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par Bruno Guigue
Les Occidentaux auront du mal à l’admettre, et pourtant c’est indéniable : si la Chine contribue pour une part croissante aux investissements dans les pays en développement, c’est parce qu’elle s’est bien gardée d’imiter les politiques néo-libérales inspirées du «Consensus de Washington». Avec l’Initiative «La ceinture et la route», Pékin a su pallier les carences des institutions financières internationales dominées par le capitalisme occidental (FMI et Banque mondiale). Non seulement ces bailleurs de fonds n’ont plus les moyens de satisfaire les besoins en investissement des pays demandeurs, mais ils exigent en contrepartie la mise en œuvre de politiques néo-libérales : diminution des dépenses publiques, privatisation du secteur public, baisse des impôts sur les sociétés, flexibilité du marché du travail et déréglementation financière.
C’est aujourd’hui le cas de la Tunisie où, en échange d’un nouveau prêt, le FMI exige notamment la suppression des subventions aux produits de première nécessité et la privatisation des entreprises publiques.
Heureusement, cette tentative de diktat occidental a provoqué une vigoureuse protestation de l’UGTT et, jusqu’à présent, elle a reçu une fin de non-recevoir de la part du chef de l’État tunisien.
Tout le monde a en mémoire, il est vrai, l’effet mortifère des programmes d’ajustement structurel imposés par le FMI au cours des trois dernières décennies. Lors de la crise asiatique de 1997, l’application des recettes néo-libérales avait provoqué des émeutes de la faim et laissé les économies émergentes en piteux état. Il n’est donc pas étonnant que de nombreux États, par la suite, se soient tournés vers Pékin pour obtenir des fonds sans avoir à affamer leur propre population.
Avec la Chine, en effet, non seulement les moyens financiers et l’expertise technique permettent de faire face aux besoins des pays demandeurs, mais Pékin s’interdit toute ingérence dans leurs affaires intérieures et respecte leur souveraineté nationale : en contrepartie, la Chine n’impose aucune obligation concernant la politique économique des pays concernés. En clair, les États qui veulent travailler avec la Chine ne sont pas contraints de privatiser les entreprises publiques, de diminuer les impôts sur les riches ou de déréguler les marchés financiers. Ils font ce que bon leur semble.
L’offre chinoise ayant connu un franc succès, ses détracteurs occidentaux sont contraints de faire feu de tout bois, et ils accusent alors la Chine de pousser les pays du Sud au surendettement. Leur exemple préféré est celui du Sri-Lanka. Selon cette narration fantaisiste, le pays mis à genou aurait été contraint de céder des actifs à ses créanciers chinois. Or cette accusation récurrente ne résiste pas à l’examen des faits. Le Sri Lanka doit 81% de sa dette extérieure aux institutions financières américaines et européennes, au Japon et à l’Inde. La Chine n’en détient que 10%. En réalité, le Sri Lanka a lutté contre le fardeau de la dette occidentale après avoir suivi 16 «programmes de stabilisation économique» imposés par le FMI. En 2021, 47% de sa dette extérieure était détenue par des fonds vautours et des banques occidentales. Les principaux créanciers, sous la forme d’obligations souveraines internationales, sont BlackRock (États-Unis), Ashmore Group (Grande-Bretagne), Allianz (Allemagne), UBS (Suisse), HSBC (Grande-Bretagne), JPMorgan Chase (États-Unis) et Prudential (États-Unis). La Banque asiatique de développement et la Banque mondiale, largement dominées par les États-Unis, détiennent respectivement 13% et 9% de la dette extérieure. Le Japon en détient 10%, l’Inde, 2% du total.
Mais peu importent les faits. Bien que la Chine ne détienne qu’un dixième de la dette extérieure publique du pays, de nombreux médias occidentaux ont désigné Pékin comme responsable de la situation, l’accusant de poursuivre une «diplomatie du piège de la dette» destinée à «mettre à genoux les pays économiquement faibles et dépendants de la Chine pour leur soutien». La Chine a financé plusieurs projets d’infrastructure au Sri Lanka, de la construction d’un aéroport international à celle du port de Hambantota, dans le sud du pays. Une campagne de presse a alors accusé la Chine d’avoir poussé le pays à s’endetter pour faire un nouveau port en eaux profondes et d’en avoir pris le contrôle pour des raisons stratégiques. Pourtant, la réalisation de cet équipement n’est pas une idée chinoise : c’est une initiative purement sri-lankaise, et une entreprise canadienne a réalisé l’étude de faisabilité.
Lorsqu’un nouveau gouvernement a pris ses fonctions, en 2017, la part de l’endettement due au port de Hambantota n’était que de 5% sur les 4,5 milliards de dollars de service de la dette pour l’année 2017. Lorsque ce gouvernement a pris la décision de louer le port pour 99 ans, seule l’entreprise chinoise China Merchants a accepté de répondre à l’appel d’offres, et elle en est devenue l’actionnaire majoritaire avec un apport d’un milliard de dollars. A noter que le gouvernement sri-lankais a utilisé cet apport pour renforcer ses réserves de change, et non pour rembourser la banque chinoise China Eximbank.
Comme le montre l’exemple sri-lankais, le procès intenté à la Chine repose généralement sur une grossière manipulation des chiffres. En confondant dette publique et dette bilatérale, la propagande occidentale attribue frauduleusement à la Chine la responsabilité d’un surendettement qui est surtout dû à la hausse des taux d’intérêt et au fléchissement de la croissance mondiale. Ces accusateurs de mauvaise foi omettent de préciser que la dette extérieure publique d’un pays est divisée en trois composantes par type de créancier, à savoir la dette publique multilatérale (auprès des institutions financières internationales), la dette publique bilatérale (auprès des gouvernements), et la dette des créanciers privés (auprès des banques commerciales et autres organismes). Or qu’en est-il de cette répartition de la dette dans les pays en développement ?
Selon le rapport de la Banque mondiale publié le 22 décembre 2022, la dette publique des 121 pays à revenu faible ou intermédiaire, à la fin de 2021, s’élevait à 3600 milliards de dollars. Sur ce total, la part de la dette des créanciers privés était de 61%, soit 15 points de plus qu’en 2010. Une réalité comptable qu’il est difficile de passer sous silence : la dette publique extérieure des pays à revenu faible et intermédiaire appartient donc majoritairement à des créanciers privés, qui sont occidentaux et japonais pour la plupart. Or c’est l’inflation de cette dette purement privée et fortement lucrative qui a aggravé le surendettement actuel. La Banque mondiale elle-même, dans son rapport, a fait part de sa préoccupation en soulignant qu’une trop grande dépendance à l’égard de ces créanciers privés augmenterait le coût du service de la dette et ne faciliterait guère la restructuration de l’endettement.
Si l’on cible l’analyse sur les pays pauvres éligibles aux prêts à taux très réduits de l’Association internationale de développement (AID), la conclusion est similaire. Fin 2021, la dette extérieure publique des 69 pays éligibles à l’AID recensés dans le dernier rapport de la Banque mondiale s’élevait à 1000 milliards, dont 202,5 milliards de dette publique bilatérale. Autrement dit, près de 80% de la dette des pays les moins avancés provient des institutions financières multilatérales et des organismes commerciaux occidentaux ou japonais. S’il est exact, comme l’affirme la Banque mondiale, que l’encours de la dette publique bilatérale des pays AID envers la Chine est de 100 milliards, on peut en conclure que la dette publique bilatérale envers la Chine représente bien 50% de la dette publique bilatérale, mais seulement 10% de l’ensemble de la dette publique extérieure des pays AID. On pourra toujours tenter de tordre les chiffres dans tous les sens, mais il est clair que 90% de l’endettement des pays pauvres n’ont rien à voir avec les financements octroyés par la Chine.
Mais ce n’est pas assez. Poursuivant la manipulation, on accuse alors la Chine de s’approprier des actifs stratégiques dans les pays incapables de payer leurs dettes. Une fable qui a été dissipée par des chercheurs anglo-saxons peu suspects de complaisance à l’égard de Pékin. Dans une étude publiée par la revue The Atlantic le 6 février 2021, l’universitaire Deborah Brautigam a montré que le récit du piège de la dette était un mensonge : «Nos recherches montrent que les banques chinoises sont disposées à restructurer les conditions des prêts existants et n’ont jamais saisi un actif d’aucun pays, et encore moins du port de Hambantota». La même équipe de chercheurs a enquêté sur les prêts chinois au Sri Lanka, en Irak, au Zimbabwe, en Éthiopie, en Angola et en République du Congo. Ils n’ont trouvé aucune saisie d’actifs. En revanche, ils ont découvert que Pékin avait annulé plus de 3,4 milliards de dollars et restructuré ou refinancé environ 15 milliards de dollars de dette en Afrique entre 2000 et 2019. Au moins 26 prêts individuels aux pays africains ont ainsi été renégociés. Enfin, la presse occidentale incriminant le «manque de transparence» des prêts chinois, Mme Brautigam explique, pour sa part, que «les prêteurs chinois préfèrent aborder la restructuration discrètement, sur une base bilatérale, en adaptant les programmes à chaque situation».
source : Bruno Guigue
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