Les rats sont peut-être les animaux qui inspirent le plus de mépris et de dégoût à l’être humain. Chaque année, des millions d’entre eux sont massacrés au nom de peurs irraisonnées et de façon souvent cruelle. Mais que savons-nous des rats finalement ? Qu’ils sont sales, transmettent des maladies ? Et après ? Pourquoi sont-ils là ? Qu’est-ce qui explique leur prolifération ? Quels risques pour l’être humain concrètement ? Des questions qui, au delà des préjugés, incitent à relativiser …
Encore étroitement associé, dans l’esprit des gens, aux épidémies de peste qui ravagèrent l’Europe quelques siècles en arrière, le rat ne représente plus guère de menace aujourd’hui. Seule maladie méritant d’être citée : la leptospirose. Infection bactérienne dont les principaux réservoirs sont les rongeurs (en particulier le rat), la leptospirose est transmissible à l’homme et peut conduire à des formes graves (voire la mort) dans 5 à 20 % des cas. La contamination se fait par contact muco-cutané (peau lésée essentiellement) avec l’urine de l’animal, plus rarement par morsure.
Si le rat et les rongeurs sauvages (campagnols, ragondins …) sont les principaux porteurs de la maladie, ce ne sont pas les seuls. Dans l’ordre, viennent ensuite le chien, le cochon, puis de nombreux autres mammifères (cheval, bovins, renard, furet, chauve-souris, chat …). Soit un ensemble comprenant à la fois des animaux sauvages, d’élevage et domestiques.
En France, il est recommandé de faire vacciner les chiens, surtout si ceux-ci ont accès à des zones extérieures fréquentées par des animaux sauvages. En pratique, la maladie est très souvent incluse en routine dans la vaccination de base. S’agissant des animaux d’élevage (cochons, bovins) par contre, la vaccination est peu utilisée. En général, c’est l’antibiothérapie de groupe qui est de mise (une fois le troupeau touché donc). Quant au rat, on résout le problème par des campagnes de dératisation …
Certaines professions (éleveurs, pisciculteurs, personnel d’abattoirs, égoutiers, éboueurs …) sont logiquement plus à risque. Pour eux, la leptospirose est reconnue comme maladie professionnelle. Un vaccin est également proposé, mais il ne protège que dans 30 % des cas. Pourtant, l’essentiel du risque ne se situe pas là. Le plus souvent, c’est lors d’activités en eau douce (baignade, plongée, pêche, triathlon, canoë-kayak, rafting …), de loisir donc, que la contamination se produit.
Les zones humides sont le terrain de prédilection de la leptospirose (comme de nombreux autres agents pathogènes), ce qui explique d’ailleurs qu’on la retrouve davantage dans certaines régions du monde. Pour exemple, la maladie représente autour de 0,5 cas pour cent mille habitants en France métropolitaine et plus de 50 cas pour cent mille habitants en France d’outre-mer (jusqu’à 150 en Nouvelle-Calédonie).
Par ailleurs, il faut savoir qu’il existe un traitement antibiotique efficace (y compris sur les formes graves) et que la maladie se soigne bien lorsqu’elle est prise à un stade précoce. D’où l’importance d’en connaître les signes (fièvre, maux de tête, frissons, nausées, vomissements, diarrhée, douleurs musculaires …) et de savoir s’alerter en cas d’exposition récente (baignade en lac ou en rivière par exemple).
Régulièrement pourtant, le problème des rats revient sur le devant de la scène. Avec en toile de fond la critique de telle ou telle municipalité (Paris le plus souvent) accusée de ne pas en faire assez pour les éradiquer. Quant à l’idée de méthodes alternatives (confère le projet de recherche visant à « lutter contre les préjugés » et « mieux cohabiter avec les rats » actuellement mené par le Muséum d’histoire naturelle, l’Institut Pasteur, VetAgro Sup et la Sorbonne, en lien avec la mairie de Paris), elle provoque des levées de boucliers.
Et pourtant. Les rats craignent les humains et n’ont à priori aucune raison d’entrer en contact avec eux. Dans les villes, ils restent le plus souvent cantonnés aux égouts où ils jouent même un rôle utile. Capables de manger l’équivalent de 10% de leur poids par jour, ils peuvent éliminer entre 30 et 34 milliers de tonnes de déchets par an (empêchant/limitant ainsi l’obstruction des canalisations). Ils peuvent aussi jouer le rôle de donneurs d’alerte, en cas de montée des eaux ou de fuite de gaz.
En réalité, la présence des rats en surface (dans les parcs ou habitations) s’explique par plusieurs raisons : les épisodes de remontée de nappes (inondations) suite aux intempéries, les travaux en sous-sol menés ici ou là (peu significatifs dans l’ensemble) et surtout … l’évolution de nos modes de vie. A savoir notamment, la tendance de surconsommation (explosion du volume de déchets produit en quelques décennies) et le comportement des gens (déchets abandonnés dans les parcs par exemple).
Les produits utilisés pour tuer les rats (raticides) sont particulièrement cruels. Parmi les plus utilisés, les anticoagulants, qui provoquent une mort lente et douloureuse. Celle-ci survient entre quelques jours à deux semaines, après une série d’hémorragies internes. Des produits qui empoisonnent aussi parfois des animaux domestiques (chiens, chats …) ainsi que les prédateurs du rat (renards, furets …).
A cela s’ajoute les problèmes environnementaux. Citons la dissémination des produits dans la nature (par inondation/ruissellement …), la bio-persistance de certaines molécules, ou encore l’apparition de phénomènes de résistance (conduisant à l’utilisation de produits encore plus dangereux). Et ce, sans oublier la capacité d’apprentissage des rats (évitement des appâts) complexifiant encore les choses.
Finalement, plutôt que d’entretenir le cercle vicieux (et atroce) du piégeage, il serait utile de revenir à de simples mesures de bon sens : ne pas laisser trainer de nourriture, veiller à utiliser des containers fermés, boucher les trous pouvant servir de passage … Malgré leur capacité reproductive importante, les rats ne prolifèrent que lorsqu’ils ont les ressources pour le faire. Remettre en cause nos propres comportements (y compris en arrêtant de zigouiller les prédateurs du rat) est probablement le meilleur moyen de gérer leurs nuisances.
Les rats sont des animaux très intelligents. On leur attribue une mémoire spatiale, temporelle, épisodique (moments personnellement vécus). Ils sont également capables de faire des calculs, déduire des relations entre objets (inférence transitive) ou encore d’évaluer leurs propres connaissances (métacognition). Les rats sont également des animaux sociaux : lorsqu’ils sont laissés seuls, ils commencent à montrer des signes de dépression. Enfin, ils sont doués d’empathie : un rat refusera une récompense si elle nuit au bien-être d’un de ses congénères par exemple.
Bref, les rats ont leur existence propre, leur univers propre (éloigné des humains), et leurs aspects néfastes (présence en ville, saleté …), ne sont finalement que le miroir de nos propres comportements. Le danger qu’ils représentent est dérisoire. Et ne justifie pas la cruauté avec laquelle on les extermine (en masse) chaque année. Changeons de regard sur les rats. Changeons nos habitudes aussi. Veillons à ne pas les attirer et … laissons les tranquilles.
Leptospirose (1)
Leptospirose (2)
Leptospirose chez le chien
Leptospirose en élevage
Contamination en eau douce
Les rats sont-ils vraiment dangereux ?
Un comité pour étudier la « cohabitation » avec le rat
Les rats sont utiles (1)
Les rats sont utiles (2)
Le rat d’égout (ou surmulot)
Raticides
Résistance aux raticides
L’intelligence des rats
Les rats aiment la musique
Les rats aiment jouer à cache-cache
Les rats rient quand on les chatouille
La mémoire épisodique chez le rat
L’inférence transitive chez le rat
La métacognition chez le rat
L’empathie chez le rat
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir