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Nous présentons aujourd’hui un texte important de notre camarade Jean-Claude Delaunay, qui d’une certaine manière éclaire le contexte des évolutions du monde des dernières décennies, analyse l’évolution des structures impérialistes, redonne un cadre marxiste aux réflexions sur la monnaie, et en particulier sur le rôle de «monnaie mondiale» du dollar états-unien et conclut cette réflexion en soulevant des questions clés pour l’époque actuelle, celle de la transition vers un monde multipolaire, notamment sur les enjeux monétaires.
C’est donc une lecture indispensable pour avancer dans notre réflexion collective en éclairant les ressorts particulier des questions monétaires cruciales, à l’heure où se forgent les tentatives les plus sérieuses pour mettre fin à l’hégémonie du dollar : l’utilisation des monnaies nationales pour le commerce bilatéral, comme le fait la Russie (et d’autres pays) suite aux sanctions occidentales, l’internationalisation du Yuan chinois et les réflexions en cours sur la création d’une monnaie des BRICS avec la Banque de Développement désormais présidée par l’ancienne présidente brésilienne Dilma Roussef.
Franck Marsal
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Suivant les découpages logiques opérés par Jean-Claude, le texte sera donc publié en 4 articles :
1/4 : Qu’est-ce qu’une structure productive impérialiste aujourd’hui ?
2/4 : La mise en place d’un «impérialisme soft»
3/4 : Éclairage théorique marxiste du «soft-impérialisme» monétaire
4/4 : Conclusions de l’ensemble.
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par Jean-Claude Delaunay
Cette partie prend pour point de départ l’article de Guy-Alexandre Le Roux, paru dans Conflits et repris par Histoire et Société le 25 avril 2023 (rubrique : Textes fondamentaux), ainsi que sur l’article d’Anna Sedova (Histoire et Société, 22 avril 2023 ; rubrique : Si on vous le dit). Depuis avril, bien d’autres textes importants ont été publiés sur ce site.
Le Roux se demande comment les Otaniens ont pu être stupides au point de croire qu’ils allaient faire plier la Russie en un rien de temps après l’entrée en Ukraine, en février 2022, des armées de ce pays. Son hypothèse est qu’ils ont pris en compte le PIB global comme base de leurs espérances. Comme le PIB de la Russie est à peine plus grand que celui de l’Espagne (respectivement 1779 et 1427 millions d’euros), ils en ont conclu que l’affaire serait vite bouclée. Comment la Russie pourrait-elle résister, avec son PIB ridicule, aux sanctions extrêmement sévères et lourdes immédiatement décidées et appliquées par les Otaniens ? Je vais aborder ce texte, que je trouve tout à fait intéressant, sous un angle plus large, en traitant, à partir de lui, de l’Impérialisme contemporain, qui, me semble-t-il, est encore chez les communistes de France, sinon un INCONNU, du moins un MALCONNU.
Ce n’est pas la première fois que les Puissants de ce monde, parce qu’ils croient être beaucoup plus forts économiquement, se trompent lourdement sur la capacité de leurs adversaires à leur résister. Ils ont une conception étroitement matérialiste et capitaliste (cela veut dire que même leur matérialisme étroit est biaisé) de ce qu’est la force d’un peuple.
Je vais rappeler quatre exemples. Les Japonais des années 1930 croyaient ne faire qu’une bouchée de la Chine, un ramassis de gueux malpropres, plus pauvres encore que les Indiens de l’époque, c’est dire. En réalité, c’est dans leur cul que les samouraïs reçurent le sabre dont ils étaient si fiers pour éventrer leurs ennemis et leur couper la tête. Autre exemple, français cette fois. Les colonialistes croyaient ne faire qu’une bouchée de l’Indochine, autre ramassis de gueux malodorants. Mais l’armée française, avec ses officiers de haut rang et son matériel américain, fut battue à Dien-Bien-Phu par les Vietnamiens. Ensuite encore, que dire de l’armée du IIIe Reich, une armée de haut niveau et pourtant totalement défaite à Stalingrad ? Dans ce cas également, les PIB n’étaient pas à égalité. Enfin, plus récemment, la défaite infligée en Afghanistan à l’armée des États-Unis par des talibans incultes. Tout cela montre que la richesse économique, résumée par le PIB, n’est pas un indicateur fiable des potentialités d’un peuple ou d’un pays.
L’idée générale traversant l’article de Le Roux est donc celle de la défiance à l’égard des PIB comme outils d’information et d’action. En réalité, c’est le PIB des pays impérialistes qui n’est plus un outil fiable d’information économique.
Je voudrais, dans cette première partie, développer les deux idées suivantes.
• Les économies des pays impérialistes sont des économies en voie de désarticulation faisant suite à la recherche, par les grandes bourgeoisies qui les dirigent, de formes mondialisées de rentabilité. Il s’en suit, dans leurs territoires respectifs, un affaiblissement croissant du pouvoir de ces bourgeoisies.
• En contrepartie, la mondialisation du capital monopoliste a surtout pour effet contraire de resserrer la cohérence sous tous ses aspects entre les pays qu’elle envahit ou cherche à piller, au moment même où ces derniers cherchent à se développer industriellement, et les pays du socialisme, la Chine étant au centre de ces pays.
A) Les différents types de production et leur reflet dans les comptes nationaux
Il existe quatre types de PIB dans le monde aujourd’hui. Je ne crois pas du tout qu’ils aient perdu toute signification.
Le premier type est celui des pays impérialistes. Ce sont des PIB disjoints, écartelés, entre d’une part une production qui tend à ne plus avoir de rapport avec la population ambiante ou qui s’expatrie et une consommation intérieure reposant de plus en plus sur l’importation de produits et de services.
Les États qui coordonnent tant bien que mal ces structures distendues n’ont plus aucune considération des services publics, des droits sociaux ou des systèmes de retraites acquis antérieurement.
Ces États furent, dans la phase immédiatement précédente (1945-1970/1980) des États nationaux, un peu sociaux sous la contrainte des masses, et dans lesquels existait une certaine cohérence entre la production et la consommation. Ils sont devenus des États de nature strictement militaire, policière, financière, idéologique, agissant politiquement au milieu de la mondialisation monopoliste. Ils interviennent au mieux des intérêts contradictoires des fractions du très grand capital qu’ils représentent et dont ils sont les soutiens au sein de «la famille impérialiste», que cherche à unifier, par l’idéologie, par la monnaie, et par la force, l’État le plus puissant de la famille. Je ne parle pas ici des Corleone. Je parle de l’État des États-Unis.
Ces pays continuent d’exister comme territoires et centres de commandement et de pouvoir politique. Ils abritent, à condition d’être fiscalement conciliants, les sièges sociaux de capitaux monopolistes diffusés et implantés dans les pays du monde où il y a des affaires à faire. Car l’impérialisme contemporain n’est plus un impérialisme d’États-nations, comme du temps de Lénine ou même plus tard. Son idéologie n’est plus le nationalisme, idéologie de fusion nationale. Son idéologie est celle des droits de l’homme comme prétexte d’intervention politique et militaire «compensatrice» partout où les intérêts du capital monopoliste sont menacés dans le monde et partout où ils veulent commettre leurs méfaits quand bien même personne ne les menacerait
Toutes proportions gardées, il en est des nations impérialistes disjointes comme des entreprises monopolistes issues de ces nations. Autour des années 1970-1980, l’exportation de capital est devenue massivement une exportation de capital productif en plus de l’exportation de capital financier. Les grandes entreprises monopolistes se sont organisées d’une part comme centres de profits, distincts, et localisés dans des endroits fiscalement intéressants, et d’autre part comme ensembles de relations de sous-traitance avec des producteurs «indépendants» du monde entier. La grande entreprise monopoliste moderne est devenue «un centre de gestion de contrats» à direction financière.
L’impérialisme contemporain est donc formé d’États, disjoints par rapport à la nation avec laquelle ils avaient des liens étroits. Le centre de commandement porte le nom de la nation dont il est l’héritier. On va donc, comme avant, parler des États-Unis ou de la France. Toutefois, ces noms recouvrent surtout des structures principalement financières, idéologiques et militaires, même s’il y subsiste une certaine production, agricole, de logements et de bâtiments, d’armements et de communication.
Mais les entités monopolistes qui en sont sorties sont réparties dans le monde marchand et rentable. Elles conservent un lien avec leur lieu d’origine car elles ont besoin de protection contre les masses populaires et elles ont besoin d’un pouvoir de négociation quand leurs intérêts sont discutés au sein de la famille. De plus, le territoire de leur centre de commandement originel est pour elles un marché, même si elles s’adressent désormais davantage à la demande mondiale qu’à la demande nationale. Ce centre est en même temps une base financière. C’est de là qu’elles commandent les diverses sources de leurs profits. Mais les liens entre elles et leur centre de commandement tendent malgré tout à se distendre. La comptabilité nationale, qui est nationale par définition, a de la peine à rendre compte de l’activité économique complète de cet ensemble disjoint.
L’État des États-Unis est le coordinateur des États qu’il rassemble et réunit en force au sein de la «famille impérialiste» ainsi que des capitaux monopolistes. Comme je le développerai dans une autre partie, le dollar US détaché de toute relation avec l’or, et tout le système qui va avec, est l’un des instruments de cette réunification familiale.
Le deuxième type de PIB est celui des pays socialistes. Ce sont des économies socialistes de marché. Elles enregistrent donc leur activité macro-économique à l’aide de comptes nationaux significatifs. Il est clair que les comptes nationaux de la Chine ne vont pas rendre compte du prestige et de la force politique que ce pays et son gouvernement sont en train d’acquérir et de consolider dans le monde entier. Les comptes nationaux ne sont que des comptes nationaux. Cela dit, dans le cas d’un pays socialiste, qui repose sur une économie nationale, sans doute internationalisée mais unifiée, à la différences des pays impérialistes dont les économies ont été mondialisées et sont, en conséquence, disjointes et centrifuges, les comptes nationaux ont non seulement un sens mais ils sont opérationnels.
Le troisième type de PIB est celui des pays capitalistes en développement. Les pays constitutifs de ce qu’on appelle les BRICS en sont une illustration. Dans ce cas encore, bien que l’économie de ces pays, en raison de sa «nature» capitaliste dominante, ne soit pas aussi cohérente que celle des pays socialistes, le PIB est une bonne image de leur économie car celle-ci est nationale.
Enfin, le quatrième type de PIB est celui des pays les plus pauvres. Ce document (les comptes nationaux) n’a guère d’intérêt car ces pays sont bien incapables de la moindre action économique de développement. Ils devront être aidés pour sortir de leur état misérable et contribuer de plus en plus activement à leur propre développement. À ce moment-là, les comptabilités nationales deviendront, pour ces pays, des instruments nécessaires de leur développement.
Le tableau 1 ci-dessous vise à résumer cette discussion :
Ce tableau met en évidence un aspect de la crise que l’humanité est en train de traverser. Le monde ne cherche pas à être «multipolaire». Dans les faits, il est multipolaire. Nous ne sommes plus dans la configuration «Centre-Périphérie».
La zone de «l’impérialisme et de la guerre», dont les fondements économiques sont mondialisés et disjoints, cherche à imposer aux autres pays, tout en les dominant, ses propres formes de fonctionnement. La zone «du développement économique et du refus de la domination», dont les fondements économiques sont nationaux et unifiés quoique internationalisés, combat l’impérialisme, qui met en cause leur propre développement.
La zone du développement et du refus semble économiquement moins forte que la zone impérialiste. Mais elle possède trois atouts maîtres.
Le premier est le nombre de sa population (72% de la population mondiale). Le deuxième est que, en son centre, se trouve un pays socialiste, la Chine, en mesure de faire face à la zone de l’impérialisme, en raison de l’ampleur et de l’intelligence de sa population, de la qualité de son gouvernement et de l’audience mondiale de sa politique. Le troisième est la claire conscience du danger et la volonté de s’en préserver.
B) Structure des activités dans les pays de la famille impérialiste et dans les autres
Qu’est-ce qu’une structure d’activités de pays impérialiste ? Par contraste, qu’est-ce qu’une structure d’activités de pays socialiste ? En reprenant la classification désormais courante en trois grands secteurs, voici d’abord la réponse à ces questions pour les États-Unis et pour la Chine, que je prends comme étant des illustrations de leur «famille» respective.
La famille impérialiste et la famille socialiste pèsent respectivement 18% et 22% de la population mondiale. Ces deux familles ont des structures d’activités très différentes. Si l’on considère que l’industrie (la production de biens non agricoles) est aujourd’hui la base nécessaire des activités pour tout ensemble national de population, on voit que cette base est d’environ 15% dans le cas de l’impérialisme et le double (environ 30%) dans le cas du socialisme. Il n’existe pas de loi nous disant que ce taux doit être de tant ou de tant, et, de plus, encore une fois, Marx n’a rien dit à ce sujet. Il nous faut donc observer ce qui se passe et l’interpréter.
Il me semble que l’on peut repérer trois grandes différences entre les pays impérialistes et les pays capitalistes.
La première différence a trait au fait que les pays impérialistes, en tant qu’exportateurs de capitaux productifs, sont devenus des débiteurs nets structurels du reste du monde (pays socialistes et pays en développement), qui lui, est devenu créditeur net. La réalité nationale des phases impérialistes précédentes n’existe plus ou de moins en moins. Depuis les années 1970-1980, le capital productif des pays impérialistes s’est mondialisé. Au contraire, le capital productif des pays socialistes s’est développé «sur place». Il en est de même des pays en développement. Certes, les capitaux des pays impérialistes ne sont pas allés directement dans les pays en développement. Ils sont d’abord allés vers les autres pays impérialistes. Ce qui veut dire que, vers les années 1970-1980, la stratégie consciemment mise en œuvre par les dirigeants politiques des grandes bourgeoisies et suivie par les capitaux monopolistes fut celle de la CONCENTRATION INTENSIVE ET DE L’INTERPÉNETRATION du capital productif dans les pays impérialistes eux-même.
Ensuite ces capitaux, autour des années 2000, se sont plus massivement dirigés vers ce qu’on a appelé «les pays émergents». La production issue de ces capitaux est vendue depuis lors aux pays impérialistes qui deviennent, macroéconomiquement, débiteurs structurels des pays émergents.
La deuxième grande différence entre la structure des activités des pays impérialistes et celle des pays socialistes a trait au poids de la population agricole. Dans les pays de l’impérialisme, l’agriculture tend à n’être qu’une industrie parmi d’autres, cette industrie étant mondialisée par le biais des capitaux monopolistes géants capables de dominer la production agricole. Pour ces capitaux géants, l’agriculture ne produit pas des produits agricoles. Elle produit des molécules végétales.
En Chine, et dans les pays socialistes en général, l’agriculture tend vers autre chose. Ce n’est pas seulement un mode de production, c’est un mode de vie. Ce dernier doit être inséré de manière prudente et réfléchie dans le développement général, et notamment dans le développement urbain et régional général. Cette stratégie présente un coût. Sans tomber dans l’idéologie conservatrice du tableau de «l’Angélus» ou du roman de «La Terre qui meurt», elle est d’essence humaniste, et elle est significative de la supériorité du socialisme dans la conduite du développement.
La troisième grande différence concerne le secteur des services, beaucoup plus développé dans les pays de l’impérialisme que dans ceux du socialisme, en raison, notamment, de la structure financièrement mondialisée de leurs activités industrielles et agricoles. Cela dit, l’écart existant entre les deux structures ne résulte pas uniquement de la financiarisation des économies impérialistes. Aux États-Unis, le poids des services financiers en valeur ajoutée est d’environ 9% et il est croissant. En France, ce poids est un peu moindre (5%) et il est également croissant.
Mais on ne saurait identifier services et financiarisation. L’antériorité du développement des pays de l’impérialisme est aussi un facteur d’explication de la différence. La Chine est réellement entrée dans la modernité économique il y a seulement 20 à 30 ans et les services s’y développeront.
Quelle est, considérée très globalement, la structure des activités dans le reste du monde, qui représente 60% de la population mondiale ? Voici une statistique relative aux pays du BRICS de 2010 (45% de la population mondiale). Ces chiffres, qui ont trait à la population active et non à la valeur ajoutée, ne sont que des approximations, les comparaisons internationales étant difficiles à établir, tant pour des raisons de définitions que de qualité des appareils statistiques.
Comme le montre ce tableau, l’industrie est, à l’exception de l’Afrique du Sud, la base des activités dans ces pays. La colonne du «secondaire» y est à peu près identique et variait, il y a dix ans, entre 22% et 29%. Ces proportions se sont certainement accrues depuis, quoique de manière différenciée selon l’importance respective des secteurs de l’agriculture et des services. En effet, en 2010, le secteur primaire était plus important que le secteur tertiaire pour la Chine et pour l’Inde. On observait la situation contraire pour la Russie et le Brésil.
Malgré son intérêt, je n’ai pas cherché à établir ce même tableau en 2020 en raison de l’ampleur du travail qui eut été nécessaire. Cela dit, la conclusion qui s’impose semble être la suivante. Les pays en développement, qu’ils soient socialistes ou capitalistes, tendent aujourd’hui à développer leurs industries et le poids du secteur secondaire est désormais supérieur à celui des pays de l’impérialisme. Il est de l’ordre de 25%-30%.
Éléments de conclusion de la première partie
L’une des interrogations ressortant de ces trois tableaux est la suivante : comment les grandes et très grandes bourgeoises ont-elles imaginé qu’elles pouvaient continuer à dominer et exploiter le monde lorsqu’il leur est apparu, autour des années 1970, que le système impérialiste d’après la Deuxième Guerre mondiale n’était plus conforme à leurs exigences et qu’il convenait d’en changer radicalement, tout en conservant les rapports capitalistes de production ? Quelles contradictions ressortent aujourd’hui de ces tentatives ? Je me propose de commencer à répondre à cette question dans la sous-partie suivante.
Mais sans attendre, on peu déjà conclure, me semble-t-il, que le XXIe siècle sera le siècle du développement et du socialisme. Pour ce faire, la paix sera nécessaire. Le monde, s’il veut se développer, est condamné à vivre au sein de rapports sociaux de paix. C’est la zone du développement national et pacifique qui l’emportera et qui donnera aux relations internationales sa forme définitive dans la mesure où les pays qui la composent sauront faire alliance avec le pays leader du socialisme, la Chine. Débarrassé de sa finalité impérialiste, le commerce pourra être «un doux commerce» et il le sera. L’impérialisme sera définitivement éliminé de la planète comme système de fonctionnement économique, politique, scientifique, démographique et culturel.
Ce siècle sera aussi, grâce aux pays en développement alliés aux pays socialistes, le siècle de la fin de la misère dans le monde. Les pays de la misère pourront enfin entrer dans le flot du développement.
Je crois que ce que nous percevons aujourd’hui est un peu différent de l’idée que nous, marxistes, avions de l’évolution du monde, il y a encore une cinquantaine d’années. Nous pensions que le socialisme était l’antithèse du capitalisme, ce qui semble juste. Mais du coup, nous pensions que seuls les pays socialistes porteraient concrètement la contradiction à leurs ennemis d’en face, les pays de l’impérialisme.
C’est pourquoi nous avons été humiliés et mentalement affaiblis lorsque le système socialiste de type soviétique a été mis à terre. Nous avons pu croire un instant que les impérialistes avaient gagné, les salauds. En réalité, si le socialisme est porteur de la forme la plus puissante et la plus dynamique ainsi que de long terme du développement économique, l’exigence de ce dernier frappe à la porte du monde bien au-delà du socialisme.
L’exigence du développement m’apparaît aujourd’hui comme étant la forme concrète la plus importante de la contradiction interne à l’impérialisme.
Certes, le socialisme serait l’organisation la plus adéquate, la plus achevée, la plus précise pour satisfaire l’exigence du développement, qui, je le répète, serait la vraie forme de la contradiction interne de l’impérialisme. Mais au sein d’une majorité de pays capitalistes, cette exigence du développement se ferait également jour.
Ce que, par conséquent, nous observerions aujourd’hui, à travers l’alliance stratégique de la Chine et de la Russie, serait l’alliance de deux modalités politiques, économiques et d’organisation de la forme de la contradiction interne à l’impérialisme, qui serait, qui est l’exigence du développement. Telle serait la nouveauté du monde. Et c’est cette alliance qui, si elle dure, se renforcera, attirera de nouveaux alliés, et contribuera à mettre l’impérialisme sur le flanc.
Ensuite, ce sera une autre histoire, et il y aura d’autres conflits, car socialisme et capitalisme diffèrent et s’opposent. Mais ces conflits ne seront pas les mêmes que ceux, exclusivement meurtriers, observés aujourd’hui avec l’impérialisme.
source : Histoire et Société
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