000 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction, le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public, ou investie d’un mandat électif public, de solliciter ou d’agréer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour elle-même ou pour autrui :
1° Soit pour accomplir ou avoir accompli, pour s’abstenir ou s’être abstenue d’accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat ;
2° Soit pour abuser ou avoir abusé de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d’une autorité ou d’une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable.
La peine d’amende est portée à 2 000 000 € ou, s’il excède ce montant, au double du produit de l’infraction, lorsque les infractions prévues au présent article sont commises en bande organisée».
Sans surprise, la justice, et notamment le Parquet National Financier, est restée muette. Il y avait pourtant matière à enquêter et instruire pour savoir s’il y avait eu des contreparties à cette attention soutenue aux intérêts d’une société privée. Et ces contreparties peuvent être directes ou indirectes. On pense par exemple, allez savoir pourquoi, à des contrats de complaisance accordés à des amis du ministre de l’Économie de l’époque. Il ne s’agit évidemment pas d’une accusation mais l’empressement complètement anormal de Emmanuel Macron justifierait ces investigations, ne serait-ce que pour lever les lourds soupçons. Manifestement, au PNF on a d’autres urgences.
L’hebdomadaire Marianne, déjà actif dans l’affaire du fond du même nom, vient de nous apprendre l’existence d’un scandale d’État supplémentaire. Effarant lui aussi, avec l’affichage cynique du sentiment d’impunité, allant jusqu’à la revendication des infractions, et l’importance des fonds détournés. Il s’agit de l’affaire du fonds d’investissement pour entreprises non cotées lancées par la Banque Publique d’Investissement sous le nom de «Bpifrance Entreprises 1».
Mieux que l’aveu, la revendication de l’infraction
Bruno Lemaire, le grand spécialiste de l’économie russe que le monde nous envie, a lancé en 2020 une opération qu’il décrit ainsi : «J’ai demandé au directeur général de Bpifrance, Nicolas Dufourcq, de travailler sur un produit financier […] qui permettra aux Français d’investir plus facilement leurs économies dans les entreprises françaises». Le directeur général de BPI, passé par HEC, l’ENA, l’Inspection des finances ne s’est pas fait prier. Il a dû voir l’aubaine avec la création de ce fonds pour y loger les participations que sa banque détient pour le compte de l’État. Les personnes privées seront alors appelées à y souscrire pour la valeur d’apport et bénéficieront par la suite des performances des entreprises. Mais, lorsqu’on a parcouru le cursus de la haute fonction publique d’État française, on a quelques astuces en magasin. La Cour des Comptes qui a contrôlé l’opération a remarqué que la valorisation initiale fixée par la BPI avait été singulièrement sous-cotée. Usant de son style chantourné, elle nous décrit l’astuce utilisée par Nicolas Dufourcq : «Compte tenu de l’évolution de la conjoncture et de l’appréciation différente des risques de marché par les acquéreurs écrivent-ils, Bpifrance a dû accepter une valorisation du portefeuille cédé moins élevée qu’initialement prévu». En fait c’est bien BPI qui a fixé le montant de souscription à hauteur de 94,5 millions d’euros, manifestement sous-évalué, puisque deux ans plus tard le fond valait 195,8 millions d’euros. Soit une plus-value de 43% pour les investisseurs privés et 43% de moins-value pour l’État. Bravo Monsieur Dufourcq voilà une mesure de saine gestion de l’argent public que la Nation vous a confié.
Et c’est là que l’on apprend que près de 200 collaborateurs de la BPI ont souscrit à ce fonds miracle à commencer par le directeur de l’institution lui-même. Le ticket d’entrée avait été fixé à 5000 €, ce qui montrait bien qu’il n’était pas question d’épargne populaire…
D’ores et déjà l’affaire commence à sentir mauvais et on se demande pourquoi la Cour des Comptes qui en a pourtant une obligation n’a pas transmis le dossier au procureur général de la Cour de cassation pour qu’il ouvre les procédures judiciaires. On a connu l’institution plus réactive. Parce qu’une fois de plus on est contraint de constater que la haute fonction publique d’État en France entretient des rapports élastiques avec la régularité juridique quand ce n’est pas la simple morale. Il y avait pourtant matière et on espère que cette retenue n’est pas due aux affinités de Pierre Moscovici avec la Macronie.
Le droit pénal, comme d’habitude
La souscription réalisée par les collaborateurs de la BPI et en particulier par leur directeur tombe évidemment sous le coup de la loi. On parle de délit d’initié puisque ces gens-là disposaient évidemment d’informations privilégiées, notamment sur la qualité des entreprises dont les participations avaient été transférées dans le fond. Mais ce n’est même pas la peine d’en passer par là, il suffit de lire ce que nous dit l’article 432-12 du Code pénal :
«Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt de nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction».
C’est la fameuse «Prise illégale d’intérêts» qui sanctionne et c’est très important de le rappeler, non pas des actes mais des situations. C’est-à-dire que les décideurs publics ne doivent pas, et c’est un impératif, se trouver dans une situation où l’on peut soupçonner l’impartialité de leurs décisions publiques. Celles-ci doivent être chimiquement pures et ne pas être polluées par des considérations d’intérêt privé. Trois conditions doivent être réunies pour que l’infraction soit constituée : tout d’abord être agent public ce que sont les collaborateurs de la BPI puisque chargés d’une mission de service public au sens de l’article. Ensuite avoir la «surveillance et l’administration» de l’opération publique, ce qui est évidemment le cas, en particulier du directeur. Enfin d’avoir concomitamment des intérêts privés ce qui est aussi le cas avec la souscription des parts du fonds. N’importe quel étudiant qui s’intéresse au droit pénal serait capable de faire cette analyse. À croire que les collaborateurs de la banque, leur directeur, les magistrats de la Cour des Comptes ne le sont pas. Non Messieurs les magistrats financiers, ce n’est pas un problème déontologique, c’est purement et simplement un grave problème pénal, et vous auriez dû réagir. Et en plus de la prise illégale d’intérêts, vous avez constaté un détournement de fonds publics avec la moins-value imposée aux biens de l’État au profit des souscripteurs privés et notamment des collaborateurs de la banque.
Mais finalement le plus sidérant, c’est que Nicolas Dufourcq revendique la commission de cette infraction ! Aux journalistes qui l’interrogeaient il a répondu : «j’ai souhaité publiquement que les collaborateurs souscrivent à ce produit. Dès lors j’ai donné l’exemple j’ai voulu qu’ils sachent que je le faisais moi-même». Je savais que l’on ne faisait pas de droit à l’ENA, mais quand même. De deux choses l’une, soit cette souscription était un sacrifice et il fallait donner l’exemple, soit c’était une bonne affaire mais qui pouvait être problématique, et dans ce cas il fallait faire plonger tout le monde. On imagine très bien la réponse à cette question.
Après le «Fond Marianne» cette histoire raconte des choses assez terribles sur ce qui se passe au sommet de l’État. On se moque du respect des règles et de la rigueur dans l’usage des fonds publics. Sûr de son impunité, on n’y fait même pas l’effort de les connaître, pire on en revendique la violation.
Dans une démocratie normale, le parquet devrait immédiatement demander l’ouverture d’une information judiciaire et faire nommer un juge d’instruction. Les mises en examen devraient pleuvoir, et les bénéfices réalisés être bloqués et séquestrés.
Malheureusement et comme d’habitude, le PNF regardera ailleurs, la Cour des Comptes de Pierre Moscovici ne saisira pas le nouveau Procureur général de la Cour de cassation nommé par Macron. Les organisations syndicales de magistrats continueront à se concentrer sur les choses essentielles, en tonnant contre les lois anti squatts ou en militant pour la dépénalisation des drogues. Comme pour les affaires McKinsey, Alstom et autres, dans le meilleur des cas, on aura une commission d’enquête parlementaire qui ne débouchera sur rien, ni démission, ni mise en cause, ni poursuite.
La routine d’une République devenant bananière n’est rendue possible que par le silence obstiné de la justice qui se refuse, de façon très sélective d’ailleurs, à jouer son rôle.
source : Vu du Droit
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