L’Occident et l’Ukraine sont à la recherche des coupables pour expliquer pourquoi la contre-offensive des forces armées ukrainiennes s’est enlisée. Volodymyr Zelensky essaie de se défiler, ce qui complique sérieusement ses relations avec Joe Biden. Et il a reçu un avertissement à travers les médias américains et l’ancien procureur général Iouri Loutsenko: une personne plus conciliante pourrait devenir président de l’Ukraine.
« Le président Zelensky est arrivé totalement non préparé au pouvoir… il a commis une série d’erreurs systémiques dans de nombreux domaines… il a détruit le système de gouvernance… l’économie et le pouvoir de l’État étaient dans un état critique. » C’est ainsi que l’ancien procureur général et ministre ukrainien de l’Intérieur Iouri Loutsenko a expliqué dans une interview à la chaîne YouTube Krapivnyy le tournant historique qui a commencé pour son pays le 24 février 2022.
Il n’y a pas vraiment de débat à ce sujet et rien de surprenant non plus. Iouri Loutsenko est proche de l’ancien président Petro Porochenko, que Zelensky a écarté du pouvoir et menacé de poursuites pénales. Cependant, il n’a pas été possible d’emprisonner Porochenko. Il est fort possible que ses protecteurs occidentaux soient intervenus en sa faveur, et qu’il dirige maintenant formellement l’opposition légale (c’est-à-dire pro-occidentale) à Zelensky, et il est normal pour l’opposition de critiquer le pouvoir en place.
Toutefois, son parti Solidarité européenne a commencé récemment à critiquer le commandant en chef beaucoup plus activement qu’il y a un an et demi. Comme s’ils avaient décidé de profiter de la « fenêtre d’opportunité » qui s’est ouverte en raison de l’échec de la contre-offensive des forces armées ukrainiennes, et de rappeler que Zelensky n’est pas le seul prétendant à son poste.
La déclaration de Iouri Loutsenko est notable pour au moins deux raisons.
Premièrement, c’est une violation des « frontières ». L’équipe de Porochenko accusait Zelensky de toutes sortes de choses, mais pas au début de l’opération militaire spéciale. Son commencement a été interprété comme une « agression russe lâche ». La question ne se posait pas de savoir si le président de l’Ukraine aurait pu éviter tout cela et dévier la catastrophe du pays s’il avait été plus intelligent et plus rapide. Il s’avère maintenant qu’il aurait pu.
Iouri Loutsenko est un véritable vétéran de la politique ukrainienne: il a été un haut gestionnaire de trois Maïdans, conseiller de trois présidents (Iouchtchenko, Tourtchinov et Porochenko), deux fois ministre de l’Intérieur et une fois procureur général, condamné pour corruption, emprisonné, gracié, acquitté et passé par le front.
Ce qui peut être dit avec certitude à propos de Iouri Loutsenko, c’est qu’il est un « agent » des États-Unis ayant des relations spéciales avec le président Joe Biden.
Avant Iouri Loutsenko, c’est un ancien ami de Porochenko, Viktor Chokine, qui était procureur général de l’Ukraine. Sa principale mission était de réprimer les acteurs de l’époque de Ianoukovitch, ce qu’il a plus ou moins réussi à faire, mais il a commis une erreur – il a commencé une enquête sur les activités de la société énergétique Burisma Holdings, alors Hunter Biden, le fils de l’ancien vice-président des États-Unis, faisait partie de son conseil d’administration.
Le « Big guy » (c’est ainsi que Joe Biden était mentionné dans la correspondance de son fils) n’a pas déçu: il a exigé de Porochenko de renvoyer Chokine et de nommer Loutsenko, menaçant dans le cas contraire de bloquer le versement d’une tranche de 1 milliard de dollars.
Le gouvernement ukrainien a dû rapidement concocter une loi stipulant que le procureur général n’avait plus besoin d’avoir un diplôme juridique, car Loutsenko n’en avait pas. Immédiatement après cela, cette créature des États-Unis a été confirmée dans ses fonctions, et le vice-président Biden a alloué 1 milliard de dollars de fonds publics à l’Ukraine. Les médias ont présenté cela comme un « progrès significatif dans la lutte contre la corruption ».
La faveur des États-Unis est une ressource clé pour les politiciens ukrainiens. Une lutte acharnée est menée pour cette ressource. C’est pourquoi Iouri Loutsenko ne veut certainement pas être une menace pour Biden. Il veut lui être utile. C’est ce qu’il fait maintenant.
De toute évidence, l’attaque de l’ancien procureur général et les publications inhabituellement critiques à l’égard de Zelensky dans les médias occidentaux sont les maillons d’une même chaîne.
Maintenant que la contre-offensive, qui est le pari principal de Kiev et de l’Occident dans ce conflit, est en train de s’essouffler, la recherche des coupables a commencé. Et il est temps pour Zelensky de se faire à l’idée que dans son entourage actuel les États-Unis ne peuvent pas être les coupables.
Il serait étrange de blâmer les forces armées ukrainiennes, car elles et l’Ukraine dans son ensemble ne sont qu’un outil pour lutter contre la Russie.
C’est pourquoi le principal candidat au rôle du coupable à blâmer pour l’Occident et le peuple ukrainien, c’est Zelensky lui-même.
Alexandre Lemoine
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Source : Lire l'article complet par Mondialisation.ca
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