Nahel et les amalgames — Xiao PIGNOUF

Nahel et les amalgames — Xiao PIGNOUF

Encore un commentaire qui a muté en article. Je remercie le Grand Soir de bien vouloir laisser s’exprimer ma « fachophobie » dans toute sa saleté. Que je me purge de cette haine que j’ai pour de pauvres gens qui ne m’ont rien fait et pour lesquels j’ai tant de préjugés… Après ces quelques mots d’auto-flagellation, venons-en aux choses sérieuses…

Avertissement aux âmes sensibles : les mots « extrême » et « droite » sont employés à plusieurs reprises dans ce long argumentaire. Des anti-vomitifs sont à disposition à l’entrée. Bonne lecture.

Qu’y a-t-il en face de nous ?

Il y a un pouvoir qui n’est séparé de la colère du peuple que par un rempart que composent la police et l’armée, ces deux corps de métier gangrénés par l’idéologie d’extrême-droite, et plus particulièrement par le racisme et la haine du gauchisme. Emmanuel Macron, en tacticien simpliste, comme ses prédécesseurs avant lui, pour s’assurer la loyauté de ces chiens de garde, a étendu leur pouvoir de nuisance et surtout leur marge de manœuvre quand il s’agit de réprimer les métèques et les gauchistes. Et sur ce buffet à volonté, de la matraque, du LBD, de la grenade de désencerclement, des gaz lacrymo… et de temps en temps, pour se faire un petit plaisir coupable, du 9 mm Parabellum.

Oui, l’extrême-droite est mauvaise pour la santé, c’est avéré. Mais est-elle au moins dangereuse pour le pouvoir en place ? Lorsqu’elle fomente des attentats terroristes. est-ce qu’elle cible l’état ou le pouvoir ? Que nenni, elle a pour projet et même pour idée fixe d’assassiner des musulmans ou des gauchistes.

Et l’on voudrait laisser ces gens accéder au pouvoir ? Ce serait comme remettre les clefs du jardin d’enfants à un molosse affamé.

Les quartiers

Personne n’en a strictement rien à foutre tant qu’ils se tiennent à carreau. Leurs habitants, citoyens de troisième zone, ont été privés de services publics et de dignité bien avant le monde rural et les Gilets Jaunes, ils ont été parqués, abandonnés par l’état, exclus du reste de la société, cantonnés à des boulots minables, un environnement terne et sans avenir. Par exemple, les écoles de Seine-Saint-Denis sont les plus pauvres de tout le territoire. Pour voir pire, il faut aller dans les DROM-COM, et encore.

Et l’on s’étonne que pour compenser, ces populations se soient tournées vers le communautarisme, la religion, que les jeunes deviennent délinquants, inciviles et violents, que certains optent pour des trafics qui leur rapportent cinq fois plus et cinq fois plus vite que les boulots d’esclaves que leurs parents et leurs grands-parents ont été contraints de prendre pour survivre. Personne n’applaudit les pillages, mais quand on tient des jeunes à l’écart d’une richesse qu’on leur fait miroiter sous le nez, rien d’étonnant à ce que ce soit la première chose sur laquelle ils jettent leur dévolu.

La violence urbaine existe, et ce sont souvent des jeunes issus de l’immigration qui sont impliqués dans ces violences, mais vous savez quoi ? C’est parce que ce sont les plus pauvres, pas à cause de leur couleur de peau. Le recours à la violence n’est pas génétique, il est construit socialement. Imaginons qu’on réémigre tous ces « racisés » mal élevés dans leur contrée d’origine (qui ne l’est plus puisque la grande majorité sont nés Français), d’autres pourtant bien plus Blancs prendraient leur place. La violence urbaine a toujours été présente, de manière plus intense à mesure que l’on remonte dans le temps, avec probablement la parenthèse enchantée des Trente Glorieuses dans laquelle l’emploi bien rémunéré coulait à flots.

S’il vaut mieux veiller à ne pas tomber dans le piège des médias et des réseaux sociaux qui amplifient des actes dramatiques mais ponctuels, il n’est cependant pas irrationnel de prévoir que cette violence repartira à la hausse, comme garniture sur la pizza XXL d’une misère en expansion arrivée à domicile sur le porte-bagages des livreurs-cyclistes UBER « racisés » et sous-payés.

Je recommande cette analyse du philosophe marxiste Slavoj Zizek à propos des émeutes de 2011 à Londres. (pour les anglophones seulement hélas).

Quant à mettre sur les épaules d’une mère qui vient de perdre son enfant la responsabilité d’appeler au calme, non seulement c’est du dernier niveau de cruauté mais c’est d’une naïveté enfantine. D’ailleurs, elle n’a attendu les injonctions de personne pour le faire, sans succès évidemment. La seule manière d’arrêter ce « remue-ménage » (qui s’arrêtera tout seul de toute façon), c’est de condamner et révoquer le flic qui a fait, selon toute vraisemblance, un usage abusif de son droit de tuer et qui a commis un parjure pour le cacher. C’est d’abroger la loi scélérate dite Cazeneuve. Et osons rêver, de nettoyer la police de fond en comble à la manière des écuries d’Augias.

Il n’y a qu’une seule personne en France en mesure de décider cela : il trône 55, rue du Faubourg Saint-Honoré, bouffe dans des porcelaine hors de prix et chie dans des toilettes dernier cri. Il est inutile à 99% du peuple français et nuisible aux trois-quarts.

La petite Lola

Comparer les crimes et délits sur critères raciaux est un réflexe d’extrême-droite. Valeurs Actuelles l’a fait, Riposte Laïque itou, et moult influenceurs. Lola a été assassinée par une déséquilibrée en situation irrégulière en France et portant un nom maghrébin. Nombre d’enfants ont été assassinés dans des conditions aussi sordides, mais étant donné que la majorité de ces crimes sont commis par des Français de souche, souvent les propres parents des victimes d’ailleurs, ça n’arrange pas le cherry-picking racial des droitards qui du coup se gardent bien de s’en indigner.

Le drapeau (algérien)

Voilà bien encore un des refrains favoris de l’extrême-droite. En quel honneur devrait-on exiger de quelqu’un qu’il renie une part de son passé familial pour prouver quoi que ce soit ? Je connais, et vous aussi je suppose, des Italien(ne)s, des Portugais(e)s, des Espagnol(e)s qui bien qu’ayant la (double) nationalité française gardent un amour profond pour leur héritage culturel. Et nous devrions interdire cette richesse aux Français d’origine africaine ? Mmm, moi qui ai l’esprit tordu, je ne peux m’empêcher d’y voir quelque trace de pneu mentale, reliquat du temps béni des colonies… Nahel sera peut-être inhumé en Algérie, et alors ? Qu’est-ce que la France a apporté à ce gamin indiscipliné fauché par sa police après une si courte vie ?

Samuel Paty

Il n’a pas fallu très longtemps pour que ce nom apparaisse dans le débat avec celui de Lola. Et ici encore, comparaison n’est pas raison.

Le terrorisme, qu’on le veuille ou non, est un phénomène politique. Le terrorisme islamiste pas moins qu’un autre. Le Bataclan, Charlie Hebdo, l’Hyper Casher, Nice, Montauban, Toulouse, Arnaud Berltrame, Samuel Paty, ce sont des actes aussi criminels et injustes que politiques dont beaucoup de Français ont été victimes, y compris des musulmans. Toutefois, pour résoudre ce problème, au lieu de l’amalgamer à un phénomène tout à fait différent juste parce que le point commun, c’est l’ethnie des protagonistes, il conviendrait de se poser les bonnes questions, à commencer par comptabiliser les morts provoquées par nos guerres dans des pays (tous musulmans) qui ne nous ont rien fait : est-il plus juste et moins criminel d’avoir contribué grâce à nos bombes à la mort atroce de centaines de milliers d’enfants, de femmes, d’adolescents amoureux, de travailleurs, d’anciens pleins de sagesse ? Quand on sème le vent, on récolte la tempête.

Alors comparons ce qui est comparable.

Alhoussein Camara

Pourquoi ne pas essayer plutôt cet amalgame ? Ce Guinéen de 19 ans est mort sous les radars médiatiques, dans des circonstances à la fois proches et différentes de celles de Nahel : ce jeune intérimaire allait bosser à 4 heures du mat’ dans sa voiture quand il a été intercepté par la police et abattu. Prétexte : refus d’obtempérer. Seulement sans vidéo, il faut croire les condés sur parole … Bah, ils n’ont peut-être pas menti cette fois… Enfin, malgré l’indifférence médiatique, il y a bien eu une « émeute » sur un rond-point angoumoisin…

En conclusion, je voudrais répondre à un de mes camarades intervenant sur le forum du Grand Soir qui posait cette question :

Comment comptez vous vous mettre en alliés des gens dont vous détruisez les voitures, transports collectifs, bien publics…………….épargnant au passage les véritables poudrés ?

C’est peu ou prou ce qu’ont fait les Gilets jaunes pendant les mois où ils ont manifesté à Paris et dans une moindre mesure, dans les villes de province. Des véhicules ont subi des dommages, des équipements publics utiles aux usagers parisiens ont été détruits, des vitrines ont été brisées, des petits commerces ont coulé. Ça n’a pas paru perturber qui que ce soit parmi le lectorat grandsoiriste à l’époque, et moi non plus. On ne fait pas d’omelette sans casser des oeufs. Dire cela n’est pas approuver, mais c’est malheureusement les contingences d’une révolte : elle n’est jamais sélective dans sa violence et dans les dégâts qu’elle cause. D’ailleurs, dire que les jeunes de banlieues ont évité de nuire aux « poudrés », ça se discute. Aller piller les magasins de grandes marques, est-ce s’en prendre à leurs employés interchangeables payés une misère ou aux « poudrés » qui les dirigent ? En ce qui concerne l’espoir d’une convergence des luttes, il est parfaitement illusoire pour le moment. Au mieux, c’est un voeu pieux, ces jeunes n’étant pas politisés. Leur politisation ne pourra venir que de l’intérieur, et nous sapons, y compris à gauche, tout tentative de le faire : qui ici a la moindre idée ou sinon une opinion positive de ce que sont les Indigènes de la République, Houria Bouteldja ou Wissam Xelka ?

Xiao PIGNOUF

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Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir

À propos de l'auteur Le Grand Soir

« Journal Militant d'Information Alternative » « Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »C'est quoi, Le Grand Soir ? Bonne question. Un journal qui ne croit plus aux "médias de masse"... Un journal radicalement opposé au "Clash des civilisations", c'est certain. Anti-impérialiste, c'est sûr. Anticapitaliste, ça va de soi. Un journal qui ne court pas après l'actualité immédiate (ça fatigue de courir et pour quel résultat à la fin ?) Un journal qui croit au sens des mots "solidarité" et "internationalisme". Un journal qui accorde la priorité et le bénéfice du doute à ceux qui sont en "situation de résistance". Un journal qui se méfie du gauchisme (cet art de tirer contre son camp). Donc un journal qui se méfie des critiques faciles à distance. Un journal radical, mais pas extrémiste. Un journal qui essaie de donner à lire et à réfléchir (à vous de juger). Un journal animé par des militants qui ne se prennent pas trop au sérieux mais qui prennent leur combat très au sérieux.

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