Désormais, ‘Ukrisis’ nous fatigue
20 juillet 2023 (18H30) – La tragédie nous émeut et nous terrorise. Le bouffe nous fait rire et nous rend un peu fous. La tragédie-bouffe, elle, si elle représente d’abord une surprise étonnante, finit au bout d’un certain temps par nous fatiguer. A la lettre même de l’expression, nous ne savons sur quel pied et vers quel biais danser : horreur du tragique catastrophique ou rire compulsif de folie-bouffe ? Ainsi commence-t-on à se sentir écrasés d’épuisement, – cette “fatigue” dont l’on parle ici, – avec la guerre d’‘Ukrisis’, et singulièrement à cause du simulacre de l’Ouest-exclamatif et psychoaffectif, l’Ouest qui ne cesse de poser, de récriminer, de se rengorger, de se féliciter, de s’admirer, de se trouver exceptionnel, de s’éblouir lui-même en se trouvant si finaud en son miroir, – et là-dessus aussitôt en accumulant sottises, impuissances, aveuglements, simulacres et ectoplasmes, tout cela bouillant en bouillonnant dans une soupe de mensonges érigés en autant de Vérités clamées du haut de la montagne et sorties des Tables de la Loi…
Un mot résume donc l’attitude de pays de plus en plus nombreux, devant la guerre en Ukraine, et nécessairement devant les simagrées de ceux qui la font durer en l’alimentant : la fatigue, mère de l’exaspération et de la colère. On parle bien entendu de la fatigue de la psychologie, celle qui règle tout, comme lorsque, parlant de la corruption, c’est aussitôt à la “corruption de la psychologie” que je suis conduit à penser.
On a pu mesurer cela lors d’une réunion entre l’UE et les pays d’Amérique Latine et des Caraïbes au sein du CELACS, en début de semaine à Bruxelles… Surprise, surprise, celui qui tenait une place non négligeable du côté de l’UE, dans la rencontre, comme dirigeant du pays-membre temporairement en position de présidence (succession : tous les six mois), celui-là était de Hongrie… Par Dieu ! Son Premier ministre Orban est l’un des rarissimes, non le rarissime et extrêmement précieux dirigeant d’un pays de l’UE à s’opposer à la politique de bienpensance de l’Ouest-psychorigidif (une trouvaille néologistique de circonstance d’une sorte de PhG-Bis) – je veux dire, cette ignoble politique d’alignement automatique, type-intelligence-artificielle qui aurait pris les mauvaise pilules contraceptives, – à s’opposer donc, le Organ, à la politiqueSystème Washington-Bruxelles en aveugle soutien à Mister Z. d’Ukraine… Et c’est bien lui, Orban, qui parle de “fatigue” !
« Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán a proclamé mardi sur Facebook que la Hongrie et l'Amérique latine ont toutes deux une position favorable à la paix concernant le conflit entre l'Ukraine et la Russie et souhaitent que la guerre se termine le plus tôt possible.
» “La majeure partie du monde est fatiguée de la guerre. Aujourd'hui, nous avons plaidé pour un cessez-le-feu immédiat et la paix, et cette fois les dirigeants d’Amérique latine nous ont rejoint !” a écrit Orbán sur Facebook à la suite de la réunion des dirigeants de l'Union européenne et du sommet de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes (UE-CELAC) à Bruxelles. »
Cette réunion a été bien proche d’une catastrophe pour l’UE (l’UE hors-Orban), qui espérait engager les pays d’Amérique Latine sur une voie économique raisonnable et triomphante, c’est-à-dire une voie politico-affectiviste sur les sentiers de la guerre évidemment favorable à l’Ukraine, et favorable à la guerre jusqu’à la victoire sur la Russie, jusqu’à Moscou, jusqu’a Saint-Petersbourg, jusqu’à Novossibirsk, jusqu’à Sébastopol, là-bas, tout au bout sur le Pacifique, base parfaite pour attaquer Taïwan, vous voyez ? L’UE proposa un communiqué commun farci de référence dans ce sens, pro-ukrainien, pro-guerre avec la condamnation de la Russie jusqu’à la victoire de l’Ukraine.
Eh bien non, pas du tout ! Quelle surprise, n’est-il pas ?
Tous les pays sud-américains repoussèrent ce texte avec une force et une vigueur fourrées aux doigts d’honneur qui répandit l’étonnement au cœur de la civilisation. On se soumit donc pour ne pas en sortir la queue trop basse, jusqu’à glisser dessus. On expurgea le susdit texte de toute référence à l’Ukraine et à sa victoire, et surtout de ses vitupérations antirusses pour s’en tenir à des souhaits de paix sans référence à aucun des belligérants. Même ce texte devenu complètement neutre fut refusé par le Nicaragua. Jusqu’où va leur insolence à la fin, c’est à ne pas croire !
« Ce sommet a été désastreux [Pour l’UE], ou dans tous les cas disons très difficile, explique Alexander Mercouris… Même à l’Ouest, on admet que ce fut une rencontre très difficile, – vous noterez en passant qu’il y a eu vraiment très peu de comptes-rendus sur cette rencontre dans les médias de l’UE… Ainsi, les Européens se sont trouvés confrontés à l’évidence que le reste du monde, le monde hors de l’orbite de l’Ouest, n’accepte pas la narrative occidentale sur la guerre en Ukraine. Ils comprennent que la Russie défend une bonne cause, qu’elle avait des raisons de décider l’action qu’elle a faite et qu’elle y a été provoquée à le faire par l’Ouest … Et je ne peux m’empêcher de penser que cela va encore renforcer les doutes qui commencent à apparaître en Europe… »
Remplacez le mot “doutes” qu’emploie Mercouris et vous en viendrez à l’idée de “fatigue” fort justement mis en évidence par Orban. Mercouris juge que le phénomène est clairement apparu lors du sommet de Vilnius, en plus de la querelle entre Mister Z. et les USA, et que c’est à cause de cela, de cette “fatigue psychologique” au cœur de l’OTAN et au fond de l’âme de l’Occident, que Vilnius, en vérité, deviendra historique.
La pente est désormais irrésistible. La “contre-offensive” est devenue une sorte d’événement-bouffe où les alliés et les amis s’insultent et se rejettent la faute, tandis que la tragédie sanglante grandit dans les empilements de morts inutiles, ces champs bouleversant de souffrances et d’agonies pour désespérément rien. Le seul mouvement notable actuel de cette grande manœuvre qui devait bouleverser le monde est un discret mais très insistant et efficace mouvement des Russes dans le Nord, une sorte de contre-offensive contre la contre-offensive qui devrait prendre tous nos mensonges à revers, comme Napoléon à Austerlitz et à Waterloo. Ce serait grotesque-bouffe si ce n’était la guerre avec ses chairs déchirés, ses gémissements, ses obus et ses mines qui sans cesse explosent.
La guerre ukrainienne était partout acclamée comme un bloc de marbre appuyée sur une force morale sans égale. Surprise, surprise, – la chose s’est transformée en un pseudo-bloc de sable en forme de château de cartes, qui se défait, se dissout, se désagrège, se précipite dans le sablier de l’histoire cocufiée, sans que plus aucune morale ne puisse prétendre se dresser contre lui. La guerre est toujours chose cruelle ; mais quand elle y ajoute son énorme charge de mensonges pour devenir la chose la plus stupide du monde, – les dieux s’écrient, comme Guillaume admirant les braves cuirassiers et hussards français lancés dans la charge ultime et inutile, – “Ah, les pauvres gens”…
Je crois que nous sommes en train de changer de théâtre d’opérations. La ‘Comedia dell’Arte’ est en train de passer des vastes champs ukrainiens monotones et monocordes, – de passer à la diversité, construite et déconstruite, genrée et dégenrée, et dégénérée comme les acteurs de Hollywood en grève, – je parle de la diversité infinie du bordélique-désordre de la pseudo-démocratie américaniste. ‘Ukrisis’, pour garder la vedette, va changer de champ d’action, – et peut-être bien tentée d’américaniser son nom, non ? (Je suggère ‘Mackrisis’, pour faire le malin.). Ceux-là qui, montreurs de marionnette, s’en croyaient si éloignés, vont se trouver au cœur du maelstrom qui a changé son axe du monde.
Bientôt, nous verrons Mister Z. parti à la retraite et avec du temps à perdre mais l’ardeur de la reconnaissance, venir en Virginie Occidentale, soutenir le sénateur Graham retranché contre les attaques des “faiseurs de paix”, les affreux, les inhumains, les barbares, les massacreurs de civilisation, les The-Donald et RFK-Jr, avec Carlson Tucker et son éclat de rire post-FoxNews qui emporte tout, en contre-batterie et soutien d’artillerie, comme les canonniers russes derrière leur ligne Sourovikine.
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