L’Homme de Tripoli : Mémoires d’agent secret

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par Dr Gabriel Galice

L’ancien chef de poste de la DGSE livre un précieux témoignage de terrain sur la «Centrale» mais aussi sur la politique du président Sarkozy, aussi stupide que criminelle dans sa décision d’attaquer la Libye. Cet ancien militaire a rejoint «la Boîte» («la Piscine» au temps du SDECE) pour lutter contre le terrorisme.

D’abord entrepris pour ses petits-enfants, le livre de Jean-François Lhuillier devient un témoignage vivant sur le parcours de l’officier assorti de réflexions sur les réformes et dysfonctionnements du service français de «contre-espionnage» extérieur. On n’est pas déçu !

Le drame du «Rainbow Warrior» conduira les politiques à démilitariser le service. Remplacer les saint-cyriens par des énarques ne sera pas une idée de génie, la rigueur faisant place à l’hypertrophie administrative et au copinage. Les opérations «Totem» communes à des services «amis» entameront grandement le secret nécessaire.

Quand les relations diplomatiques sont rompus, les «services» peuvent suppléer aux contacts nécessaires. Un moindre mal quand les pieds-nickelés du Quai d’Orsay nous engluent dans un mélange détonant d’atlantisme et d’incompétence.

L’essentiel de l’ouvrage porte sur ses missions à Tripoli, avant et après l’intervention militaire franco-britannique soutenue par l’OTAN.

«Le 17 mars 2011, la résolution 1973 de l’ONU décréta une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Libye, autorisant toutes mesures nécessaires pour protéger les populations menacées d’attaque. Si, à l’exemple de la Russie et de la Chine, l’abstention de pays traditionnellement non-alignés tels que l’Inde ou le Brésil ne fut pas une surprise, celle de l’Allemagne fut en revanche remarquée et abondamment commentée quant aux raisons de ce lâchage. La chancelière Angela Merkel savait ce que ses partenaires français et britanniques préparaient et, anticipant peut-être le chaos qui résulterait d’une intervention militaire, refusait de la cautionner. Sa décision serait plus tard comprise comme de la prudence. Et de la sagesse». (p.127)

«L’opération Harmattan était lancée. Dès le 19 mars, l’aviation française intervient contre les blindés et l’artillerie qui s’approchait de Benghazi, au grand dam de Kofi Annan qui regrettait l’interprétation faite de la résolution 1973. Toute ambiguïté était maintenant levée : la France avait mené un acte de guerre» (p.127).

La mise en œuvre mettait en évidence l’incurie des chefs de la DGSE : «La cruauté de la Centrale se déchaînait avec une totale mauvaise foi ou bien une méconnaissance totale de la situation sur le terrain. (…) Paris ne comprenait pas que les questions tunisienne et libyenne étaient liées» (p.158). «La Curie romaine au temps de la Renaissance était décrite par l’un de ses membres les plus éminents comme un lieu où il y avait «très rarement place pour la vertu et le talent. L’intrigue et l’intérêt du moment dirigent tout. (…) La DGSE du XXIe siècle méritait la même définition. (…) Le cœur au bord des lèvres, j’avais hâte de mettre de la distance entre la Centrale et moi. Sous commandement militaire, ces sombres manœuvres n’auraient pas eu lieu. Dans les Armées, les choses étaient claires et les inévitables rivalités contenues par une organisation où chacun était à sa place. S’il avait fallu me remplacer, on me l’aurait dit» (p.298).

Lhuillier rappelle que le régime libyen avait aussi lutté contre le terrorisme. «Que je le veille ou non, une relation particulière m’avait lié à lui (Abdallah Senoussi), non pas que j’eusse développé une quelconque amitié à son égard, mais j’avais fait passer les intérêts de de l’État français et du service avant mes opinions personnelles et misé sur cette sommité locale pour progresser vers mes objectifs, notamment dans la luette contre le terrorisme. Maintenant que la roue avait tourné, je pouvais accorder mes sentiments à la morale et rejoindre Patrick Calvar dans sa volonté de faire passer la justice. Je m’impliquais donc dans la recherche du numéro 2 du régime avec une énergie au moins égale à celle que j’avais déployée pour l’approcher, ce que l’on pourrait qualifier d’indispensable plasticité d’officier traitant !» (p.301)

L’épilogue tire un bilan : «Aujourd’hui, en 2023, la Libye reste divisée, selon une ligne de fracture davantage politique – nationalistes et libéraux opposés aux religieux – que régionale, comme elle le fut dans l’histoire. À Tripoli, la Turquie, alliée au Qatar, soutient les forces islamistes. En Cyrénaïque, la Russie, avec l’Egypte et les Emirats arabes unis, soutient les forces nationalistes et libérales. Quant aux flux migratoires vers l’Europe, profitant de l’anarchie, ils ont repris de plus belle. Et le peuple libyen, lui, est au comble de ses souffrances…

Si elle a été préparée et exécutée avec brio, l’intervention militaire de 2011 a été politiquement irréfléchie. Visant personnellement Muammar Kadhafi, elle a été en outre conduite à contretemps, ajoutant l’indignité à la tromperie.

Mis au ban des nations pendant les trente premières années de son règne, le guide libyen a fait l’objet de nombreuses tentatives d’éliminations intérieures et extérieures, mais aucune n’a été aussi globale. Or, c’est au moment où il s’est formellement rapproché du camp occidental, obéissant à toutes ses injonctions – règlement des attentats de Lockerbie et du Ténéré, renonciation au terrorisme, abandon de son programme nucléaire, biologique et chimique – qu’on décidait à nouveau de l’écarter (…) ouvrant la voie à une guerre civile prévisible. (…)

L’opération destinée à protéger la population cyrénéenne ne pouvait que générer le malheur et la souffrance du peuple entier. De fait, elle a causé plusieurs dizaines de milliers de morts, fauchant la jeunesse, et des blessés par centaines de milliers. Elle a entrainé une paupérisation générale, un retour en arrière de plusieurs décennies, et a dynamité la cohésion nationale acquise à grand-peine depuis un demi-siècle. (p.346) (…)

On a éliminé un homme et saccagé son pays sans se préoccuper du rempart qu’il formait contre l’islamisme. On a mésestimé son rôle de pourvoyeur de bienfaits en Afrique, n’y voyant qu’ingérences antioccidentales – contribuant pourtant à stabiliser le continent noir. Supprimer cette manne a fragilisé la sous-région entière, autant que l’armement des arsenaux libyens offerts aux djihadistes : Mali, Niger, Burkina Fasso, Tchad, Centrafrique, Cameroun…Conséquence, plusieurs coups d’État ont fait tomber des pays amis, chassant les forces françaises du Sahel, renforçant de facto les préoccupantes influences russes et chinoises. Plus dramatiques encore, dans ces contrées déjà maudites, les malheurs venus du Nord ont entraîné des catastrophes humanitaires, des déplacements de population, avec leur cortège de morts. Leurs spectres n’ont pas compté dans l’équation initiale. Kadhafi devait être éliminé». (p.347)

En conclusion : mieux vaut lire de tels témoignages de terrain que les divagations de géostratèges en chambre, pétris de flagornerie partisane, de préjugés et de stéréotypes. Deuxième enseignement : les militaires sont souvent moins belliqueux que les conseillers du prince (je l’ai vérifié en plusieurs circonstances). Troisième enseignement : Nicolas Sarkozy et David Cameron, accessoirement Barak Obama, relèveraient du Tribunal pénal international s’il était autre chose qu’un gadget aux mains des occidentaux. Quatrième leçon : l’agression franco-britannique a brutalement interrompu une médiation prometteuse de l’Union africaine selon Jean Ping, témoignant dans un livre (épuisé) et dans un article du Monde diplomatique d’août 2014. Cinquième leçon : l’auteur ne trahit aucun secret et minimise  les dimensions économiques et, surtout, monétaires, de l’entreprise de Kadhafi au bénéfice de l’Afrique et au détriment des États-Unis,,. Sixième leçon : l’agression occidentale a freiné un processus qui reprendra son cours ensuite, l’accélèrera avec la guerre en Ukraine par la dédollarisation, le renforcement des BRICS, la montée en puissance de la Chine… L’intervention russe en Syrie, en 2015, sonne comme une première réponse à l’agression occidentale de 2011. Elle s’est faite, elle, à la demande des autorités en place, légalement élues au demeurant. Septième leçon : La DGSE a «regretté» les mémoires des anciens du service, les accusant d’avoir manqué à leur serment. Lhuillier veut surtout transmettre ce qu’il a reçu et, accessoirement, contribuer à remédier aux défauts de «la Boîte». Un bon service de renseignement peut aussi servir à éviter des guerres et des massacres, comme l’explique Jacque Baud, ancien colonel du renseignement stratégique suisse, dans son précieux livre : «Gouverner par les Fake News». Sans trahir de secrets, Lhuillier s’explique dans l’entretien. Son témoignage est d’autant plus nécessaire que le parlement français n’a ni le courage ni les moyens de son homologue britannique, lequel eut le mérite d’un rapport décapant condamnant l’intervention diligentée par le Premier ministre Cameron. La déconvenue libyenne sera une raison majeure du véto du parlement britannique à une intervention en Syrie, entrainant le volte-face d’Obama et la déconfiture penaude d’Hollande, qui remit ses rangers au placard.

Dr Gabriel Galice

Jean-François Lhuillier, Mareuil Editions 2023, 350 p, 21,90 €
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Source : Lire l'article complet par Réseau International

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Site de réflexion et de ré-information.Aujourd’hui nous assistons, à travers le monde, à une émancipation des masses vis à vis de l’information produite par les médias dits “mainstream”, et surtout vis à vis de la communication officielle, l’une et l’autre se confondant le plus souvent. Bien sûr, c’est Internet qui a permis cette émancipation. Mais pas seulement. S’il n’y avait pas eu un certain 11 Septembre, s’il n’y avait pas eu toutes ces guerres qui ont découlé de cet évènement, les choses auraient pu être bien différentes. Quelques jours après le 11 Septembre 2001, Marc-Edouard Nabe avait écrit un livre intitulé : “Une lueur d’espoir”. J’avais aimé ce titre. Il s’agissait bien d’une lueur, comme l’aube d’un jour nouveau. La lumière, progressivement, inexorablement se répandait sur la terre. Peu à peu, l’humanité sort des ténèbres. Nous n’en sommes encore qu’au début, mais cette dynamique semble irréversible. Le monde ne remerciera jamais assez Monsieur Thierry Meyssan pour avoir été à l’origine de la prise de conscience mondiale de la manipulation de l’information sur cet évènement que fut le 11 Septembre. Bien sûr, si ce n’était lui, quelqu’un d’autre l’aurait fait tôt ou tard. Mais l’Histoire est ainsi faite : la rencontre d’un homme et d’un évènement.Cette aube qui point, c’est la naissance de la vérité, en lutte contre le mensonge. Lumière contre ténèbres. J’ai espoir que la vérité triomphera car il n’existe d’ombre que par absence de lumière. L’échange d’informations à travers les blogs et forums permettra d’y parvenir. C’est la raison d’être de ce blog. Je souhaitais apporter ma modeste contribution à cette grande aventure, à travers mes réflexions, mon vécu et les divers échanges personnels que j’ai eu ici ou là. Il se veut sans prétentions, et n’a comme orientation que la recherche de la vérité, si elle existe.Chercher la vérité c’est, bien sûr, lutter contre le mensonge où qu’il se niche, mais c’est surtout une recherche éperdue de Justice.

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